Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la proposition de loi que nous allons examiner a été déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue député Charles Cova. M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, avait lui aussi l'intention de présenter une proposition de loi similaire. Elle a été inscrite à l'ordre du jour réservé de notre assemblée par le groupe de l'UMP.
Le texte qui nous est soumis aujourd'hui ne comporte qu'un seul article et a un objet très simple : permettre la transformation de la Société nationale « Les Médaillés militaires », qui a aujourd'hui le statut de mutuelle, en association. Je reviendrai dans un instant sur ce dispositif.
Auparavant, je voudrais en effet profiter de cette occasion qui nous est donnée pour rappeler ce qu'est la Médaille militaire, qui sont les médaillés militaires et pourquoi nous devons affirmer notre reconnaissance à leur égard.
La Médaille militaire a été instituée par un décret du 22 janvier 1852, signé de Louis-Napoléon Bonaparte, futur Napoléon III, qui tenait absolument à récompenser la bravoure des soldats et des sous-officiers.
En effet, surnommée « le bijou de l'armée », cette décoration a ceci d'original qu'elle est réservée à la fois au bas de la hiérarchie militaire, c'est-à-dire aux soldats et aux sous-officiers, et aux plus hautes autorités de celle-ci. Ainsi, à titre exceptionnel, la Médaille militaire peut être concédée, par décret pris en conseil des ministres, aux maréchaux de France et aux officiers généraux grands-croix de la Légion d'honneur qui, en temps de guerre, ont exercé un commandement en chef devant l'ennemi ou ont rendu des services exceptionnels à la défense nationale. C'est assez dire l'importance que revêt la possession de cette distinction, gagnée « au feu », en particulier par beaucoup des auteurs des courriers que nous sommes nombreux ici à avoir reçus.
Depuis sa création, cette médaille a été attribuée à environ un million d'hommes de troupe et sous-officiers et à 156 généraux et maréchaux, parmi lesquels Joffre, Foch, Lyautey, de Lattre et Leclerc. Elle a également honoré des personnalités étrangères, notamment Churchill, le général Eisenhower et le président Franklin Roosevelt.
On compte actuellement environ 200 000 titulaires vivants de la Médaille militaire. Le contingent annuel est de l'ordre de 3 500 récompenses, destinées à honorer les militaires, hommes et femmes, qui ont servi au moins huit années dans l'une des trois armées ou la gendarmerie nationale et rendu des services exceptionnels.
La Médaille militaire est la troisième décoration dans l'ordre de préséance, après la Légion d'honneur et la croix de Compagnon de la Libération, mais avant l'ordre national du Mérite.
Sa gestion est, depuis l'origine, assurée par la Grande Chancellerie de la Légion d'honneur. Celle-ci se borne toutefois aux questions administratives et de discipline. Aussi, pour soutenir les médaillés et affirmer leur solidarité, une société de secours mutuel a-t-elle été créée par les médaillés militaires eux-mêmes en 1904. Reconnue d'utilité publique en 1931, cette société nationale, dénommée « Les Médaillés militaires », avait pour vocation d'apporter un soutien matériel et financier aux médaillés et à leurs familles, à une époque où les assurances sociales n'existaient pas, tout en cultivant une fraternité et une solidarité entre les médaillés.
Aujourd'hui, cette société nationale compte plus de 70 000 adhérents répartis dans le monde entier. Elle poursuit son oeuvre de solidarité, essentiellement au travers de la gestion d'une maison de retraite, implantée à Hyères.
En effet, son rôle initial d'assurance sociale a pour ainsi dire disparu, principalement du fait de l'avènement de la sécurité sociale en 1945, mais aussi en raison de la fin des conflits successifs et meurtriers qui ont émaillé notre histoire au cours des cent cinquante dernières années.
Or, malgré cette évolution dans les missions de la société nationale, celle-ci reste régie, comme à l'origine, par le code de la mutualité.
Si ce choix des médaillés fondateurs s'est longtemps avéré fort judicieux, il n'apparaît plus en être de même aujourd'hui. En effet, les dispositions du code de la mutualité, telles qu'issues de l'ordonnance du 19 avril 2001 transposant les directives européennes « assurances » pour la sphère de la mutualité, semblent particulièrement lourdes et inadaptées aux activités actuelles de la société nationale. Cela est vrai en ce qui concerne les règles de fixation des cotisations et celles qui sont applicables au versement des prestations ou au rôle de l'assemblée générale, ou encore pour ce qui est des buts visés.
C'est pourquoi la Société nationale « Les Médaillés militaires » considère aujourd'hui qu'un statut associatif serait plus approprié à la poursuite de ses activités, notamment pour la distribution d'aides liées à des besoins ponctuels ou urgents et pour le maintien d'une communauté solidaire et vivante entre les médaillés. La formule associative a d'ailleurs été choisie par les organismes équivalents que sont la Société d'entraide des membres de la Légion d'honneur et l'Association des membres de l'ordre national du Mérite.
Cette transformation de statut a été préparée par la Société des médaillés militaires, qui prévoit de se dissoudre au profit de l'Association de l'orphelinat et des oeuvres des médaillés militaires, créée en son sein il y a déjà de nombreuses années.
Néanmoins, pour que cette transformation soit effective, il reste un verrou législatif à lever : celui de l'article L. 113-4 du code de la mutualité. En effet, celui-ci rend obligatoire, après dissolution d'une mutuelle, le transfert de son actif à une autre mutuelle ou au Fonds national de garantie des mutuelles.
Par dérogation à cette disposition, la présente proposition de loi prévoit que l'actif de la Société nationale « Les Médaillés militaires » sera transféré à l'association d'utilité publique qui exercera à l'avenir les missions de cette dernière. Prévoyants, les médaillés militaires, réunis en assemblée générale le 11 décembre 2006, ont d'ailleurs su procéder à une refonte complète des statuts et du règlement intérieur de cette association.
L'approbation de cette dérogation nous a paru effectivement souhaitable. D'une ampleur limitée, elle ne remet pas en cause le fait que les biens de la société, à savoir son siège à Paris et la maison de retraite de Hyères, seront toujours utilisés dans un but non lucratif, ce qui reste conforme à l'un des grands principes fondateurs de la mutualité.
Cette mesure est, je peux vous le dire compte tenu des réactions que j'ai recueillies, très attendue par les intéressés, et il nous a semblé que c'est là un geste bien normal que nous devons à nos 200 000 médaillés militaires.
La commission des affaires sociales vous propose donc, mes chers collègues, d'adopter la proposition de loi sans modification. Elle a également souhaité rendre un hommage appuyé, en séance publique, à tous nos compatriotes médaillés militaires. Il s'agit là, pour nous, de remplir un devoir de solidarité et de mémoire à leur égard. N'oublions pas avec quelle fierté légitime, lors de chaque commémoration devant les monuments aux morts, nos anciens combattants arborent cette Médaille militaire, gagnée dans des circonstances difficiles, souvent au risque de leur vie !
Aussi, pour ce que les médaillés militaires ont apporté à la France, pour le devoir de mémoire qu'ils nous aident à perpétuer et pour la solidarité, la camaraderie et le culte du souvenir qu'ils nous donnent en exemple, nous leur devons d'approuver cette proposition de loi.