Intervention de René-Pierre Signé

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Égalité des chances dans l'enseignement primaire et secondaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de René-Pierre SignéRené-Pierre Signé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école primaire peine à assurer ses missions. Chaque année, 300 000 enfants sortent du CM2 avec des manques et 100 000 avec des lacunes graves, de l’ordre de l’illettrisme. C’est dès le primaire que l’on peut identifier les premiers signes de décrochage. Le fait que celui-ci touche une large proportion d’enfants d’employés, d’ouvriers ou d’inactifs illustre l’incapacité de l’école à gommer les retards initiaux.

En outre, en milieu rural, les communes, particulièrement fragiles, sont confrontées chaque année à des fermetures de classes ou d’écoles, ce qui freine leur développement, les ramenant au rang de hameaux. La question de l’organisation scolaire et de son lien avec la réussite se pose alors de façon aiguë.

La réussite scolaire ne devrait pas être corrélée aux origines sociales et territoriales. Par ailleurs, la sélection dès le primaire génère, dans les familles modestes, la peur d’une relégation scolaire précoce, souvent irréversible. Le redoublement, qui est d’ailleurs inefficace, est mal vécu, même s’il est moins utilisé dans les classes uniques.

Cette sélection inquiète et conduit les familles les plus huppées à recourir à l’enseignement privé. Or l’égalité des chances devrait être l’égalité effective d’accès, indépendamment de l’origine sociale, à l’éducation, à la formation, à la culture, à la qualification : autant de voies qui mènent à la réussite.

La vision urbaine d’un cours par classe avec une organisation hiérarchisée ne correspond pas à la situation des territoires ruraux, où persiste l’image rétrograde des classes à cours multiples. Ce sont de mauvaises raisons qui poussent à considérer les écoles rurales comme des réservoirs de postes à récupérer. L’école rurale a ses spécificités : une organisation particulière du temps scolaire avec les classes multi-niveaux, un autre rapport à l’espace et au temps dans la construction de l’autonomie, les différences d’âge, en particulier dans les classes uniques.

Les résultats des enfants issus de ces écoles sont pourtant identiques, voire meilleurs, que ceux des enfants scolarisés en milieu urbain. Les regroupements pédagogiques ont eu leurs mérites, mais ils atteignent leurs limites dans les régions où l’habitat est dispersé, ce qui entraîne des trajets longs pour le ramassage des élèves.

En outre, la différence de coût entre une école centralisée et des écoles éparpillées dans les villages est très faible. Certes, dans le premier cas, les enseignants sont moins nombreux, mais le bénéfice pour le contribuable n’est pas grand si l’on prend en compte les coûts de transport des élèves. D’ailleurs, l’éparpillement n’est plus un facteur d’isolement, grâce au développement des techniques de l’information et de la communication, qui permettent aux petites structures de se constituer en équipes pédagogiques.

Les avancées techniques liées aux nouveaux supports pédagogiques permettent une plus grande circulation des informations, des savoirs, des connaissances et, plus généralement, de la culture. Des outils tels que le tableau numérique, les vidéoconférences, les manuels scolaires sur ordinateur accroissent la motivation et la participation des élèves et facilitent le processus d’apprentissage et de mémorisation, grâce à des cours plus animés.

Monsieur le ministre, le système éducatif est à revoir. Nous avons l’année scolaire la plus longue d’Europe en termes d’heures, mais la plus courte en termes de nombre de jours scolarisés. Le résultat est négatif. Il faut donc refondre les rythmes scolaires et réorganiser l’école en cycles d’apprentissages cohérents, revoir les congés, leur nombre, leur durée.

Parallèlement, il convient de repenser la formation des enseignants et de leur donner des outils pédagogiques pour gérer la disparité des classes, de tendre vers une formation en alternance pour la maîtrise des savoirs et des pratiques tout au long du parcours professionnel.

L’éducation et la formation sont des leviers d’action essentiels pour construire une société solidaire d’égalité. Certes, les qualités d’un individu ne se résument pas à ses performances scolaires, mais, sur le marché du travail, le diplôme joue toujours un rôle de sésame tout au long de la vie.

Après trois ans d’une politique éducative brutale par les choix budgétaires et idéologiques qui la sous-tendent, le défi qui s’impose à vous est de mettre au point un projet cohérent et ambitieux permettant la réussite de tous, ne négligeant pas le fait que l’école doit être intégrée dans les projets de développement communal et créer un lien social porteur du nécessaire concept du « vivre ensemble ».

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