Intervention de Nadine Morano

Réunion du 24 juin 2010 à 9h00
Maisons départementales des personnes handicapées — Discussion d'une proposition de loi

Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les maisons départementales des personnes handicapées constituent l’un des apports majeurs de l’importante loi du 11 février 2005. Avec elles, nous avons créé un lieu de proximité permettant d’éviter ce fameux parcours du combattant auquel sont confrontés celui ou celle qui rencontre le handicap comme les familles dont l’un des enfants est handicapé.

Si les MDPH se sont progressivement mises en place sous l’égide des conseils généraux, il est vrai que leur situation varie selon les départements et que certains traits communs de fonctionnement ou de dysfonctionnement se sont rapidement fait jour.

Fort de ce constat, le Président de la République, à l’occasion de la Conférence nationale du handicap, a affirmé qu’il fallait « améliorer le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées pour que toutes soient enfin à la hauteur des attentes des familles ».

C’est d’ailleurs dans cette optique, monsieur le rapporteur, que, le 24 juin 2009, Annie Jarraud-Vergnolle et vous-même avez remis un rapport d’information sur le bilan des maisons départementales des personnes handicapées, dont cette proposition de loi est le prolongement. Dans ce document, plusieurs solutions sont envisagées pour résoudre les difficultés constatées et, plus largement, certaines dispositions sont proposées pour améliorer la loi du 11 février 2005.

Avant de détailler les différents aspects de cette proposition de loi, monsieur le rapporteur, je souhaite vous remercier du remarquable travail que vous avez accompli.

Je rappelle que l’État a largement contribué au fonctionnement des MDPH en pourvoyant ces établissements en personnels ou en compensant les postes devenus vacants à la suite du départ, pour une raison ou pour une autre, de tel ou tel salarié.

Ainsi, en 2009, 15, 8 millions d’euros ont été versés pour compenser les postes vacants et 25, 4 millions d’euros de subventions de fonctionnement dues aux MDPH ont été délégués. La loi de finances pour 2010 a prévu la compensation de ces postes pour cette année.

Un bilan précis des postes occupés et vacants au 1er janvier dans les MDPH est en train d’être dressé, qui servira de base à un dialogue de gestion à l’échelon local. C’est l’objet de la circulaire du 14 avril 2010.

Ce n’est pas tout : le Gouvernement a veillé à ce que la CNSA pérennise son concours financier aux MDPH à hauteur de 60 millions d’euros.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, les MDPH rencontrent des difficultés de fonctionnement, notamment parce que les équipes manquent de stabilité. En effet, les membres du personnel relèvent actuellement d’une multitude de statuts – fonctionnaires mis à disposition par l’État ou le conseil général, personnels de droit public ou de droit privé, agents détachés –, de sorte qu’il est difficile de mettre en place une gestion des ressources humaines digne de ce nom. En particulier, les personnels de l’État mis à la disposition des MDPH ont la possibilité de réintégrer leur administration d’origine après un simple préavis de trois mois. Aujourd’hui, près de 600 postes d’agents de l’État sur 1 600 sont vacants.

C’est pourquoi, monsieur le rapporteur, le Gouvernement partage pleinement votre objectif et entend, lui aussi, garantir une plus grande stabilité des personnels au sein de ces établissements. Il se réjouit que soit maintenu le mécanisme de la mise à disposition, dont la durée et le délai de préavis seront allongés.

Surtout, cette mise à disposition sera remboursée via un mécanisme de double financement de l’État. Ainsi, la MDPH touchera en début d’année une subvention annuelle lui permettant soit de procéder à un recrutement sans délai si l’agent est parti en laissant son poste vacant, soit de rembourser l’État en fin d’année pour l’agent que celui-ci aura mis à sa disposition. Ce mécanisme garantira aux MDPH la visibilité financière dont elles ont tant besoin pour assumer les missions qui leur sont confiées.

J’en viens maintenant au fonctionnement des MDPH.

Monsieur le rapporteur, le Gouvernement salue votre proposition de consolider le statut des MDPH en faisant du groupement d’intérêt public une structure à durée indéterminée.

Nous accueillons aussi très favorablement la participation du directeur général de l’agence régionale de santé aux commissions exécutives. Sa présence au sein de l’organe de décision et d’organisation des MDPH permettra à celles-ci d’avoir une approche plus transversale et d’améliorer l’articulation avec les établissements hospitaliers.

Les mesures de simplification prévues par ce texte constituent d’autres avancées substantielles.

Je pense à la clarification des compétences territoriales, qui supprimera toute guerre de frontières, comme à l’harmonisation du contentieux.

Je pense également à la possibilité pour les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, de statuer en formation restreinte au sein de commissions spécialisées ou locales, proposition que la CNSA avait formulée au mois de juillet 2007. Cette simplification permettra qu’un plus grand nombre de dossiers soient étudiés par les commissions. J’ajoute que la commission plénière pourra ainsi, le cas échéant, devenir l’instance de régulation entre ces « sous-commissions ».

Cette proposition de loi opère plusieurs clarifications utiles sur les dispositifs d’insertion professionnelle. J’en retiendrai trois.

Premièrement, ce texte réaffirme le rôle de l’État dans le pilotage de la politique de l’emploi des personnes handicapées, qui fait intervenir une pluralité d’acteurs, et renforce la gouvernance de cette politique. Une convention-cadre pluriannuelle d’objectifs et de moyens sera conclue entre l’État, Pôle emploi, le FIPHFP, l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des handicapés, l’AGEFIPH, et la CNSA ; elle sera déclinée en conventions régionales.

