... avec, pêle-mêle, la fusion ANPE-UNEDIC, la prétendue amélioration du pouvoir d'achat, qui vous permettra de mettre à mal les 35 heures, le contrat de travail unique, la flexsécurité, le travail du dimanche et, aujourd'hui, la recodification du code du travail, prélude à bien des régressions en matière de droits des salariés.
Cette recodification a été l'affaire des gouvernants, ne vous en déplaise, au point que deux organisations syndicales ont saisi le Conseil d'État ; c'est sans doute ce qui explique votre précipitation. Vous savez qu'en donnant valeur législative à votre ordonnance vous la soustrayez à l'emprise du juge administratif. À l'Assemblée nationale, nos collègues l'ont d'ailleurs démontré en citant un passage du rapport de Mme Irles, où il était écrit que l'intérêt d'une loi de ratification était aussi « de rendre sans objet les recours engagés devant la juridiction administrative contre cette ordonnance en donnant une valeur législative à l'ordonnance qu'elle ratifie ». Au moins c'est clair, on peut remercier Mme Irles pour sa franchise !
S'agissant de la méthode, peu nombreux sont celles et ceux qui vous soutiennent aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, à part votre majorité ! Avez-vous tenu vos promesses ? Le code du travail est-il plus lisible ? Est-il plus facile à utiliser, l'avez-vous simplifié sans l'avoir réduit ? C'est ce que vous prétendez, c'est ce que pense également Mme la rapporteur, mais le groupe CRC ne peut que répondre négativement à toutes ces questions.
Vous avez procédé à un redécoupage sans précédent du code du travail, en déclassifiant pas moins de 500 dispositions, les faisant passer du domaine législatif au domaine réglementaire.
Pourtant, priver les salariés de la protection législative pour les exposer à la « souplesse », pour ne pas dire au silence du domaine réglementaire, c'est diminuer leurs droits. En fait, là où il vous fallait hier engager un débat contradictoire et public pour modifier la loi, vous pourrez demain agir seuls, privant les partenaires sociaux du contre-pouvoir que représente le débat parlementaire.
En outre, vous avez multiplié par deux le nombre d'articles, créant 1 890 subdivisions au lieu des 271 existantes. Et, dans cet océan de complexité, vous voudriez faire croire que les utilisateurs trouveront ce code plus lisible ? Balivernes !
Vous avez, d'une manière très sélective, utilisé l'indicatif en lieu et place de l'impératif. Votre choix est sélectif, car les salariés « doivent faire » ou « doivent remettre », alors que l'employeur « remet » ou « fait ». Désormais, ce qui apparaissait comme une présomption irrécusable ne l'est plus, à charge pour le salarié d'apporter la preuve de ce qu'il dit.
Vous avez encore exclu certaines professions de la justice prud'homale en sectorisant les conflits. Je pense aux salariés agricoles, qui dépendront demain du code rural, ou encore à l'article 7 de l'ordonnance, qui intègre dans le code minier les dispositions relatives aux conditions de travail jusqu'alors prévues dans le code du travail. Vous avez organisé le dessaisissement de la juridiction prud'homale au moyen des dispositions prévues dans les articles L. 2143-17, L. 2315-3, L. 2325-7 ou L. 3121-50, qui créent une ambiguïté sur la compétence des juridictions.
Par ailleurs, vous avez recours à la notion abstraite d' « autorité administrative », qui vient se substituer à la notion, pourtant explicite, d'« inspecteur du travail » ou d'« inspection du travail ».
En outre, vous avez aussi fait le choix de supprimer l'ancien article L. 241-6 du code du travail, qui précisait pourtant les conditions de formation nécessaires à l'exercice de la médecine du travail et les aides financières liées à celle-ci.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, PLFSS, nous avons pu observer l'idée que vous vous faisiez de la médecine du travail et le sort que vous réserviez aux victimes du travail. On comprend aujourd'hui que c'est la médecine du travail en elle-même qui vous déplaît ; c'est la raison pour laquelle vous souhaitez l'enterrer.
En matière de santé au travail, vous êtes allés encore plus loin. En dehors de la notion de droit constant, vous avez créé de toutes pièces dans le titre II intitulé « Principes généraux de prévention » un chapitre nouveau intitulé « Obligations des travailleurs ». C'est faire peser sur les salariés une responsabilité quant à la survenue de leur propre accident du travail, amoindrir mécaniquement la responsabilité des employeurs et, par voie de conséquence, l'indemnisation des salariés. Il faut dire que le MEDEF avait fort peu apprécié les arrêts de juin 2002 ; vous satisfaites là une de ses exigences !
Le MEDEF pourra aussi vous remercier pour la suppression des peines de récidive dont il n'est plus fait mention. Pourtant, il me semblait que le Président de la République avait fait de la lutte contre la récidive et de la sanction de celle-ci une de ses priorités. J'en conclus qu'il y a délinquant et délinquant...
Il est vrai que le code du travail est aujourd'hui complexe. Mais, face à un diagnostic commun, nous ne proposons pas la même solution. J'imagine que cela ne vous étonnera guère ! Non, nous sommes opposés à une découpe à la machette du code du travail au nom d'une meilleure lisibilité. En revanche, nous sommes favorables à une réécriture concertée.
Nous voulons donner aux salariés des moyens supplémentaires en renforçant les comités d'entreprises, en confortant les maisons de justice et du droit, que votre Gouvernement, par la voix de Mme Rachida Dati, annonce vouloir fermer en partie. Cela passe par une justice prud'homale plus efficace. Au lieu de cela, vous supprimez soixante-trois conseils prud'homaux, quitte à éloigner plus encore les salariés d'une justice qui se doit d'être de proximité.
Je me souviens de nos échanges lors de l'examen de ce texte en première lecture au Sénat. Je me souviens avoir déjà fait part de mes doutes sur certains éléments qui ne figuraient plus dans la partie législative. Je me souviens également avoir entendu M. Xavier Bertrand, qui était présent alors, nous demander de lui faire confiance, nous expliquant que cela allait bien figurer dans la partie réglementaire.
M. Xavier Bertrand n'étant pas là aujourd'hui, c'est à vous que je m'adresse, madame Létard. Cela ne nous satisfait pas, car les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Interrogez les salariés de GDF, par exemple. Le Président de la République leur avait promis qu'ils ne seraient pas privatisés !
Je vous répète ce que nous avions dit en première lecture, ce texte va à l'encontre des droits des salariés. Il ne sert que les intérêts du MEDEF, pour qui la main-d'oeuvre n'est jamais assez corvéable et le droit toujours trop protecteur. Par conséquent, nous voterons contre ce projet de loi !