La réforme que nous proposons présente donc trois caractéristiques.
Premièrement, le mécanisme retenu incite à la reprise d'un emploi dans tous les cas. L'idée est que chaque heure travaillée apporte un gain, et que ce gain soit plus attractif que celui de l'assistance.
Deuxièmement, ce mécanisme est simple, lisible et équitable. Pour les trois minima sociaux que sont le RMI, l'ASS et l'API, il se présente sous la forme de primes forfaitaires et non plus sous la forme d'un cumul dégressif, difficile à calculer. L'idée est d'en améliorer la lisibilité pour le bénéficiaire, qui, au moment où il va reprendre son emploi, peut savoir tout seul ce qui constituera son revenu.
Troisièmement, c'est un mécanisme sécurisant. La personne qui reprend un emploi cumule intégralement pendant trois mois son nouveau revenu et son minimum social, afin de pouvoir faire face aux divers frais - transport, habillement, frais de garde, ... - auxquels on peut être exposé lorsque l'on recommence à travailler.
La réforme vise à encourager les emplois d'une durée supérieure à un mi-temps, c'est-à-dire ceux qui permettent d'assurer l'autonomie financière des familles et leur sortie de la précarité.
Elle concernera plus des trois quarts des allocataires du RMI en intéressement, plus de 80 % des bénéficiaires de l'API et 60 % des bénéficiaires de l'ASS.
Toute personne qui reprendra un emploi d'une durée supérieure à un mi-temps cumulera pendant les trois premiers mois son salaire et son allocation, puis recevra pendant les neuf mois suivants une prime forfaitaire de 150 euros, majorée de 75 euros pour les familles. Enfin, elle percevra une prime de 1 000 euros au quatrième mois suivant l'embauche.
Plusieurs questions ont été soulevées au cours de vos débats. À cet égard, je voudrais féliciter M. le rapporteur ainsi que la commission du travail qu'ils ont effectué. Je sais que nous aurons à revenir sur cette prime et, surtout, sur le moment de son versement.
Pour autant, je tiens à dire que, dans tous les cas, une personne reprenant un emploi verra immédiatement son revenu augmenter en raison du cumul du RMI et de son salaire.
J'ajoute que toute personne retravaillant 78 heures par mois au cours de cette période bénéficiera de cette prime, même si elle n'a pas nécessairement travaillé 78 heures chaque mois. Il importe seulement que cette moyenne soit atteinte.
Le cas des travailleurs frontaliers est également important. Bien sûr, toute personne travaillant à l'étranger bénéficiera de cette prime à la reprise d'activité.
Si une personne reprend un emploi d'une durée inférieure à un mi-temps, son salaire est insuffisant pour sortir des minima sociaux. Pourtant, il est important de l'accompagner dans sa démarche. Pour cette raison, elle continuera donc de percevoir une allocation différentielle.
Dans ce cas, les primes forfaitaires ne seront pas versées, car elles réduiraient le revenu. Aussi, il sera possible de cumuler intégralement son allocation et son salaire durant les trois premiers mois. Sur le reste de l'année, c'est le différentiel qui sera versé.
L'effet incitatif de ces nouvelles primes est renforcé par les mesures introduites par la loi de finances de 2006.
La prime pour l'emploi est augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps. Elle sera de surcroît versée mensuellement.
Un crédit d'impôt de 1 500 euros est instauré au bénéfice notamment des titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui seront amenés à déménager à plus de deux cents kilomètres pour reprendre un travail.
Chacun sait par ailleurs que l'absence de solutions pour la garde des enfants constitue l'un des principaux obstacles à la reprise d'un emploi. Pour cette raison, les parents isolés qui reprennent un emploi ou les familles dont les deux parents travaillent bénéficieront d'une aide pour faire garder leurs enfants.
Je sais que cette question fait débat. Nous y reviendrons tout au long de la discussion. J'indique néanmoins d'ores et déjà que le Gouvernement a pris des mesures pour développer les modes de garde. Le Premier ministre a annoncé la création de 15 000 places de crèche supplémentaires, le doublement du crédit d'impôt dont bénéficient les familles pour les frais de garde des enfants de moins de six ans hors du domicile familial.
