Nous ne disposons pas, aujourd’hui, d’un recul suffisant pour évaluer efficacement l’incidence des organismes génétiquement modifiés sur l’environnement.
La recherche doit être poursuivie, et ce intensément. Cependant, l’effet de la dissémination des OGM sur l’équilibre des écosystèmes ou des agrosystèmes n’est pas encore suffisamment connu.
Il convient donc d’appliquer fortement le principe de précaution pour tout ce qui concerne la dissémination – on peut également parler de « contamination » – des OGM dans l’environnement.
C’est la conviction que je porte et que je souhaite partager avec vous aujourd’hui, même si j’ai conscience que je n’interviens pas forcément au moment le plus opportun de la navette parlementaire. Le calendrier électoral en a décidé ainsi.
Ce n’est pas que le principe de précaution soit absent du projet de loi. Il l’inspire – on ne peut pas en douter –, explicitement même. En témoignent, par exemple, ces alinéas de l’article 3 ajoutés par les députés, qui protègent les zones de productions agricoles de qualité sans OGM et sur lesquels, je l’espère, nous ne reviendrons pas ou peu.
Mais va-t-on assez loin ? Je suis convaincue que non. C’est pourquoi j’interviens aujourd’hui devant vous. J’ai déposé sept ou huit amendements, qui, certes, pour la plupart d’entre eux, reprennent des idées déjà débattues au cours de la première lecture, sous l’impulsion, notamment, de notre collègue Jean-François Le Grand.
En tout état de cause, ces amendements sont véritablement au cœur des enjeux de la préservation du vivant sur le long terme.
Il s’agit pour moi de faire simplement entendre un point de vue différent sur une question qui engendre une sensibilité extrême parmi nos concitoyens, parce qu’elle se situe à la convergence entre plusieurs interrogations fondamentales pour l’avenir de notre société : le rapport à la science, le choix d’un modèle agricole et alimentaire, le rôle des multinationales, l’information des citoyens-consommateurs, la prise de décision en matière de risques.
Mes amendements portent sur plusieurs thèmes.
Le premier thème est la transparence complète des travaux du Haut conseil des biotechnologies, par la proposition de publier tous ses travaux et de défendre la libre expression de ses membres. Je sais que des avancées sur ce sujet ont été obtenues au cours de la navette, mais il me semble possible d’aller encore plus loin.
Le deuxième thème est le rééquilibrage des pouvoirs entre les deux collèges formant le Haut conseil, pour une meilleure application du principe de l’interdisciplinarité et une meilleure représentation de la société civile. Là encore, des concessions ont été obtenues, mais il me semble que l’on peut faire encore mieux.
Le troisième thème est l’introduction d’un seuil de détection des OGM plus bas que le seuil d’étiquetage obligatoire prévu par les textes communautaires, soit actuellement 0, 9 %. Il permet de définir un plafond plus restrictif pour la présence d’OGM dans d’autres cultures ou dans l’environnement, à proximité d’un champ d’OGM.
En limitant plus strictement les seuils de contamination, il sera possible, chers collègues, de mieux maîtriser, sur le long terme, l’effet de la diffusion des OGM dans l’environnement.
C’est là un point central : les recherches scientifiques sur l’incidence de la contamination sont peu développées. Nous ne disposons pratiquement d’aucun modèle concernant la contamination par les OGM mis en culture dans un champ.
Protéger des cultures et les espaces naturels réellement exempts d’OGM est vital pour notre écosystème à long terme.
Par ailleurs, il est un autre thème sur lequel j’ai déposé des amendements : en application du principe pollueur-payeur, le régime de responsabilité en cas de contamination doit mieux associer les producteurs de semences à la prise en charge du coût du préjudice économique et environnemental : il nous faut aussi, sur ce sujet, inverser la charge de la preuve.
Le dernier thème que je développerai tient à l’obligation d’informer le grand public de l’utilisation d’OGM dans l’alimentation des animaux qu’il consomme.
Comme vous le savez, la réglementation européenne dispense d’étiquetage les produits alimentaires issus d’animaux ayant consommé des organismes génétiquement modifiés. Pourtant, l’alimentation animale constitue le principal débouché des organismes génétiquement modifiés en Europe.
La loi peut corriger cette « absence d’obligation » européenne. Je suis convaincue, en effet, que le respect des directives et des règlements communautaires n’interdit pas des marges de manœuvre à l’échelon national, pour garantir réellement la liberté de pouvoir cultiver et consommer sans OGM.
Prendre des mesures de transposition des directives OGM de 2001 et de 1998 ne signifie en aucune manière signer un chèque en blanc en faveur des organismes génétiquement modifiés.
Au contraire, en l’absence de transposition, la culture des PGM autorisés s’est faite jusqu’à présent dans des conditions d’information du public insuffisantes, sans que soient prévues des garanties sérieuses pour les cultures traditionnelles et l’environnement voisins.
Néanmoins, on peut transposer a minima ou, au contraire, mettre à profit la subsidiarité pour aller le plus loin possible dans l’affirmation des principes de précaution, de prévention, de transparence, de responsabilité et, surtout, chers collègues, de réversibilité.
Ainsi, par exemple, l’article 26 bis de la directive 2001/18/CE prévoit que les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits. Le principe de subsidiarité est donc la règle, et le droit européen accorde aux États membres toute latitude pour éviter la présence fortuite d’organismes génétiquement modifiés dans d’autres produits.
Cependant, comment évaluer ce seuil de présence accidentelle ? Le seuil de 0, 9 % n’est qu’un seuil d’étiquetage et d’information, fixé à un moment donné par la négociation.
En cas de préjudice lié à une contamination accidentelle, la question du seuil de détection reste posée. Je vous proposerai, chers collègues, de refuser une sorte de droit à contaminer à hauteur d’un certain pourcentage et d’appliquer un seuil que les techniques nous permettent de mesurer, soit celui de 0, 1 %. Adopter le seuil de 0, 1 % comme seuil de détection me semble donc être un choix stratégique.
D’autres États membres – l’Autriche, l’Allemagne, l’Italie, la Roumanie – ont déjà montré qu’il était possible d’instaurer un seuil de détection différent du seuil d’étiquetage. S’ils n’ont pas la bénédiction explicite de la Commission et de la Cour de justice des Communautés européennes, la CJCE, on relèvera au moins l’absence de poursuite à ce titre.
Chers collègues, si la CJCE envisage de condamner la France, ce n’est pas pour une mauvaise application de la directive.