Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 23 février 2006 à 15h00
Égalité des chances — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la réponse du Gouvernement à la crise que nous venons de vivre dans les banlieues, et, plus largement, aux tensions qui traversent notre société, alors nous avons des raisons de nous inquiéter.

Messieurs les ministres, comment pouvez-vous parler avec emphase de valeurs républicaines, d'égalité des chances, de respect de la jeunesse et de perspectives d'avenir quand votre projet de loi ne regroupe que des mesures où le disparate le dispute à l'indigent ?

Pour vous, l'égalité des chances, c'est l'apprentissage dès 14 ans et le travail de nuit des enfants. Pour vous, la meilleure raison d'embaucher un jeune, c'est d'avoir la certitude qu'on pourra le licencier sans invoquer de motif. Pour vous, la seule occasion de parler de civisme, c'est à propos de la répression des incivilités. Lorsque vous vous adressez aux maires, c'est pour les transformer en shérifs. Lorsque vous évoquez la responsabilité parentale, c'est seulement au travers de la démission des parents, et toujours sous l'angle des sanctions. Quant à la lutte contre les discriminations, elle se limite à quelques dispositions symboliques.

Une fois encore, vous utilisez les mots pour mieux travestir la réalité ; une fois de plus, l'intitulé d'un projet de loi ne sert qu'à masquer les buts que vous visez ; une fois de trop, vous instrumentalisez la peur de l'avenir pour faire accepter aux salariés la dégradation de leurs conditions de travail.

Votre discours sur l'égalité des chances s'appuie sur une vision dogmatique de la réalité sociale. Malgré vos belles phrases et vos bons sentiments, votre postulat peut se résumer ainsi : « vous avez les mêmes droits, la compétition est ouverte, que le meilleur gagne ». Nous savons, vous et moi, que cela est faux. Sous couvert de reconnaissance des mérites individuels, c'est l'injustice que vous consacrez.

En France, les inégalités ne cessent de s'accroître, la logique de reproduction sociale crée de plus en plus de castes et réduit les possibilités de changer de condition. L'ascenseur social est en panne, l'ambition collective en berne et la solidarité en miettes. Mais la lutte contre les inégalités n'est toujours pas votre priorité.

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