Intervention de Bernard Seillier

Réunion du 23 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Discussion générale suite

Photo de Bernard SeillierBernard Seillier :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comporte des dispositions de nature très différente.

L'une des dispositions les plus importantes de ce texte est le contrat première embauche, si l'on se place du côté des jeunes, que l'on pourrait autrement appeler « contrat embauche supplémentaire », vu du côté de l'entreprise.

Le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-six ans est de plus de 22 %, ce qui, chacun le sait, constitue un drame humain. Il faut tout tenter pour le faire chuter.

En revanche, on parle moins de l'hésitation des entreprises à embaucher un ou deux salariés supplémentaires quand elles en ont déjà une vingtaine, compte tenu des aléas de la conjoncture et par crainte d'affronter les procédures de licenciement pour raison économique, mais également le drame humain que constitue toute rupture, tout simplement. Là se situe le noeud du problème.

Il est fréquent qu'un chef d'entreprise préfère avoir recours à des heures supplémentaires et, a contrario, à un peu de chômage technique en cas de retournement de la situation, plutôt que de lâcher les freins lorsque le marché est très porteur.

Le présent projet de loi est fondé sur l'hypothèse implicite, trop souvent vérifiée, que l'entreprise préfère adopter une attitude malthusienne plutôt que de prendre un risque qu'elle considère comme pouvant être ultérieurement trop pénalisant en termes humains, juridiques et financiers.

Le fait que la France profite bien moins que ses voisins des conjonctures mondiales favorables recevrait là une explication, qu'il convient impérativement de vérifier. Les chefs d'entreprise en général ne feraient pas preuve d'une réactivité suffisante. Il faut donc les encourager à être réactifs dès le début de la reprise, à recruter sans hésiter lorsque la conjoncture s'améliore. Pour cela, une forte incitation, à laquelle personne ne pourrait opposer l'argument de la lourdeur ou de la complexité, est nécessaire. Le CPE constitue une telle incitation pour les entreprises de plus de vingt salariés : il stimule l'embauche lorsque la conjoncture devient favorable ; il est aussi le seul moyen de transformer cette dernière en croissance durable et de pérenniser les recrutements.

Voilà déjà trente-quatre ans, Michel Crozier publiait La société bloquée. Les verrouillages semblent, hélas ! toujours en place.

D'un côté, les étudiants sont mal informés, quand ils ne sont pas abusés, sur les réalités de la vie économique. Ils sont plus habitués à les interpréter en termes abstraits et idéologiques que concrets et pragmatiques et, de ce fait, sont enclins à tout redouter de l'entreprise, au point de la fuir.

De l'autre côté, les chefs d'entreprise sont désorientés par une jeunesse dont ils perçoivent mal les qualités laborieuses et l'inventivité, faute de la connaître autrement qu'à travers de rapides reportages la montrant presque toujours en train de s'amuser plutôt que de travailler. La société du spectacle décrite par Guy Debord a des conséquences ravageuses.

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