Intervention de Annie David

Réunion du 13 février 2007 à 16h10
Organisation du recours aux stages — Adoption des conclusions négatives du rapport d'une commission

Photo de Annie DavidAnnie David :

Toujours dans le souci de protéger légalement le stagiaire, nous avions proposé d'imputer la durée du stage sur la période d'essai lorsque, à l'issue de celui-ci, un contrat de travail est conclu. Il s'agit là de souligner que l'étudiant qui réalise un stage dans une entreprise y acquiert nécessairement une expérience professionnelle. En effet, il nous semble que, si un stagiaire a passé plusieurs mois dans une entreprise, voire une année entière dans certains cas, son employeur a largement eu le temps de l'évaluer, connaît ses compétences et se trouve en mesure de déterminer s'il est apte ou non à occuper un emploi salarié au sein de ladite entreprise.

Cette question rejoint le constat, fait ces dernières années, de l'allongement de la durée des stages, les écoles de commerce ou d'ingénieurs commençant même à généraliser les stages d'une année.

Il est fréquent que des stagiaires voient la durée de leur stage abusivement prolongée et continuent à travailler dans ce cadre, sans la perspective d'une embauche à plus ou moins long terme. C'est pourquoi, nous proposions de limiter à trois mois la durée du stage. La durée inscrite dans le texte est de six mois. Là encore, l'adoption d'un tel principe nous convient.

L'allongement abusif de la durée des stages est étroitement lié à la question prégnante de la rémunération, ou de l'indemnisation, du stagiaire et nécessite, également, l'intervention du législateur. Les employeurs ont bien compris qu'ils pouvaient utiliser cette main-d'oeuvre dont la rémunération n'est pas obligatoire et qui, de surcroît, est prête à effectuer des tâches n'entrant pas forcément dans son projet pédagogique initial.

La rémunération des stagiaires n'étant pas encadrée, les situations sont diverses et, dans bien des cas, elle est limitée au tiers du SMIC, niveau auquel l'entreprise est exonérée de toutes charges sociales.

Pire encore, bien souvent, les stages ne sont pas rémunérés. Les jeunes issus de milieux modestes ne peuvent ainsi y accéder, alors même qu'ils sont à la recherche d'un emploi et qu'ils sont convaincus qu'un stage leur permettra d'acquérir l'expérience professionnelle exigée par les employeurs. Cette inégalité sociale est encore plus accentuée pour les stages à l'étranger, qui génèrent des coûts d'hébergement, de nourriture et de transport importants à la charge du stagiaire !

C'est donc dans un souci d'équité, mais également en vertu de l'article 23-3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui dispose que « Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable », que nous demandions que les stages soient rémunérés. La proposition faite ici d'une rémunération d'au moins 50 % du SMIC pour les stages de plus d'un mois est donc, de ce point de vue, satisfaisante.

Une autre question appelle toute ma vigilance et mériterait d'être soulevée lors de ce débat ; elle concerne la discrimination. Tout comme elle est avérée sur le marché du travail, certains jeunes en sont victimes lorsqu'ils sont à la recherche d'un stage. Il faudrait alors pouvoir permettre aux établissements de déposer une plainte, lorsqu'une discrimination est constatée.

C'est une piste que j'évoque, mais qui pourrait faire l'objet d'une prochaine discussion. En tout cas, elle constitue encore un élément d'amélioration possible du statut des stagiaires.

Pour conclure, le groupe communiste républicain et citoyen du Sénat, conscient de l'intérêt, pour certains étudiants, d'avoir recours au stage, est néanmoins persuadé de la nécessité d'apporter des garde-fous légaux à ces périodes de découverte de l'entreprise et du monde du travail.

En effet, nous n'accepterons pas de contrat dérogatoire au code du travail en ce qui concerne les jeunes stagiaires ; ce serait une perche supplémentaire tendue au MEDEF, qui n'en a vraiment pas besoin ! Par ailleurs, le recours abusif aux stagiaires par certains cabinets d'avocats ou bureaux d'études nous conforte dans notre volonté de réhabilitation indispensable du stage en permettant qu'il ne soit pas détourné de son objectif pédagogique, au seul profit des entreprises.

Aussi, nous soutiendrons cette proposition de loi présentée par nos collègues du groupe socialiste.

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