Le renvoi à la commission du texte nous permettrait sûrement de faire en sorte qu’il corresponde véritablement à sa volonté !
Où en est-on sur le fond ? Pour les Françaises et les Français, que représente la formation professionnelle, initiale ou continue ? Il s’agit d’un moyen d’envisager sereinement sa vie, de construire son avenir en toute confiance. La formation professionnelle représente un équivalent du CDI. Elle permet à chacun de se rattraper après avoir « manqué une marche », et ce quels que soient les échecs subis. C’est une chance pour tous ! À l’heure où un prix Nobel, M. Joseph Stiglitz, nous vante le BIB, le bonheur intérieur brut, ce n’est pas rien !
Nous devons nous interroger sur la nécessité d’apporter à chacun cette sécurité professionnelle, levier essentiel pour réussir sa vie et ne pas craindre les lendemains. À l’heure où les plans sociaux se multiplient, la crise servant parfois de prétexte, la formation professionnelle est un vrai moyen de répondre aux attentes et aux craintes des Français.
Or le fond de ce dossier essentiel pour l’avenir de nos concitoyens n’est malheureusement pas abordé dans ce projet de loi. C’est un rendez-vous manqué avec l’histoire sociale de notre pays. Le Président de la République nous a annoncé une réforme importante, et nous avons aujourd’hui devant nous un texte superficiel, qui n’aborde pas les véritables enjeux de la formation professionnelle et ne trace aucun cap. Voilà pourquoi il me semble essentiel, au regard des enjeux de la formation professionnelle, de renvoyer ce texte à la commission spéciale.
Même l’accord historique signé entre les partenaires sociaux le 7 janvier dernier y est dévoyé. D’ailleurs, l’ensemble de ces derniers n’a pas voté ce projet de loi lorsqu’il a été soumis au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, le 14 avril dernier. Les représentants de l’État l’ont voté, et on les comprend ! Avec la cosignature du plan régional de développement des formations par le préfet et l’autorité académique, c’est une recentralisation de la formation professionnelle qui s’opère, et en toute opacité.
En outre, dans le présent projet de loi, la formation professionnelle est abordée sous l’angle financier et sous celui des intérêts bien compris de certains, notamment du patronat. Je pense ici à l’opacité du fonctionnement du nouveau Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, ainsi qu’à la mainmise de l’État sur une partie des 900 millions d’euros de ce fonds.
Pourtant, d’autres voies auraient pu être trouvées pour faire de ce texte un projet ambitieux. Le Livre vert de Martin Hirsch aurait très bien pu constituer un fil conducteur cohérent de la réforme. Pourquoi ne pas avoir repris certaines de ses préconisations, notamment la mise en place d’un réseau d’orientation, la suppression du délai de carence ou l’obligation de formation jusqu’à 18 ans ? Est-ce la peur d’un projet trop ambitieux ? Savez-vous d’ailleurs ce que va devenir le travail de M. Hirsch ? Osons espérer qu’il ne sera pas enterré…
De même, pourquoi tronçonner la formation professionnelle continue et initiale ? Quel est ce message incohérent que le Gouvernement souhaite adresser aux jeunes qui sortent du système scolaire ?
Ce projet de loi comprend de nombreux manques, que seul un renvoi à la commission pourrait nous permettre de combler. Il ne contient absolument rien sur la formation initiale, dont l’importance est pourtant évidente. Il oublie la formation initiale différée destinée aux jeunes sortis du système scolaire sans qualification. Il ne fixe pas comme objectif à la formation tout au long de la vie de permettre la progression d’un niveau de qualification.
La validation des acquis de l’expérience, la VAE, objet d’une réforme essentielle, n’est qu’à peine abordée, alors qu’elle représente un véritable espoir pour les travailleurs. Il est certain qu’elle a besoin d’être améliorée : dès lors, pourquoi ne pas saisir l’occasion de l’examen de ce texte pour y œuvrer ?
Je souhaite cependant souligner un point positif : à la suite de la présentation d’un amendement par le groupe socialiste, le Gouvernement s’est engagé en commission à mettre en place des campagnes d’information sur la VAE. Il est en effet urgent de faire savoir que ce dispositif existe. Il serait en outre nécessaire de le simplifier et de le rendre accessible à tous.
Il faut également s’interroger de nouveau sur la taxe d’apprentissage : quelle est sa destination ? Comment la prélever ? Que penser de l’amendement déposé par M. le rapporteur, visant à diviser par quatre le montant de son produit disponible pour l’enseignement supérieur ? Son adoption serait catastrophique !
En conclusion, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter cette demande de renvoi à la commission. Ce projet de loi ne remplit pas son objectif premier : simplifier et rendre plus transparents les dispositifs de la formation professionnelle. C’est une occasion manquée, puisque, malheureusement, le texte ajoute de la complexité à la complexité.
En adoptant cette motion, mes chers collègues, vous nous assurerez le temps nécessaire pour traiter au fond le sujet de l’orientation et de la formation professionnelle tout au long de la vie. Ce serait une décision utile et intelligente.