Intervention de Yannick Bodin

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Égalité des chances dans l'enseignement primaire et secondaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yannick BodinYannick Bodin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai pour ma part la situation de l’enseignement au collège, qui, nous le savons, est au cœur du problème du décrochage scolaire. Il faut donc travailler à une réforme profonde visant à la reconstruction du collège, tant dans ses objectifs que dans ses pratiques. C’est ma vision de cette réforme que je voudrais exposer ici.

La conception même du collège doit changer : en effet, celui-ci ne doit pas être considéré comme le premier cycle du lycée. La rupture entre l’école primaire et le collège est trop brutale ; le collège doit d’abord être le prolongement de l’école élémentaire. Sachant qu’un des objectifs fixés par la loi d’orientation est que 80 % d’une classe d’âge parvienne au niveau du baccalauréat, je souhaiterais que l’on ne parle plus de classe de sixième à l’entrée au collège, mais tout simplement de première année de collège.

Concernant l’organisation temporelle, l’enseignement au collège devrait être découpé en deux cycles et se dérouler sur quatre ou cinq ans, en fonction de la capacité de progression des élèves : plus de découpage par classe ni par année scolaire, mais une prise en compte de la progression de l’élève par cycle et par discipline ; plus de redoublement. Le socle commun des connaissances et des compétences jouerait alors pleinement son rôle de préparation à la poursuite de l’enseignement général ou à l’entrée en formation professionnelle ou en apprentissage.

La place et la mission des enseignants doivent être repensées. Ils ne devraient plus être affectés à une classe, quelle que soit leur discipline, mais intégrés dans une équipe pédagogique et éducative par niveau. Les établissements devraient bénéficier d’une certaine autonomie et obtenir des postes à profil correspondant au projet de l’équipe.

Cette équipe comprendrait quatre ou cinq enseignants au maximum, mais associerait aussi un éducateur, un psychologue, une assistante sociale, une infirmière et un chargé d’orientation. La constitution de l’équipe, nécessairement pluridisciplinaire, implique donc un retour à la bivalence pour certains professeurs, comme dans l’enseignement professionnel, où les choses se passent assez bien.

Cette organisation nouvelle devrait amener l’équipe pédagogique à réaliser un projet pour chaque cycle, avec un droit à l’autonomie s’inscrivant dans le cadre des orientations définies à l’échelon national, qui devraient inclure un suivi personnalisé des élèves. Les enseignants pourraient alors organiser leur travail en équipe pour accompagner, par groupe ou individuellement, les élèves en difficulté selon un rythme adapté.

En outre, la carte scolaire doit être revue pour éviter la constitution de ghettos et favoriser la mixité socioculturelle.

Un dernier point essentiel, au titre de la création de ce nouveau collège, est la mise en place, au cours du second cycle, d’une véritable orientation des élèves. Il existe trois directions : l’enseignement général, l’enseignement professionnel et l’apprentissage. L’orientation devrait privilégier les contacts individuels avec les élèves, un suivi personnalisé, l’association des familles et des enseignements adaptés. Là encore, il s’agit d’éviter une nouvelle rupture, entre le collège et le lycée. L’élève ne doit en aucun cas se sentir déclassé ou rejeté, quelle que soit son orientation, car c’est souvent dans une telle situation qu’il décroche. Toutes les voies offertes doivent être des voies d’excellence : l’orientation par l’échec doit être exclue.

Pour les élèves décrocheurs, chaque collège devrait mettre en place un dispositif de réintégration et de mise à niveau, avec un enseignement individualisé et adapté.

Mes chers collègues, le modèle que je vous propose est innovant. Il vise à supprimer ce qui ne marche pas et à le remplacer par des dispositifs qui, pour certains, ont déjà fait leurs preuves dans le cadre d’expérimentations locales ou dans d’autres pays, reconnus comme des références. Il est temps maintenant de globaliser ces dispositifs et de les mettre en œuvre dans notre système éducatif. Pour lutter contre l’échec scolaire, il faut reconstruire un autre collège : monsieur le ministre, c’est un chantier urgent !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion