Intervention de François Pillet

Réunion du 24 juin 2010 à 15h00
Répression des violences faites aux femmes. - violences au sein des couples — Article 16, amendement 29

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur :

Faut-il ou non empêcher le recours à la médiation pénale ?

Mes chers collègues, votre opinion est parfaitement respectable, mais je ne la partage pas ; j’ai ma propre opinion, forgée par l’expérience et par une vision globale du phénomène.

Tout d’abord, je souligne que la médiation pénale ne peut pas intervenir sans que la victime l’ait demandée ou sans qu’elle en soit d’accord. C’est un point juridique qui a été amélioré par la proposition de loi. Mais surtout, il faut savoir – et cela s’applique aux cas que vous avez en tête – que la médiation pénale n’est jamais utilisée en cas de violences graves, répétées, de violences psychologiques durables, habituelles.

Par ailleurs, vos bonnes intentions risquent de se retourner contre les victimes que vous voulez protéger. En effet, la médiation pénale s’utilise précisément dans des cas où l’on n’a pas tout à fait la preuve des violences, lorsqu’il existe un climat de violence ou de conflit – ces deux notions n’étant pas distinguées dans le code de procédure pénale ni dans le code pénal –, que l’infraction n’est pas parfaitement caractérisée, qu’il n’y a pas d’élément matériel et que l’on parle d’infraction primaire.

Je prendrai un exemple classique, celui où il existe un certificat médical, mais qui n’est pas très clair, et deux attestations, l’une qui dit blanc, l’autre noir. Si le procureur envoie la personne violente devant le tribunal correctionnel, c’est la relaxe assurée et vous avez obtenu l’effet contraire de celui que vous recherchiez.

À l’inverse, si le procureur, qui, au vu du dossier, ne dispose pas des éléments lui permettant de faire condamner une personne dont il sent bien qu’elle est violente, l’envoie en médiation pénale, il pourra faire indemniser la victime et lui faire franchir le cap de l’entrée dans le palais de justice.

Dès lors, la médiation pénale protège toutes les femmes que l’absence de preuves n’aurait pas protégées.

La médiation pénale constitue une mesure de prévention dans ce domaine. Si, par la suite, de nouveaux faits se produisent, la médiation pénale aura renforcé le dossier de la victime.

Enfin, si vous interdisez la médiation pénale, dans un grand nombre de dossiers, le procureur ne renverra pas devant le tribunal correctionnel et il y aura souvent un simple rappel à la loi ou un classement sans suite. Je vous rends attentifs au fait que la mesure d’interdiction que vous souhaitez prendre ne s’appliquera pas dans les cas que vous envisagez. En revanche, dans les autres cas que vous n’envisagez pas, elle sera contraire à l’intérêt de celles que vous voulez, comme nous, protéger.

Telle est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.

L’amendement n° 29, qui est un amendement de repli, fait référence à l’existence d’une médiation pénale antérieure. Je vous rappelle qu’il n’y aura pas de médiation pénale si la victime ne l’a pas demandée et, surtout, le guide des procureurs leur interdit de recourir à une seconde médiation pénale s’il y en a déjà eu une. Je peux vous donner toutes assurances sur ce point.

Je le répète, vos amendements sont faits avec beaucoup de cœur, ils procèdent d’une intention parfaitement louable, mais vont exactement à l’inverse de l’objectif que vous visez.

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