Ces arguments, vous les avez entendus comme nous de la bouche même des artisans, mais cela ne vous amène même pas, semble-t-il, à vous interroger. En fait, loin de vouloir revaloriser la filière professionnelle, vous entendez surtout faire le tri entre le bon grain et l'ivraie.
Lutter contre les discriminations est aussi l'un des objectifs visés au travers de ce projet de loi. Nous savons tous que, quand on n'a pas le bon nom, la bonne couleur, la bonne adresse, on ne reçoit le plus souvent pas de réponse à sa demande d'emploi, et on a peu de chances d'obtenir un logement.
Que l'on puisse fonder l'appréciation que l'on porte sur une personne sur la couleur de sa peau est aussi stupide qu'insupportable, et je ne doute pas que nous partagions ce sentiment. Mais la façon dont vous abordez cette question nous laisse songeurs. Comment allez-vous réduire les discriminations, alors même que vous renoncez à lutter contre les inégalités ?
Combattre le racisme suppose de faire évoluer les mentalités. À tous ceux qui attendent que ce texte affirme que ce qui nous rassemble est bien plus fort que nos différences secondaires, vous mentez. Vous utilisez une cause juste sans vous donner les moyens de la défendre. Vous promettez l'espoir, mais votre texte assujettit à l'existant. Vous dites « égalité des chances », mais votre projet de loi soumet aux inégalités de naissance. Vous vous voulez les champions de la lutte contre les discriminations, mais, en ciblant les populations spécifiques sans redonner sens à la solidarité, au partage, à toutes ces valeurs qui nous unissent, c'est la division que vous instaurez. La sélection par l'échec et l'éducation par la compétition font le tri entre vainqueurs et vaincus, mais n'ont jamais produit ni lien social, ni respect de l'autre, ni société solidaire.