Monsieur le rapporteur, ce sont incontestablement votre persévérance et votre volonté d’améliorer les dispositifs d’accompagnement et de prise en charge du handicap mis en place par la loi du 11 février 2005 qui nous réunissent dans cet hémicycle.
Le rapport d’information réalisant un premier bilan des maisons départementales des personnes handicapées, quatre ans après leur création, rapport dont la présente proposition de loi est largement inspirée, était déjà lui-même l’aboutissement du travail commun que vous avez effectué avec notre collègue Annie Jarraud-Vergnolle.
Plusieurs dispositions de votre texte reçoivent notre accord. D’autres pourront utilement être précisées par nos amendements, sur une partie desquels la commission s’est prononcée favorablement ou s’en est remise à la sagesse de nos collègues. Nous espérons qu’elle sera suivie.
Nous proposerons également trois dispositifs supplémentaires. Le premier vise à exclure de la procédure d’appels à projets les lieux de vie et d’accueil ainsi que les structures expérimentales. Le deuxième a trait à la légalisation et au financement des groupes d’entraide mutuelle. Enfin, le troisième porte sur les auxiliaires de vie scolaire, pour lesquels aucune solution pérenne, depuis août 2009, n’a été réellement mise en œuvre, alors qu’ils constituent un vivier de compétences important et tout à fait nécessaire pour l’accès à l’enseignement des enfants handicapés.
Une question, celle du statut juridique des maisons départementales, trouvera vraisemblablement un accord par défaut. La pérennisation du GIP que vous préconisez n’emporte en effet pas l’unanimité. Cette mesure s’inscrit mal, je veux le souligner, dans la perspective de la convergence handicap-grand âge et de la création de maisons de l’autonomie, qui répondent plutôt à une logique d’intégration aux services départementaux.
Toutefois, face à ces incertitudes, un consensus d’opportunité, si je puis dire, s’est dégagé en faveur du statu quo. Un changement institutionnel n’apparaît en effet pas prioritaire au regard des questions budgétaires et de personnels. En outre, il risquerait de fragiliser plus encore qu’elles ne le sont nombre de MDPH.
Il nous faudra également tenir compte de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, d’ores et déjà adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, en particulier son chapitre II, entièrement consacré au statut des GIP, au sein duquel l’article 59 vise à laisser à la convention constitutive du GIP la liberté de prévoir la durée pour laquelle le groupement est constitué.
La question du statut des personnels et de la compensation des postes non pourvus est plus problématique. Vos propositions successives – celle du texte initial, puis celle adoptée en commission – ont le mérite de nous donner l’occasion de chercher encore avec vous, madame la secrétaire d’État, le meilleur accord possible, évidemment préférable aux procédures contentieuses qui se profilent, vous en conviendrez.
Encore faut-il que toutes les parties « jouent » loyalement le jeu. Or il y a une question préalable : l’État est-il ou non décidé à régler sa dette aux MDPH – 34 millions d’euros, excusez du peu ! – et à respecter ses engagements pour l’avenir ? À défaut, nul n’ignore qu’aucun dispositif, si ingénieux soit-il, ne suppléera cette carence.
Ce désengagement de l’État a un fort relent de RGPP, qui prévoit de supprimer un poste sur deux. Un tel transfert déguisé, puisqu’il obligerait les MDPH à pallier le manque de personnel, serait financièrement insupportable. Les départements, qui exercent la tutelle financière et administrative des MDPH et qui se sont déjà engagés en moyens humains et matériels au-delà de leurs obligations, n’ont plus cette capacité. Il constitue une véritable mise en danger des politiques publiques sociales relevant de la solidarité nationale.
Madame la secrétaire d’État, nous attendons des engagements clairs, d’une part, sur la dette de l’État – une de plus – et, d’autre part, sur la garantie des abondements à venir. Nous écouterons avec attention votre réponse. Le représentant de l’État dans mon département lui-même doute que le ministère règle la totalité de la compensation prévue pour l’année 2010 au titre de la convention constitutive de notre MDPH. Rassurez-le, je vous en prie !
