Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je souhaiterais formuler plusieurs observations.
Tout d’abord, cette navette parlementaire était indispensable et je suis très heureux que nous ayons renoncé à l’urgence.
La navette parlementaire implique de revenir sur un certain nombre de débats et je ne trouve pas choquant que la commission se concentre, en deuxième lecture, sur un ou deux points particuliers ni que le Gouvernement soit d’accord avec la commission. Certains textes sont votés conformes, ce qui, pour autant, ne veut pas dire que l’autre assemblée soit bâillonnée. Le débat permet de progresser. Ainsi, il arrive qu’après avoir entendu les arguments de l’opposition la commission ou le Gouvernement change d’avis, faisant ainsi évoluer le vote de l’assemblée.
Au fond, que m’inspire ce débat ? En réalité, le Parlement a suivi le même processus que le Grenelle. Au départ, les positions sont très dures, très tranchées. Puis le débat s’organise, le sens des responsabilités l’emporte et il est de plus en plus difficile d’être favorable à n’importe quel OGM sans aucune considération pour les disséminations. À terme, il n’est pas possible non plus de dire non à tout, à la recherche, à la réflexion, à certaines formes de biotechnologies qui évolueront.
Comme dans le Grenelle, partisans et détracteurs du Mon 810 se sont affrontés. Or ce produit, qui aura pollué le débat, est interdit aujourd’hui en France, pour de bonnes et de mauvaises raisons.
Pour certains, le moratoire était peu justifié, tandis que, pour d’autres, il était totalement légitime. En définitive, tout le monde se retrouve sur l’idée qu’il faut laisser de côté un certain nombre de produits discutables, mais que nous devons préparer l’avenir, rechercher d’autres biotechnologies, qui ne seront pas des Mon 810 ou des Bt11. Nous n’avons pas le droit de fermer complètement la voie à la recherche, indépendamment des problèmes juridiques, voire de transcription de directives.
J’étais favorable au moratoire sur le Mon 810, comme l’était Nathalie Kosciusko-Morizet. D’autres, ici, étaient contre, mais nous sommes parvenus à nous accorder sur un texte nous donnant les moyens de préserver l’avenir de notre pays. Que l’on soit pour ou contre, nous légiférons pour l’avenir.
Nous aurons du mal à nourrir 9 milliards d’individus. Je ne crois pas à la thèse selon laquelle le productivisme de certains pays permettra de répondre aux besoins en nourriture du reste du monde. Je ne défends pas l’idée que les OGM, en tant que tels, et des Mon 810 essaimés à qui mieux-mieux, ou « mal-mal », résoudront les problèmes de la planète. Je suis convaincu que l’agriculture vivrière locale est indispensable. Mais qui a dit que l’agriculture vivrière se passerait à terme des biotechnologies ? Dans certains endroits du monde où les conditions de vie sont difficiles en raison de la chaleur, de l’absence d’eau, des moyens techniques – certes pas le Mon 810 –, peut-être biotechnologiques, seront nécessaires un jour.
Je suis profondément convaincu que nous viendrons bientôt devant vous avec un texte porteur des valeurs fondamentales du Grenelle, qui sera en parfaite cohérence et harmonie avec celui que nous examinons aujourd'hui. Nous avons le devoir de défendre notre recherche, qu’il s’agisse de la recherche confinée ou d’essais en plein champ, en prenant toutes les précautions qui s’imposent en ce domaine.
À la vérité, je suis à la fois navré et très heureux.
Le Sénat, l’Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, cherchent au fond à transcrire la magie du Grenelle dans la législation. En réalité, les masques sont tombés et ceux qui sont partis ont ainsi montré qu’ils n’avaient plus rien à dire.
Ils sont partis parce qu’ils ont découvert que M. Jean Bizet avait trouvé très bien l’amendement Grosdidier et qu’il reprenait en l’exprimant différemment le sens de l'amendement Chassaigne. Que prévoit au fond cet amendement ? Toute nouvelle exploitation doit être respectueuse de celles qui l’ont précédée et en aucun cas il ne doit y avoir de dissémination. Il organise en fait notre nouvelle méthodologie.
Ce texte est probablement le plus équilibré que l’on puisse imaginer dans une démocratie.
Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même - je le dis pour mes amis centristes – sommes de farouches adversaires de la dissémination ; nous avons milité ardemment pour le moratoire sur le Mon 810. Pour autant, la démagogie eût été de faire croire que le monde entier - la recherche en matière de mucoviscidose, une partie de l’agriculture vivrière - devait tourner le dos aux biotechnologies et se mettre sous la dépendance de brevets plus discutables déposés par d’autres.
Je dirai sans démagogie que je suis heureux de ce texte, mais navré que l’on fasse croire qu’il est autre chose que ce qu’il est.
En tant qu’hommes et femmes politiques responsables, nous avons travaillé jour et nuit sur ces sujets avec nos doutes, nos inquiétudes, nos angoisses, nos interrogations.
Le Sénat a confirmé la mise en place des deux comités. M. Philippe Martin, député socialiste du Gers, qui était membre de la Haute Autorité provisoire, a d’ailleurs approuvé l’organisation du Haut conseil des biotechnologies en deux comités, car il se sentait perdu lors des discussions au sein de l’ancienne instance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous allez voter, après l’Assemblée nationale, est probablement perfectible. Mais c’est un texte responsable, dénué de démagogie, le plus précautionneux du monde, qui préserve nos industries, l’agriculture mondiale vivrière, la recherche, ainsi que l’avenir !