Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat difficile, voire tendu, auquel nous avons assisté lors de l’examen en première lecture de ce projet de loi montre, s’il en est besoin, combien la question des OGM cristallise des positions radicalement opposées et passionnelles.
Nous avons tous été surpris de l’intransigeance de certains propos et de quelques affirmations sans concessions, parfois peu étayées.
Comment se fait-il que, alors que les rapports sur les OGM se sont succédé au fil des années et que d’autres pays européens se sont prononcés sur cette question, parfois à plusieurs reprises, nous en soyons encore là en France ?
Certes, les limites de l’expertise scientifique et la complexité des phénomènes biologiques n’ont pas permis au politique de jouer son rôle classique d’arbitre, séparant clairement le « permis » de « l’interdit ».
Sans doute aussi les gouvernements successifs n’ont-ils pas su créer les conditions propices à un authentique échange d’idées susceptible d’éclairer les Français sur l’ensemble des enjeux des OGM et de dégager des consensus.
Le débat s’est déroulé dans les milieux associatif, scientifique et agricole, ainsi que dans les médias, mais sans véritable échange ou confrontation entre l’expert, le politique et le citoyen.
Qu’est-ce exactement qu’un OGM ? Quels sont les différents types d’OGM existants et leurs multiples fonctions ? Ces questions ont largement été éludées au profit de raccourcis parfois simplistes.
Le résultat est que, aujourd'hui, nos concitoyens affichent une hostilité globale à l’égard des OGM. Alors que les OGM font toujours l’objet de controverses scientifiques, les risques qu’ils peuvent présenter sont largement plus présents dans les esprits que leurs bénéfices potentiels.
Il n’en demeure pas moins que la place des OGM continue de s’étendre. Ils sont très présents dans notre vie quotidienne, dans certains aliments importés et dans de nombreux médicaments.
La question de savoir si on est pour ou contre les OGM est ainsi dépassée. Ils existent et on ne peut ignorer ni la dépendance des agriculteurs français et européens en protéines végétales à l’égard des firmes américaine ni leur potentiel en termes d’innovation, notamment dans le domaine pharmaceutique.
Affirmons-le : il n’y a jamais eu de progrès sans prise de risque. Si nous ne voulons pas que le développement des OGM soit soumis à la seule logique économique, nous devons assumer ensemble ce risque, avec beaucoup de rigueur et de vigilance.
Veillons à ce que notre débat soit fondé non sur des clichés simplistes et des postures politiciennes, comme le souhaitent les fondamentalistes de tous bords, mais sur des principes objectifs, clairs et tangibles. Interrogeons-nous sur l’intérêt de tel ou tel OGM spécifiquement et non généralement. Appuyons-nous sur les avis des scientifiques pour le choix des cultures OGM.
Le processus du Grenelle de l’environnement, que vous avez lancé, monsieur le ministre d’État, a montré, par son existence même et par la présence jusqu’à son terme de tous les acteurs conviés à y participer, que le dialogue était possible et que des équilibres pouvaient être trouvés, y compris sur les OGM. Plusieurs orientations ont alors fait l’objet d’un consensus.
Ainsi, il est apparu nécessaire que la science réponde aux questions que se pose la société sur les OGM, notamment s’agissant de leurs effets sur la santé, sur l’environnement et sur l’économie. Il faut en effet une volonté forte pour développer la recherche en génomique végétale, en toxicologie, en épidémiologie humaine et du milieu naturel. J’arrête là cette énumération, car la liste est, en fait, sans fin.
De notre capacité de recherche publique dépend notre capacité d’expertise, c'est-à-dire aussi notre incapacité en matière d’évaluation totale des risques.
Or la recherche ne constituait pas l’axe prioritaire du projet de loi initial. Je me félicite donc que l’examen du texte en première lecture au Sénat ait permis d’introduire un chapitre sur cet aspect.
Le dispositif dénommé « Sofiplantes » visant à renforcer le financement de la recherche en génomique végétale a été supprimé par l’Assemblée nationale, en raison, semble-t-il, de sa complexité. Nous ne pouvons que le regretter. Il me paraît souhaitable de trouver pour l’avenir un dispositif alternatif afin de soutenir les entreprises qui se créent dans ce secteur.
L’adoption d’une loi sur les OGM créant une haute autorité et déclinant en particulier les principes de la transparence et de l’information citoyenne, ainsi que la préservation du libre choix, a elle aussi fait l’objet d’un consensus.
La liberté de choix est essentielle. Elle doit permettre à chacun de se déterminer en toute connaissance de cause. À cet égard, l’article 1er du projet de loi est tout à fait clair : la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM est garantie, dans le respect des principes de précaution, de prévention, d’information et de responsabilité.
Certains contestent l’expression « avec ou sans organismes génétiquement modifiés ». Les amendements adoptés par les députés sur cet article me semblent être de nature à les apaiser.
De ce libre choix découle un autre principe fondamental – la transparence – et une nécessité pratique – la coexistence entre les filières.
Sur ces différents points, le texte apporte des réponses positives.
Tout d’abord, le projet de loi crée une nouvelle instance d’évaluation, que le Sénat a nommée « Haut conseil des biotechnologies » et dont il a mieux précisé le fonctionnement et la composition. Les amendements adoptés en première lecture me semblent garantir l’indépendance et la transparence de cette instance d’expertise. Il faut évidemment lui donner les moyens matériels de mener ses travaux, ce qui sera à la fois un gage d’efficacité et d’attractivité. Il appartiendra à la représentation nationale de contrôler, lors de l’examen annuel du projet de loi de finances, que des moyens suffisants sont bien affectés à son fonctionnement.
Ensuite, le projet de loi prévoit la création d’un registre national accessible au public, indiquant notamment la nature et la localisation à l’échelle de la parcelle des cultures d’OGM. Je me félicite de cette mesure, qui existe déjà dans d’autres pays de l’Union européenne.
D’une manière générale, il est impératif de systématiser et de renforcer l’information des maires afin de leur permettre de répondre aux interrogations légitimes de leurs administrés.
Par ailleurs, la création d’un régime de responsabilité est prévue. Cette question est majeure, notamment pour protéger les agriculteurs contre les risques de contamination des filières conventionnelles ou biologiques coexistant dans les mêmes régions de production que les cultures d’OGM.
La coexistence suppose la couverture du risque économique. Il appartient à toute future filière OGM de se doter des moyens financiers, y compris assuranciels, lui permettant de couvrir la responsabilité sans faute.
Cependant, je tiens à souligner que le préjudice économique ne prend en compte ni les coûts des analyses, ni la perte éventuelle de label, ni l’impact sur l’image commerciale. Qu’en est-il également concernant les mesures de protection, dont le coût est très lourd ?
Pour conclure, je dirai que nous n’avons pas d’autre choix que de faire confiance à la science et aux chercheurs.