Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui comporte de très nombreuses et importantes dispositions, mais mon intervention ne portera que sur deux de ses éléments, l'apprentissage et le contrat première embauche.
S'agissant de l'apprentissage, je crois pouvoir dire que la France souffre d'un immense retard, comparée à nos proches voisins qui ont une véritable culture de l'apprentissage artisanal et surtout industriel.
Dans ces conditions, il faut que nous rendions, en France, toutes leurs lettres de noblesse à la qualification et au savoir-faire. Il est dans l'intérêt des jeunes, mais également des employeurs, de pouvoir disposer des qualifications nécessaires à l'avenir, tout en assurant la transmission des compétences.
Si je me réfère à ce qui se passe en Belgique, pays très proche de mon domicile, je constate que nos voisins européens sont bien meilleurs que nous, car ils savent utiliser l'expérience de leurs salariés les plus âgés pour la transmettre aux jeunes en apprentissage, alors que, chez nous, les entreprises se séparent des seniors, ce qui constitue à mon sens un véritable gâchis. Ne faudrait-il pas permettre aux professionnels avertis qui le souhaitent de poursuivre leur activité afin de transmettre leur savoir-faire aux plus jeunes ?
Par ailleurs, j'observe avec plaisir que le Gouvernement a proposé de développer la formation en alternance dans les grandes entreprises, et j'approuve l'initiative du ministre de l'éducation nationale qui souhaite que le nombre d'apprentis double d'ici à 2010 dans les établissements d'enseignement supérieur, ce qui prouve bien que l'apprentissage est devenu une filière d'excellence.
Le Gouvernement a raison lorsqu'il souhaite redonner un nouveau souffle à l'apprentissage, et je soutiens pleinement l'idée d'abaisser l'âge d'entrée en apprentissage à 14 ans. L'apprentissage peut, en effet, être une chance pour des jeunes qui sont souvent en complet décalage avec le système scolaire traditionnel où ils ont parfois le sentiment de perdre leur temps.
Dans cet esprit, la philosophie du dispositif proposé par le Gouvernement consiste à créer un statut d'apprentissage junior pour les élèves ayant atteint l'âge de 14 ans, tout en prévoyant que ceux-ci pourront poursuivre leur scolarité obligatoire jusqu'à son terme.
Mais est-il vraiment nécessaire de scinder l'apprentissage junior en deux séquences : à partir de 14 ans, un apprentissage junior initial, prévoyant une initiation aux métiers, puis, à 15 ans, un apprentissage junior confirmé, durant lequel le jeune se trouve véritablement sous contrat d'apprentissage ?
Je pense, pour ma part, que le jeune qui entre dans la filière apprentissage junior devrait, dès le départ, être sous contrat d'apprentissage et non se trouver dans une situation quelque peu ambiguë pendant une année - et je crois savoir de quoi je parle.
Ce sont les raisons pour lesquelles je défendrai un amendement tendant à ce que les élèves ayant atteint l'âge de 14 ans puissent immédiatement bénéficier d'une formation en apprentissage, sans passer par un parcours d'initiation aux métiers.
S'agissant du contrat première embauche, je dirai en préambule que le non-emploi qui concerne encore plusieurs millions de personnes dans notre pays est un véritable cancer rongeant notre société : il touche, nous le savons bien, plus particulièrement les jeunes, les femmes et les personnes âgées de plus de 50 ans.
Le sort réservé aux jeunes qui souhaitent entrer dans la vie active n'est pas toujours enviable : eux-mêmes ne sont pas toujours motivés, c'est vrai, et il est des tâches que certains d'entre eux rechignent parfois à exécuter.
Mais, même à ceux qui « en veulent », on oppose souvent leur manque d'expérience professionnelle, on propose des contrats précaires ou des emplois temporaires pour des durées trop courtes, qui ne favorisent pas toujours leur adaptation au monde du travail et ne leur permettent en aucun cas d'améliorer leur formation.
Bien peu de jeunes, à la vérité, bénéficient d'un CDI avant l'âge de 26 ans. Ils obtiennent le plus souvent des stages plus ou moins bien rémunérés, des contrats d'intérim, auxquels il est toujours plus fréquemment recouru, des CDD à faible durée ou encore des contrats de type contrat d'avenir, contrat d'insertion dans la vie sociale, etc.
Dans ces conditions, le contrat première embauche constitue, me semble-t-il, une avancée non négligeable. Cela étant, comporte-t-il plus ou moins d'avantages que ce qui est proposé aux jeunes à l'heure actuelle ?
Il présente, c'est certain, moins d'avantages que le CDI « classique », mais, comme je l'indiquais à l'instant, il est tout de même très rare qu'un jeune de moins de 26 ans, qui en principe ne maîtrise pas encore le métier auquel il se destine, bénéficie d'un CDI.
En revanche, le CPE est plus avantageux que tous les autres dispositifs. Certes, ce contrat est assorti d'une période de « consolidation », pour ne pas dire d'essai, de deux ans, ce qui est peut-être un peu long, et pourra être rompu sans que l'employeur ait à invoquer un motif. Cependant, certaines garanties sont prévues : un délai de préavis, le versement d'une indemnité de licenciement, la prise en compte des stages ou des formations dans le décompte des droits, l'ouverture d'un droit individuel à la formation, l'attribution d'une allocation forfaitaire de chômage, l'accès direct au dispositif LOCA-PASS de caution en garantie du loyer et de financement du dépôt de garantie et, en principe, l'accès au crédit, comme s'y est engagée la Fédération bancaire française.
La principale critique qui est faite à ce contrat tient à la possibilité laissée à l'employeur de se séparer de son salarié à tout moment, pendant une période de deux ans, sans avoir à motiver sa décision. Pour ma part, je pense qu'il serait souhaitable de prévoir, sans aller jusqu'à la motivation, juridiquement contraignante, une justification écrite explicative en cas de rupture du contrat de travail.
À la vérité, nous qui, en tant qu'élus locaux, sommes souvent aussi des employeurs, nous savons bien que lorsqu'une personne que nous avons embauchée s'avère être un bon élément, il est de l'intérêt de la collectivité locale de la conserver le plus longtemps possible.
A contrario, il ne faut pas oublier les difficultés que nous rencontrons parfois, lorsqu'une personne ne s'adapte pas à sa fonction après quelques mois de médiocre activité, ce qui peut placer la collectivité dans une situation difficile. Il en va de même pour les petites entreprises.
Je pense que cette manière de voir les choses est très largement partagée dans le monde de l'entreprise : si un jeune, embauché au titre d'un CPE, donne pleinement satisfaction au terme de la période de consolidation de deux ans, il sera conservé au sein de l'entreprise. En effet, l'entrepreneur ne souhaitera pas s'en séparer. Il ne faut pas considérer, me semble-t-il, que l'ensemble des chefs d'entreprise sont d'affreux profiteurs ; ils cherchent surtout à faire en sorte que la pérennité de leur entreprise puisse être assurée, notamment grâce au professionnalisme de leurs salariés.
En conclusion, je considère avec un certain intérêt, en ce qui me concerne, cette démarche positive que représente l'institution du contrat première embauche. J'aurais aimé pouvoir la soutenir sans réserve. Toutefois, avec les membres de mon groupe, j'ai déposé quelques amendements me paraissant utiles. J'espère, messieurs les ministres, que nous pourrons obtenir de votre part, sur les points soulevés, des éléments de réponse concrets qui nous conforteront dans l'intention d'approuver ce dispositif.