Intervention de Hervé Novelli

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Recours collectif — Rejet d'une proposition de loi

Hervé Novelli, secrétaire d'État :

Dans cette situation, il faut donner et rétablir un certain nombre de priorités, notamment la priorité au développement économique.

Personne ne peut nier ici que la situation économique est aujourd’hui particulièrement difficile pour les petites et moyennes entreprises. Le calendrier n’est donc pas optimal et nos entreprises n’ont vraiment pas besoin d’une incertitude supplémentaire.

Deuxième préalable : le mouvement consumériste – associations et institutions de soutien aux associations – doit mieux se structurer pour ne pas déclencher de manière désordonnée des actions de groupe, ce qui finirait par se retourner contre les consommateurs, et les associations doivent disposer de la logistique nécessaire pour une bonne gestion de ces actions.

Or, aujourd'hui, les associations de consommateurs agrées sont au nombre de dix-sept. Il faut donc recentrer l’agrément pour ester en justice au titre de cette action de groupe sur quelques associations à définir.

Troisième préalable, qui me semble très important : le dispositif national doit être en cohérence avec les projets européens, et nous avons sur ce point une légère divergence avec M. le rapporteur.

J’avais pris l’engagement, lors des assises de la consommation, d’instituer une reconnaissance spécifique pour les associations agrées les plus représentatives. J’ai tenu cet engagement et j’ai contresigné ce matin le décret mettant en place ce « super agrément ».

Les associations concernées pourront solliciter cet agrément spécifique dans les prochains mois. Si les actions de groupe doivent être créées - et quand elles le seront -, il me paraît légitime qu’elles soient réservées aux associations les plus représentatives.

Vous le voyez, nous nous mettons peu à peu en ordre de marche pour pouvoir sérieusement et sereinement installer ces actions de groupe à la française.

J’en reviens au dispositif national et sa compatibilité avec les projets européens.

Comme cela a été rappelé, les institutions communautaires se sont, en effet, emparées du sujet depuis plusieurs années. Elles ont ainsi publié un Livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs.

Les initiatives de la Commission européenne, un temps ralenties, ont repris. La Commission travaille à l’élaboration d’une proposition commune qui serait susceptible d’être présentée à l’automne.

L’automne, c’est proche, mesdames, messieurs les sénateurs. Il est donc plus sage, me semble-t-il, de ne pas se mettre en décalage avec cette démarche et, au contraire, de s’appuyer sur ces nouvelles réflexions qui seront publiées à la rentrée.

Enfin, je souhaite à mon tour, et après l’avis de la commission, donner l’avis du Gouvernement sur le plan technique car, à notre sens, les auteurs de cette proposition de loi effectuent des choix juridiques et procéduraux tout à fait contestables.

Outre les préalables, qui, je le disais précédemment, ne sont pas levés, les dispositions de la présente proposition de loi ne répondent pas à toutes les exigences de sécurité juridique.

D’abord, le champ et la qualité à agir sont peu clairs et ne sont pas assez délimités, M. le rapporteur l’a déjà relevé.

Plutôt que de concerner tous les préjudices, qu’ils soient matériels, corporels ou moraux, il me semble indispensable de réserver l’action de groupe aux préjudices matériels. Les dommages corporels et les questions de santé doivent être, à mon sens, exclus du champ de l’action de groupe : il s’agit de domaines où existent déjà des dispositifs d’assurance ou des fonds d’indemnisation et où le montant souvent élevé des préjudices peut justifier des actions individuelles devant le juge. Pourquoi s’encombrer avec une action supplémentaire ?

Par ailleurs, le champ des matières concernées par cette procédure largement dérogatoire mérite également d’être limité aux seules matières pour lesquelles elle peut être nécessaire, c’est-à-dire les litiges d’un faible montant entre professionnels et consommateurs.

Cette procédure n’a pas vocation à se substituer au droit commun dans les cas où le demandeur aurait de toute façon agi en justice. Cela pose la question du plafond pour agir, qu’il est manifestement nécessaire de fixer.

S’agissant de la qualité à agir, elle n’est pas définie assez strictement dans votre texte, madame Bricq. L’action de groupe devrait être réservée aux seules associations de consommateurs bénéficiant de l’agrément spécifique et représentatives sur le plan national : cela permettra d’éviter les abus dans l’usage de cette action.

En outre, la procédure retenue par la proposition de loi n’est pas celle qui aurait nos préférences en cas d’introduction d’une action de groupe.

Il serait préférable de privilégier l’introduction d’une phase préalable obligatoire de tentative de règlement amiable – on voit bien la logique de la construction –, mais aussi une spécialisation des juridictions pour ces recours particuliers.

Enfin, les étapes de la procédure devraient être précisément fixées, ce qui n’est pas le cas, par exemple sur les conditions de sollicitation des mandats – M. le rapporteur l’a rappelé – ou sur les délais.

Vous le voyez, la cohérence de l’action du Gouvernement est claire.

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