Cet amendement illustre parfaitement mon propos et montre l’importance qu’il faut accorder à la terminologie. Il vise à remplacer le mot : « éditer » par les mots : « fournir ou à diffuser », verbes dont le sens n’est pas sujet à interprétation.
Il s’agit, vous l’avez compris, d’éviter toute confusion entre les services qui relèvent de l’audiovisuel et les autres.
Or, la clé qui permet de tracer sans ambiguïté la frontière entre eux, c’est la capacité éditoriale.
Si, par cet amendement, nous proposons une substitution de mots, c’est parce que le mot « éditer » renvoie à une réalité juridique qui est piégée.
Le Gouvernement a souhaité adapter le champ de la directive tout en respectant cette dernière, mais avoir une capacité éditoriale suppose que l’on a une maîtrise préalable du contenu.
Je m’explique : un journaliste, quand il rédige un éditorial, y fait passer ses idées, assume la responsabilité de ce qu’il écrit et en contrôle la publication. Par définition, un éditorial suppose cette responsabilité.
A contrario, un site offrant un service en ligne de partage et de visionnage de clips vidéos, Daily, par exemple, n’a aucun moyen d’exercer sa responsabilité ex ante à propos d’une vidéo ou d’un message : on ne peut pas lui imputer une quelconque responsabilité de ce qu’il propose. Il peut éventuellement, au regard de la loi, en avoir une ex post, mais certainement pas ex ante.
« Éditer » suppose un contrôle préalable.
Mes chers collègues, c’est là une précision très importante. Toute l’économie d’internet repose sur la distinction juridique qui a été opérée aux termes de la loi pour la confiance dans l’économie numérique entre le statut de l’hébergeur et celui de l’éditeur.
Depuis trois ans, la bataille fait rage, et les jurisprudences sont parfois contradictoires.
La dernière d’entre elles, celle du tribunal de grande instance de Paris, va dans le bon sens, mais toute erreur de notre part entraînerait une insécurité juridique, ce qui risquerait de brider le développement du désormais célèbre web 2.0, le web participatif, en particulier celui des sites de réseaux sociaux, qui en sont emblématiques, et qui proposent aux internautes de publier du contenu et de le partager avec les autres membres de diverses communautés.
L’enjeu est déterminant : ou bien le Gouvernement souhaite que la responsabilité éditoriale existe sur le web 2.0 et il s’agira de services audiovisuels – c’est ce que, selon nous, il ne faut pas faire : c’est d’ailleurs contraire à la directive, et telle n’est certainement pas l’intention du Gouvernement –, ou bien il veut, conformément à la directive, exclure du champ des services audiovisuels tous ces nouveaux services, et la commission vous prie alors, mes chers collègues, de ne pas retenir le terme « éditer », qui suppose une maîtrise et une responsabilité du contenu.
Dans le domaine de l’économie numérique, responsabilité éditoriale et viabilité des plates-formes d’échanges communautaires sont incompatibles.
Préciser dans la loi que les plates-formes d’échanges communautaires ont une responsabilité éditoriale condamnera leur développement et les incitera à une délocalisation.
Telle est la raison pour laquelle la commission est à ce point attachée à remplacer un terme qui est piégé par des termes qui renvoient à une réalité juridique certaine et précise.