Malgré les apparences, la question qui est évoquée ici est importante : il s’agit de la notion d’œuvre et, consécutivement, du droit d’auteur.
Lors de l’examen du projet de loi sur la télévision du futur défendu par votre prédécesseur, madame la ministre, nous avions débattu pendant plusieurs heures avant de nous mettre d’accord sur une approche sérieuse. L’Assemblée nationale avait fait de même. Aussi, le Parlement, unanime, s’était prononcé sur une définition du droit d’auteur, à laquelle, comme d’autres, d’ailleurs, je n’avais pas peu contribué.
Cependant, le décret dont ces dispositions devaient faire l’objet n’ayant pas été publié, la question se trouve de nouveau posée aujourd'hui.
Certains d’entre vous ont peut-être acheté à Noël les DVD de l’émission Cinq colonnes à la une. En les visionnant, on a bien le sentiment de regarder une œuvre. Les journalistes qui réalisaient cette émission – Pierre Dumayet, Pierre Desgraupes – étaient des auteurs, ainsi que les réalisateurs des reportages comme Jacques Krier ou Paul Seban.
Le documentaire de création qui est intégré dans une émission ne relevant pas elle-même de la création est facilement identifiable. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, il faut entendre l’exigence qui a été exprimée par Mme Tasca.
J’ai reçu récemment les professionnels du secteur et j’ai été sensible à leurs arguments, mais il me semblait qu’il était difficile de revenir au détour d’un texte dont ce n’était pas l’objet sur une question qui avait occupé longuement le Parlement.
Je me doutais bien, pourtant, que la définition de l’œuvre serait amenée à évoluer. Rappelons-nous que les œuvres cinématographiques n’ont été reconnues comme telles qu’au moment du cinéma parlant ! Tous les grands films muets qui font notre bonheur lorsqu’ils passent dans les rares ciné-clubs restants ou que la télévision consent à diffuser étaient considérés en leur temps comme des spectacles de foire ! Vous voyez que les notions peuvent évoluer.
Je me souviens que Valéry, dans sa correspondance avec Benjamin, qui réfléchissait beaucoup sur ces questions, écrivait que l’on disposerait peut-être un jour d’un outillage de création qui modifierait le sens même du mot « création ». Cette notion est donc constamment en évolution, et c’est par des combats – des combats fondamentaux – que, petit à petit, telle ou telle dimension, jusque-là regardée de loin, se met à être regardée de près.
Comme je trouvais qu’il était curieux d’utiliser pour faire évoluer certaines questions une loi traitant d’un tout autre sujet, j’avais décidé de ne pas prendre part au vote.
Cependant, je viens d’entendre les arguments présentés et je vois bien qu’à partir de l’intervention de Mme la ministre le ciblage est d’une réelle précision si on y ajoute la vigilance, et surtout si on ajoute les accords interprofessionnels qui ont été évoqués D’ailleurs, eux aussi posent la question de l’utilisation de la loi. Parmi ces accords, il y a l’accord avec M6, qui n’a pas été facile à obtenir. S’il y a des choses qui me choquent dans cet accord, j’ai appris qu’il y avait une espèce de flou artistique dans les pourcentages de M6. Ce flou a été convenu pour aborder la question, comme cela a été souligné.
Alors, si c’est une tendance, si elle est bien sériée et si on y ajoute notre vigilance – l’accord a été signé par la société des auteurs et compositeurs dramatiques, la SACD, qui est sans doute la plus vigilante –, je pense qu’on peut effectivement, en tout cas pour ce qui me concerne, passer du « Je ne prends pas part au vote » au « Je prends part au vote », mais strictement sur l’approche qu’a donnée la ministre. Je dis bien « strictement ».
Monsieur Yves Pozzo di Borgo, je voudrais vous faire remarquer qu’au début, l’offensive est partie sur Popstars, pendant l’été. J’avais d’ailleurs rédigé un article, qui a été publié à la une du journal Le Monde, sur le thème « ça, jamais ! » Je disais « ça, jamais ! » à l’époque, mais cela vaut aussi pour aujourd'hui.
Donc, c’est une question de langue stricte. Je dirais presque de grammaire, de fidélité à l’expression de notre langue.
Dans ces conditions, au nom de mon groupe, j’émets un vote favorable sur le correctif qui vient d’être apporté par Mme la ministre.