Intervention de Odette Terrade

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 14 bis

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, initialement, l’article dont nous débattons prévoyait la création d’un Observatoire national des violences faites aux femmes.

Malheureusement, face aux fourches caudines du désormais célèbre article 40 de la Constitution, contraignant les parlementaires à ne pas créer ou aggraver une dépense publique, cet article a été remplacé par l’article 14 bis.

Celui-ci prévoit donc la rédaction d’un simple rapport sur le sujet, quand il serait au contraire urgent de prendre des engagements humains et financiers ambitieux afin de prévenir, sanctionner et éradiquer les violences.

Mis en perspective avec le coût pour la société des violences, l’argument financier que vous nous opposez pour la création d’un observatoire a de quoi nous laisser perplexes quand on sait que les violences faites aux femmes coûtent annuellement 2, 5 milliards d’euros à la société, si l’on comptabilise l’ensemble des postes de dépenses, des frais de santé jusqu’aux pertes de productions, en passant par la police et la justice.

Si seul l’argument financier peut faire mouche, il serait temps alors de s’interroger sur le rapport existant entre le coût des violences, qui s’élève à 2, 5 milliards d’euros, et les sommes consacrées à la prévention : un million d’euros seulement inscrit au budget annuel !

L’étude européenne Daphné-Psytel répartit en effet ce coût des violences pour l’ensemble de la société entre les soins de santé pour 20 %, les dépenses de police et de justice pour 9 %, celles d’aide sociale pour 5 %, le coût humain pour 22 % et, enfin, les pertes de production pour 44 %, ce qui est considérable en ces temps où les dirigeants d’entreprises n’ont de cesse de demander des efforts à l’ensemble des salariés !

Vous le voyez, mes chers collègues, le coût des violences nous concerne tous, et l’immobilisme en ce domaine est préjudiciable à l’ensemble de notre société.

Il est aisé d’imaginer que ces coûts seraient considérablement réduits si une structure spécifique regroupant toutes les politiques en la matière, et dotée d’une capacité d’expertise sur la prévention et la répression des violences conjugales, voyait le jour.

C’est pourquoi la création d’un observatoire national est unanimement attendue comme un outil indispensable et primordial dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous ne pouvons pas passer à côté de cet élément fondamental pour la visibilité des violences faites aux femmes dans notre pays, alors même qu’il s’agit d’un élément central de cette proposition de loi.

Au regard des coûts engendrés chaque année par les violences conjugales, la création d’un observatoire ne représenterait qu’une faible charge. Le coût serait réduit car cet observatoire pourrait travailler en lien avec ceux qui existent déjà, comme l’Observatoire national de la délinquance, ou l’Observatoire national de l’enfance en danger. La synergie des travaux et des moyens de ces observatoires, chacun doté de ses propres spécificités, offrirait une meilleure efficacité dans la lutte contre les violences de toutes sortes.

De plus, beaucoup d’actions sont menées sur l’ensemble de notre territoire par les associations, ou encore par le service des droits des femmes et de l’égalité, dont je regrette d’ailleurs, en tant que sénatrice, la disparition programmée.

Aujourd’hui, avec les moyens modernes de communication, un observatoire national serait un facteur de mutualisation des bonnes pratiques. Ainsi, une action positive menée dans le nord de la France pourrait être aussitôt relayée dans le sud de l’hexagone, le tout pour un coût modeste, les frais étant mutualisés.

Déclarer la lutte contre les violences faites aux femmes grande cause nationale en 2010 est une chose aisée, mais cela ne reste qu’un effet d’annonce et si l’on ne se donne pas les moyens de mettre un terme à ces violences.

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