Je crois que chacun d’entre nous s’accorde à penser et même à dire que le mariage forcé est une violence. Consommé ou non, il a des conséquences sur la santé et le parcours des jeunes filles : rupture scolaire, perte d’emploi, conduite à risque, dépression nerveuse, tentative de suicide, violences conjugales. Le mariage forcé est aussi un viol répété.
Il est vrai qu’il n’y a pas d’unanimité sur la transformation du mariage forcé en délit. Certaines associations rappellent que les jeunes filles victimes de mariages forcés ont avant tout le désir de ne pas se marier. Elles ne souhaitent que très rarement porter plainte ou envisager des représailles. De nombreux témoignages montrent que les victimes font au contraire tout pour épargner leurs parents, même dans des situations de violence extrême.
Toutefois, il nous semble que le fait de prévoir une incrimination pénale spécifique de mariage forcé permettrait d’énoncer clairement l’interdit en indiquant quelles sont les pratiques autorisées et celles qui ne le sont pas. La création d’un délit spécifique permettrait de poursuivre les auteurs de mariage forcé sans avoir recours à des infractions plus graves telles que le viol ou les violences sexuelles.
Surtout, cette mesure aurait un caractère fortement dissuasif et s’inscrirait dans la droite ligne des recommandations du Conseil de l’Europe, dont l’assemblée parlementaire a reconnu que « les mariages forcés et les mariages d’enfants constituent des violations graves et récurrentes des droits de l’homme et des droits de l’enfant ».
Il s’agit donc de reconnaître à travers cet amendement toute la souffrance dont sont victimes les femmes contraintes de se marier, leur solitude, leur désespoir, et de soutenir toutes celles qui refusent, prenant le risque du rejet de la cellule familiale. Il est important de marquer sans ambiguïté notre plein engagement pour lutter contre des pratiques attentatoires à la liberté et à la dignité des femmes. Tel est l’objet de cet amendement.