Deuxièmement, cette proposition de loi élargit le champ des bénéficiaires potentiels des aides financières du FIPHFP et donne à ce dernier la capacité d’initiative qui lui faisait défaut. Désormais, celui-ci pourra subventionner les organismes et les associations qui contribuent à l’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique, avec lesquels il aura passé une convention, même si ces derniers n’ont pas la qualité d’employeur public. Cet assouplissement du cadre juridique était unanimement souhaité par l’ensemble des acteurs : il permettra au FIPHFP de développer plus largement ses actions en faveur de l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Troisièmement, ce texte clarifie les critères pris en compte pour le versement aux entreprises adaptées et aux centres de distribution de travail à domicile des aides financières qui leur sont destinées. Ces entreprises jouent un rôle essentiel dans l’insertion des personnes handicapées puisque 80 % de leurs salariés sont des travailleurs handicapés. Là aussi, il s’agit d’une simplification qui était très attendue par les professionnels du secteur.

J’aborderai maintenant la question de la compensation des conséquences du handicap.

La PCH a considérablement amélioré la couverture des besoins de compensation des personnes handicapées. Son extension aux aides ménagères est une revendication récurrente des personnes handicapées. Pour cela, c’est l’ensemble de la prestation qui doit être examiné, et non seulement une partie, et ce en tenant compte des contraintes des finances publiques, plus particulièrement celles des départements.

Je rappelle que le coût pour les conseils généraux pourrait dépasser plusieurs centaines de millions d’euros. Or la fiscalité locale a d’ores et déjà augmenté de 8, 1 % en 2009, voire de 11 % dans certains départements.

Monsieur Paul Blanc, vous proposez d’introduire un dispositif de péréquation des concours départementaux de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, afin de « ramener » à un taux moyen les taux de couverture de la dépendance, qui sont aujourd’hui très disparates. Cette disposition relève, à mon sens, de la fausse bonne idée ; j’y reviendrai lors de l’examen de l’article 14.

D’abord, cette mesure présente un risque majeur. La mise en place d’un mécanisme automatique de péréquation pourrait se révéler brutale et être mal interprétée par certains départements qui comptent encore de nombreux bénéficiaires de l’allocation compensatrice pour tierce personne. Je rappelle que ceux qui percevaient cette allocation avant qu’elle ne soit remplacée par la PCH en 2005 ont eu la possibilité de choisir entre l’une et l’autre.

En outre, il est indispensable d’attendre les conclusions du groupe de travail mis en place par le président du conseil de la CNSA, Francis Idrac, qui se penche actuellement sur les critères de péréquation entre les départements. Il faut rechercher une réponse globale à cette question qui concerne les concours à la PCH et à l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

En d’autres termes, pour le Gouvernement, un sujet d’une telle ampleur sur le plan tant politique que financier ne saurait être abordé au détour de la présente proposition de loi.

Je terminerai cette intervention en évoquant la politique d’accessibilité.

Sur la question d’une meilleure participation de nos concitoyens handicapés à la vie de la cité, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Il faut prévoir des aménagements dans les transports, dans les lieux publics, dans les magasins... Le temps presse, nous le savons. Dans moins de cinq ans, au 1er janvier 2015, toutes les villes devront être accessibles aux personnes handicapées : le chantier est titanesque. Afin d’être en mesure de le conduire, nous avons créé l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle, présidé par votre collègue Sylvie Desmarescaux. L’accessibilité ne concerne pas seulement les personnes handicapées motrices et ne vise pas uniquement le « cadre bâti » !

En matière d’accessibilité des logements neufs, la loi de 2005 a posé des exigences très claires. Dès 2006, tous les partenaires, y compris les associations de personnes handicapées, avaient acté le fait que des « dérogations » seraient possibles. Ce terme étant difficilement acceptable, nous parlerons désormais de « mesures de substitution ». Il ne s’agit pas de ne pas rendre les logements accessibles, il s’agit de les rendre accessibles autrement. Sur ce sujet, je serai intransigeante.

Monsieur le rapporteur, je sais combien cette question vous tient à cœur et je vous soutiendrai dans vos démarches afin de rendre la cité entièrement accessible à nos concitoyens handicapés. Toutefois, j’attire votre attention sur un point : à trop vouloir imposer des règles strictes, on risque de paralyser le système tout entier. Notre pays a aussi besoin de résidences de tourisme. Il a plus besoin encore de logements sociaux. Nous devons répondre aux besoins des Français, de tous les Français. À cet égard, je le répète, ces aménagements sont indispensables à une approche pragmatique de l’accessibilité.

En conclusion, l’examen de cette proposition de loi montre, si besoin est, combien la représentation nationale adhère à la volonté du Président de la République et donne la priorité à la pleine intégration des personnes handicapées dans notre société.

Je vous remercie une fois encore de l’ensemble du travail que vous avez accompli. L’examen de ce texte donne aux personnes handicapées une occasion supplémentaire d’être sur le devant de la scène, de faire entendre leur voix, de faire valoir leurs intérêts.

Les maisons départementales des personnes handicapées sont une réponse symbolique forte qui témoigne de notre volonté de proposer un lieu où les personnes handicapées et leur famille ne se sentiront plus jamais oubliées ou prisonnières de fonctionnements administratifs.

Avec ce texte, vous nous signifiez certes que du chemin reste à parcourir pour parvenir à ce résultat, mais également qu’une véritable intégration des personnes handicapées dans la société est possible, qu’il suffit de la vouloir et de la rendre effective !

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