Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article, qui a trait aux objectifs et aux principes de la formation professionnelle, vise à donner un accès prioritaire aux personnes sans premier niveau de qualification ni baccalauréat. Il répond donc à un souci que nous partageons, celui de réorienter la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin.
Il manque cependant un principe important, celui du droit à la formation initiale différée, mis en avant dans l’accord signé par les partenaires sociaux au début de l’année. Ce principe figurait déjà, d’ailleurs, dans l’accord national interprofessionnel de 2003. Il s’agit, en quelque sorte, d’un droit à la deuxième chance.
En effet, notre système de formation initiale est ainsi fait que toute sortie est perçue comme définitive et vécue comme un échec : à juste titre, car les jeunes sortis de l’école sans diplôme ont plus de mal à s’insérer dans le monde professionnel que les autres.
Il convient donc de dédramatiser la sortie du système scolaire en facilitant une reprise d’études immédiate, comme c’est le cas chez nos voisins européens, où les difficultés rencontrées par les jeunes sur le marché du travail sont moindres.
Ensuite, en dépit du fait que la sécurisation des parcours professionnels figure dorénavant parmi les finalités de la formation, nous restons dubitatifs quant aux moyens que vous vous donnez, monsieur le secrétaire d’État, pour atteindre cet objectif important, inscrit au début du préambule de l’accord national interprofessionnel.
En effet, la principale mesure est la création d’un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, dont le fonctionnement sera d’une extrême complexité et le financement pour le moins opaque.
Mais qu’en est-il de la responsabilité des entreprises ? Mon département, comme beaucoup d’autres malheureusement, est durement frappé par la crise, et les fermetures d’usines se multiplient. La cokerie de Carling, où 450 personnes vont être licenciées, en constitue le dernier exemple en date. Ce qu’il faut, dans ces cas-là, c’est que les salariés ne soient jamais licenciés, mais se forment à d’autres métiers au sein même de leur entreprise. Cela passe par une forte implication des employeurs, mesure que ne prévoit pas ce texte. En définitive, ce dernier reste loin de jeter les bases d’une véritable sécurité sociale professionnelle, pourtant promise par le Président de la République et à laquelle aspirent nos concitoyens, notamment en cette période de crise.
En ce qui concerne le handicap, l’Assemblée nationale a ajouté une disposition importante, absente de la rédaction initiale du texte, visant à « évaluer les politiques de formation professionnelle menées en faveur des travailleurs handicapés ». C’est une très bonne chose. Nous le savons, l’insertion des personnes handicapées est difficile et leur taux de chômage beaucoup plus élevé que celui du reste de la population. Après avoir eu du mal à trouver une activité professionnelle, ces personnes rencontrent aussi beaucoup de difficultés pour accéder à la formation professionnelle. Nous devons prêter une attention particulière à ce problème, et l’un de nos amendements visera d’ailleurs à aller plus loin en faveur de ce public.
Toutefois, n’oublions pas non plus que d’autres méritent également une attention particulière. Je pense notamment aux personnes détenues, dont il n’est même pas fait mention. Leur ouvrir l’accès à une formation leur permettrait, en particulier, de mieux vivre leur peine et de se réinsérer plus facilement à leur sortie.
De même, il n’est jamais fait référence, dans ce projet de loi, aux organismes de formation, dont on sait pourtant qu’ils peuvent être facilement infiltrés par les sectes, avec les dégâts que cela peut engendrer.
Enfin, si les régions sont mentionnées dans cet article, nous estimons qu’en réalité elles ont été écartées des missions principales. Pourtant, depuis que les lois de décentralisation leur ont donné la compétence en matière de formation professionnelle, elles jouissent d’une certaine expérience dans ce domaine, ainsi que d’une réussite attestée et reconnue. Leur légitimité ne se discute plus : plusieurs rapports ont préconisé de les promouvoir comme pilote unique en matière de formation professionnelle, et non pas comme copilote, ainsi que vous le proposez. Nous pensons que l’hétérogénéité des territoires appelle une politique de formation spécifique et différenciée selon les régions, en liaison avec les objectifs de développement et d’aménagement du territoire que celles-ci se fixent. Nous présenterons donc un amendement visant à renforcer le rôle des régions.
Votre texte manque d’ambition, monsieur le secrétaire d’État, et nous ne le voterons pas.