M. le rapporteur propose, au nom de la commission, un amendement qui vient, certes, se greffer sur l’ajout qualitatif et nécessaire apporté par l’Assemblée nationale, mais en le « dévitalisant » totalement. Il ne l’éclaire pas, il l’érode. Il renvoie la définition de la notion de présence ou de non-présence d’OGM au réglementaire et à la part d’arbitraire que celui-ci comporte.
M. Martin Hirsch, en 2005, alors qu’il était directeur général de l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, s’était clairement expliqué sur la notion de seuil, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Il parlait alors de l’alimentation et non de champs cultivés, mais le présent texte ne tend-il pas à recycler le seuil alimentaire pour l’appliquer au seuil de présence dans les récoltes ?
Il se disait persuadé que, s’agissant de l’étiquetage, le seuil de 0, 9 % ne tiendrait pas longtemps, car l’on s’apercevait déjà que l’on était incapable de le vérifier matrice alimentaire par matrice alimentaire. Il jugeait très probable que, dans un, deux ou trois ans, on s’apercevrait que les aliments en contenaient en fait 1, 5 %, 2 % ou 3 % : on crierait alors au scandale et il serait demandé aux fabricants de redescendre à 0, 9 %, mais ces derniers rétorqueraient que séparer les filières coûterait une fortune, et laisseraient entendre que les consommateurs n’accepteraient jamais une hausse des prix de grande ampleur. « Vous en avez mangé et vous n’êtes pas morts », objecteraient-ils. Et ce seuil serait accepté.
Cette fiction a de grandes chances de devenir une prédiction et de se réaliser. Il faut avoir conscience que c’est le seuil qui fait franchir la porte.
Ainsi, monsieur le rapporteur, avec votre proposition de seuil, vous ouvrez la porte aux OGM dans les ruches et dans les champs, et donc dans les assiettes de ceux qui n’en veulent pas.
Nous voterons par conséquent contre cet amendement.
M. Jean-Marc Pastor a eu raison de nous alerter sur la dévalorisation du rôle du Parlement : la commission, en refusant globalement les quatre-vingt-seize amendements qui lui étaient présentés, a ramené la double navette au régime maigre de l’urgence. Si, de surcroît, l’amendement adopté à l’Assemblée nationale devait être érodé davantage encore, ce texte aurait alors autant de légitimité démocratique qu’une ordonnance.