Intervention de Guy Fischer

Réunion du 21 septembre 2009 à 22h00
Orientation et formation professionnelle tout au long de la vie — Question préalable

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

… en supposant d’ailleurs que l’ensemble des salariés de notre pays aient acquis l’intégralité de leurs droits à formation, soit 120 heures, et qu’ils demandent à en bénéficier tous en même temps, ce qui est irréaliste. Cette précision éclairera celles et ceux de nos collègues qui seraient tentés d’accorder du crédit à des déclarations destinées à effrayer et à freiner une évolution souhaitable de la portabilité des droits. Une question est pourtant d’actualité : pourquoi, à ce jour, les entreprises de notre pays n’ont-elles pas provisionné ces sommes ?

Toutefois, au-delà de la seule question du financement du DIF, c’est l’ensemble du financement de la formation professionnelle qui nous inquiète. En effet, celui-ci est assis sur la masse salariale brute des entreprises. La crise systémique qui touche de plein fouet notre pays a entraîné, depuis l’année dernière, une hausse du chômage de 25, 6 %, les demandeurs d’emploi de catégorie A étant désormais plus de 2, 5 millions. Dans ces conditions, comment dégager des financements suffisants pour assurer le même volume de formation, alors que, parallèlement, la demande de formation s’accroîtra ? Nous pensons, pour notre part, qu’il aurait fallu revoir le mode de financement de la formation professionnelle, en abrogeant, par exemple, les ordonnances Villepin visant à relever le seuil de 10 à 20 salariés. Au lieu de cela, vous instaurez un nouveau seuil.

Nous sommes également convaincus qu’il fallait impérativement renforcer la solidarité nationale, en prévoyant notamment que la convention conclue entre l’État et le Fonds de péréquation et de sécurisation des parcours professionnels devrait clairement préciser les engagements financiers de l’État. Votre rejet de ces dispositions nous fait craindre que vous ne fassiez une nouvelle fois porter aux régions le poids de l’effort de solidarité nationale.

De même, nous regrettons que vous ayez refusé, monsieur le secrétaire d'État, d’inscrire dans le projet de loi une disposition prévue par l’ANI du 7 janvier 2009 et attendue par de nombreux salariés, à savoir la création d’un droit à la formation initiale différée, seule véritable seconde chance pour celles et ceux de nos concitoyens qui sont sortis du système scolaire sans que celui-ci ait accompli à leur égard sa mission majeure, qui est de permettre à chaque jeune de sortir du système scolaire avec au moins un diplôme de cycle supérieur. Mais je ne reprendrai pas ici l’excellente argumentation de mon amie Brigitte Gonthier-Maurin, d’autant que nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de nos débats.

Dans un tel contexte d’explosion des attentes et des besoins, nous ne pouvons accepter que vous procédiez, petit à petit, à la casse de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, en commençant par le transfert des personnels.

En effet, le transfert de 75 % des personnels de l’AFPA chargés du conseil et de l’orientation ne sera pas sans conséquences sur l’accomplissement de l’une des missions capitales de celle-ci, à savoir l’ingénierie du titre, les compétences des uns – ceux que vous entendez transférer au Pôle emploi – nourrissant les connaissances des autres. Cette décision s’accompagnera inévitablement d’une diminution des compétences particulières des ingénieurs, dont la lecture de ce projet de loi nous apprend que vous entendez les transférer, par convention directe avec l’État, aux opérateurs privés de placement.

Pourtant, disons-le clairement, rien, pas même les règles européennes, ne justifie ce transfert. Monsieur le secrétaire d'État, si ces dernières vous contraignaient réellement à opérer un tel transfert – mais nous ferons la démonstration que tel n’est pas le cas –, il vous aurait alors appartenu de peser de toutes vos forces pour que la formation professionnelle soit exclue du secteur marchand. En effet, vous ne pouvez pas accompagner toutes les dérégulations et soutenir les plus libéraux à Bruxelles tout en déplorant, en France, une situation dont vos amis et vous êtes responsables !

Pour notre part, nous sommes convaincus que la France n’est tenue, en la matière, par aucune règle européenne, l’éducation et la formation professionnelle demeurant de la compétence exclusive des États en vertu du traité instituant l’Union européenne.

Quant au Conseil de la concurrence, il ne reproche pas à l’État, dans sa décision, de privilégier l’AFPA, y compris par le biais du versement de subventions, mais considère qu’il aurait été nécessaire de reconnaître les missions exercées par cet organisme comme relevant véritablement d’un service public qui aurait pu être organisé sous forme de régie ou de délégation de service public. Vous avez délibérément écarté cette solution, privilégiant le démantèlement de l’AFPA, sans doute pour amoindrir le titre au profit des certifications !

En raison de ce démantèlement de l’AFPA, des attaques portées contre le paritarisme, particulièrement à l’article 9, du refus de renforcer les formations professionnelles durant le temps de travail, congé individuel de formation compris, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui ne pourra être l’outil nécessaire à nos concitoyens.

Depuis 1996, les élus, tant locaux que nationaux, du parti dont je suis membre ont développé des pistes de réflexion en vue de sécuriser l’emploi des salariés. Leurs propositions, excellemment présentées par Mme David, sont à l’opposé de celles qui sont contenues dans le présent projet de loi, et pour cause ! Pour permettre une véritable sécurisation des parcours professionnels, il est selon nous nécessaire de créer des outils permettant de rompre avec l’insécurité permanente propre au marché du travail et avec le libéralisme. En effet, il ne peut y avoir de sécurité, pour les salariés, que dans une société qui décide collectivement de renforcer les droits de celles et de ceux qui les représentent. À quoi bon une sécurisation des parcours professionnels si les employeurs peuvent encore, à leur guise, sans se soucier des intérêts collectifs, fermer des usines et procéder à des licenciements boursiers dont le seul objet est d’accroître la rentabilité d’actions détenues par une minorité de personnes ? C’est pourtant ce que nous vivons aujourd’hui !

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