Eh oui, je suis un vieux conventionnel régicide, les raccourcis, ça me connaît !
Pour résister à l'uniformisation du monde, il est bon que la proposition de loi fasse apparaître clairement l'organisation des « saisons culturelles » et des « Années croisées » dans les compétences de CulturesFrance, ce qui n'exclut aucunement les partenariats les plus divers.
Nous ne souffrons pas d'un excès de dialogue des civilisations et de partage des cultures. La mondialisation accélérée qui standardise les esprits et l'imaginaire des peuples appelle des politiques résolues, favorisant l'expression de la singularité de toutes les cultures du monde. Comme le disait le prix Nobel de la paix Octavio Paz : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l'inverse, c'est de l'isolement que meurent les civilisations. »
Aussi est-il essentiel d'oeuvrer à la circulation comme à l'ouverture des cultures du monde, qui sont toutes égales dans leur dignité, comme l'a rappelé le Président de la République lors de l'inauguration du musée du quai Branly.
Face aux écarts de développement, aux inégalités économiques qui se creusent au niveau tant national qu'international, notre pays se doit de faire preuve de solidarité culturelle, mais également de renforcer la coopération internationale.
Face à la montée des intégrismes, des communautarismes, des obscurantismes, il y a urgence à construire des passerelles entre les cultures, à approfondir le dialogue des civilisations. L'art ne nous rappelle-t-il pas en permanence que nous faisons partie d'une communauté qui s'appelle l'humanité ?
S'il est essentiel d'oeuvrer à la circulation comme à l'ouverture des cultures du monde, cela passe par la circulation des artistes. À cet égard, je regrette que certains danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens et autres artistes aient parfois du mal à obtenir un titre de séjour malgré des contrats de travail établis en bonne et due forme. Notre administration, madame la ministre, se doit de faciliter ces échanges, en conformité avec nos engagements internationaux et dans le respect de nos traditions d'accueil. Plus que jamais, nous avons besoin d'une mondialisation des solidarités.
Les extrémismes, vous le savez, naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et le défaut d'éducation, d'où l'importance et l'urgence de la coopération internationale. Avec le vaste réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger, CulturesFrance représente, à cet égard, un atout et une pièce maîtresse.
Au passage, j'exprimerai peut-être le regret d'une confusion trop souvent répandue dans le débat politique entre les mots « culture » et « art ». On le voit bien ici, le terme « artistique » lui-même disparaît de l'intitulé de la structure chargée des échanges artistiques ; on passe de l' « Association française d'action artistique » à « CulturesFrance ». Sans vouloir entrer dans une querelle de mots, la nuance est d'importance ; c'est d'ailleurs bien plus qu'une nuance. Mieux vaut bien nommer les choses, si l'on veut le bonheur du monde.
Cela étant, j'approuve le changement de statut de CulturesFrance dès lors que la nouvelle base juridique proposée se révèle en meilleure adéquation avec ses fonctions et qu'elle lui permet de remplir toujours plus et mieux ses missions.
J'ai pensé un temps que le statut d'établissement public de coopération culturelle présentait l'avantage de favoriser et de formaliser le partenariat avec les collectivités territoriales, de plus en plus impliquées dans la coopération culturelle internationale.
Toutefois, un élément déterminant me fait adhérer sans réserve à cette transformation de l'association CulturesFrance en établissement public industriel et commercial : le fait que l'évolution du statut passe nécessairement par un acte législatif. L'existence même de CulturesFrance sera dorénavant inscrite dans la loi, ce qui lui conférera une légitimité incontestable et une nouvelle place indiscutable. CulturesFrance sera ainsi symboliquement consolidée, et je m'en réjouis.
Cette consolidation doit aussi se traduire par un contrat d'objectifs et de moyens permettant à CulturesFrance de gagner en efficacité et en lisibilité. Comme le disait Jean Cocteau, « il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ».
Dans le même temps, je ne saurais oublier qu'un statut juridique, quel qu'il soit, ne remplace jamais un bon budget. Alors que la pertinence de l'action de CulturesFrance est pleinement reconnue à l'étranger, il est particulièrement regrettable que cette structure ait été fragilisée par la représentation nationale elle-même. On en arrive à la situation ubuesque où la réputation de CulturesFrance n'est plus à faire, sauf parfois en France !
En l'occurrence, la philosophie comptable de la LOLF fragilise la gestion du nouvel organisme comme elle a pu fragiliser les deux associations dont il est issu, l'Association française d'action artistique et l'Association pour la diffusion de la pensée française.
C'est pourquoi je propose que la subvention de CulturesFrance atteigne au minimum, en 2008, le montant de 2006. Fortement pénalisée en 2007 non seulement par la diminution brutale de sa subvention à hauteur de 900 000 euros, mais aussi par le gel budgétaire de 5 % de ses crédits, CulturesFrance doit faire face à des choix cornéliens : licencier du personnel ou annuler des programmes, au grand désespoir de nombreux artistes fortement investis.
Il est vraiment urgent de permettre à CulturesFrance de retrouver des moyens conformes à l'engagement international de la France en faveur de la diversité et de la promotion des cultures, comme de la spécificité de la culture française, qui est aussi notre meilleure ambassadrice des droits de l'homme, de la liberté et de la citoyenneté. Personne ne plaide mieux la liberté de création, la liberté d'expression et la liberté de pensée que les artistes eux-mêmes et leurs oeuvres.
Il me paraît aussi indispensable que le ministère de la culture, que je regrette de ne pas voir représenté ce soir, s'implique toujours mieux et davantage aux cotés du ministère des affaires étrangères dans le pilotage de CulturesFrance, y compris en termes de contribution budgétaire.
L'intelligence et la sensibilité sont les principales ressources de l'humanité ; il nous faut les cultiver face à la barbarie quotidienne qui menace nos sociétés sous toutes les latitudes. Sur tous les continents, l'art et la culture offrent un socle pour mieux construire la société de demain. On le constate, les artistes, la création restent une source d'inspiration et de construction pour un monde pacifié, solidaire et, surtout, plus juste et plus équitable. C'est pourquoi il est urgent de donner, en quelque sorte, « des racines et des ailes » à CulturesFrance.