Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Recours collectif — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, auteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous vous présentons aujourd’hui traite d’un sujet bien identifié : elle vise à introduire dans notre droit un mécanisme de recours collectif, afin de répondre aux préjudices de masse dont on compte de nombreuses victimes. Or ces victimes ne peuvent actuellement recourir à un dispositif efficace pour faire valoir leur droit à réparation.

La médiation – je sais que vous y êtes attaché, monsieur le secrétaire d’État, car j’ai lu le compte rendu des assises de la consommation qui se sont tenues à l’automne dernier – a une utilité certaine pour résoudre de petits litiges, mais elle suppose une démarche volontaire, acceptée par les deux parties et l’exécution de l’accord qui pourrait intervenir entre les parties est laissée à la liberté de chacune d’elles.

L’action en représentation conjointe, introduite en 1992 dans notre droit, s’est révélée lourde et compliquée ; elle a finalement été très peu utilisée.

Or la consommation de masse, les nouvelles techniques de communication, le développement du crédit, la complexité des contrats sont autant d’éléments qui modifient en profondeur l’exécution de ces contrats au détriment du consommateur.

Mais ces litiges ne se limitent au périmètre de la consommation : c’est ainsi que l’on a vu, dans la période récente, des actionnaires lésés, notamment dans l’affaire Vivendi, contraints d’aller plaider aux États-Unis, pays qui dispose depuis longtemps d’une procédure dont le nom est souvent repris en France en version originale, à tort du reste, je veux parler des class actions.

J’ai remarqué que ce terme était très souvent utilisé par ceux-là mêmes qui sont les plus hostiles à l’introduction d’une procédure collective en droit français. Ils motivent leur hostilité en s’appuyant sur des cas extrêmes et de pratiques mercantiles que le modèle procédural français, dans lequel notre proposition de loi s’inscrit, tient à distance, comme l’ont très bien démontré nos collègues Laurent Béteille et Richard Yung dans le rapport d’information qu’ils ont remis au nom du groupe de travail de la commission des lois sur l’action de groupe.

Au demeurant, d’autres pays de l’Union européenne ont développé ce droit de recours collectif : l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, plus récemment la Pologne et, bientôt peut-être, la Hongrie les rejoindra-t-elle. La Commission européenne, nous le savons tous, travaille sur cette question. Faudra-t-il donc attendre, monsieur le secrétaire d’État, qu’elle présente un projet de directive ou de règlement, aboutissant à l’un de ces compromis politiques dont les institutions européennes ont le secret et qui pourrait se révéler défavorable à notre tradition ?

Nous ne voulons pas nous voir imposer un modèle qui ne serait pas le nôtre. Au contraire, nous voulons que notre pays développe son propre dispositif et, surtout, nous voulons rendre effectif le droit à réparation, répondant en cela, me semble-t-il, à notre volonté commune.

Ce matin, votre collègue secrétaire d’État à la justice, M. Jean-Marie Bockel, s’est déclaré favorable à l’introduction de ce nouveau droit, mais a demandé que l’on n’agisse pas avec précipitation !

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