Vos éclaircissements sur la viabilité du dispositif de compensation finalement proposé seront également les bienvenus. Je le rappelle, celui-ci prévoit le versement par l’État, en début d’année, d’une subvention départementale correspondant au montant des rémunérations des personnels mis à disposition. La MDPH reverserait à l’État, au début de l’exercice suivant, les rémunérations des personnels effectivement mis à disposition l’année précédente et conserverait le reliquat de subvention correspondant aux postes non pourvus ou devenus vacants pour recruter directement.
Est-ce bien le schéma proposé, monsieur le rapporteur ? Avons-nous bien compris ? Si oui, celui-ci vous paraît-il réalisable, madame la secrétaire d’État, dans la mesure où le budget opérationnel de programme dont relèvent les frais de personnel du ministère de la santé et du ministère des affaires sociales ne peut être déconcentré dans les départements ? Par ailleurs, comment envisagez-vous la première année de mise en œuvre de ce dispositif, qui supposera de cumuler le versement des subventions de fonctionnement et la rémunération des personnels mis à disposition ?
J’évoquerai en dernier lieu la généreuse proposition d’étendre le champ de la prestation de compensation du handicap aux aides humaines dès lors que celles-ci permettent le maintien à domicile. Cette ouverture de droits nouveaux ne pourrait pas ne pas être compensée.
Au-delà de ce premier point essentiel, cette proposition est prématurée, comme le pense notre commission. Elle ouvre la porte à la question majeure du financement des prestations allouées à la perte d’autonomie, qui déborde largement du cadre de cette proposition de loi et dont elle ne traite d’ailleurs pas.
À cet égard, en l’état actuel des taux de couverture par la CNSA de la PCH et de l’APA, vous les connaissez bien, madame la secrétaire d’État, qui tombent respectivement cette année à 45 % et à moins de 29 %, toute mesure de péréquation n’est que répartition de pénurie.
Je veux le dire une fois de plus à cette tribune : il y a danger de mort financière pour les départements qui sont aujourd’hui les plus fragilisés économiquement et socialement. La forte montée en charge de la PCH constitue l’un des plus grands dangers. Nous avons auditionné Mme la ministre de l’économie hier au Sénat. Elle envisage une amélioration de la situation économique en 2015. Fort bien. Mais les départements ne peuvent pas attendre. Ils seront morts avant !
Sans méconnaître l’ampleur et la qualité de vos travaux, monsieur le rapporteur, je ne crois pas – mais telle n’était sans doute pas votre ambition – que cette proposition de loi soit totalement aboutie. Votre démarche est encore incontestablement prospective, en mouvement, puisque votre réflexion s’est en effet poursuivie – ce n’est pas un reproche – jusqu’en commission la semaine dernière, où vous avez finalement réécrit les principales dispositions de cette proposition de loi. Preuve, si besoin était, de l’ampleur des difficultés auxquelles nous tentons d’apporter la meilleure réponse possible.
Trop d’incertitudes, à la fois financières et institutionnelles, pèsent sur le secteur de la protection et de la cohésion sociales : incertitudes en raison des multiples retraits de l’État ; incertitudes liées à la remise en cause des capacités et des compétences des départements avec le projet de réforme des collectivités territoriales et l’installation d’agences régionales de santé toutes puissantes. Incertitudes, dans ces conditions, quant à la portée d’une réforme globale de la perte d’autonomie, dont le calendrier a pourtant été brusquement accéléré.
Si le regard porté sur le handicap et les personnes handicapées a évolué au fil des ans – et nous en sommes heureux ! –, guidant les changements législatifs en la matière, le chantier ouvert par la loi de 2005 demeure, en l’absence des moyens nécessaires, en friche.