Cette réforme des minima, qui est une première étape, devrait coûter 240 millions d'euros, qui seront intégralement pris en charge par l'État.
Les paramètres de la réforme ont été définis de manière qu'elle n'induise aucun coût supplémentaire pour les conseils généraux. Le nouveau dispositif aura même pour eux un coût légèrement inférieur à l'ancien.
En outre, cette réforme, en raison du retour à l'emploi qui s'ensuivra, fera baisser leurs charges. Nous en attendons de moindres dépenses pour eux-mêmes s'agissant du RMI, et pour l'État s'agissant de l'API et de l'ASS, ainsi qu'un surcroît de recettes pour la sécurité sociale.
Le versement des primes, quant à lui, sera organisé de la façon suivante : dans un souci de simplicité, la prime de 1 000 euros sera attribuée par l'organisme qui verse le minimum social, à savoir la caisse d'allocations familiales ou la caisse de la mutualité sociale agricole pour les titulaires du RMI ou de l'API, et l'ASSEDIC pour les personnes titulaires de l'ASS.
La prime mensuelle de 150 ou de 225 euros sera financée par les conseils généraux pour les allocataires du RMI, et par l'État pour les bénéficiaires de l'API et de l'ASS.
Toutes ces primes seront incessibles, insaisissables et exonérées d'impôts. Elles ne seront bien sûr pas prises en compte pour établir la base ressource qui permet d'obtenir la part différentielle du minimum social.
Ce texte a été enrichi par l'Assemblée nationale. Les députés ont souhaité que, parallèlement aux droits attachés aux minima sociaux, soient rappelés les devoirs s'imposant à ceux qui en bénéficient.
Ils ont ainsi réformé le régime des sanctions applicables en cas de fraude. Ces sanctions existaient, mais elles étaient injustes, difficilement applicables et trop sévères. Par souci d'équité, l'Assemblée nationale les a harmonisées et a fait preuve de réalisme en prévoyant la possibilité d'amendes administratives, atténuées et moins lourdes à mettre en place que les poursuites pénales.
Le projet de loi comporte enfin des dispositions diverses, parce que le retour à l'emploi passe aussi par l'insertion par l'activité économique, dont chacun d'entre nous sait qu'elle est souvent un sas permettant aux uns et aux autres de se reconstruire avant de revenir réellement sur le marché du travail.
Ce texte a pour objet d'améliorer les conditions de mise oeuvre des chantiers d'insertion en aménageant les contrats d'avenir qui pourraient maintenant varier de vingt à vingt-six heures. Cela fait suite à une concertation et à des discussions que nous avons menées avec les associations concernées.
Les chantiers d'insertion permettent à de très nombreuses personnes qui rencontrent des difficultés sociales ou professionnelles, et qui sont vraiment très éloignées de l'emploi, d'améliorer leurs compétences afin de pouvoir revenir sur le marché du travail. Nous serons unanimes, je crois, pour rendre hommage au travail réalisé par les associations et les chantiers d'insertion.
Le projet de loi assouplit également le régime des contrats aidés pour les rendre plus simples d'utilisation.
Enfin, concernant les conditions d'attribution du RMI, de nombreux élus, notamment ceux des régions frontalières, ont attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'un meilleur encadrement, par la loi, de l'attribution de l'allocation aux étrangers.
Ne pourront désormais prétendre au RMI que les ressortissants de l'Espace économique européen et ceux de l'Union européenne qui résident en France depuis plus de trois mois. Cette condition, conforme aux directives européennes, permettra de mettre les départements à l'abri d'un afflux potentiellement non maîtrisé de demandes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous savons tous qu'il faudra aller plus loin, s'agissant notamment de l'appui aux allocataires et des droits connexes garantis par l'État.
Un appui personnel prenant en compte les difficultés sociales et les projets professionnels est l'élément clé d'une insertion réussie.
Cet appui à la démarche de recherche d'emploi existe déjà pour les allocataires de l'ASS, et les missions confiées par l'État au service public de l'emploi doivent être poursuivies.
De même, les départements ont intensifié les efforts d'accompagnement social et professionnel des allocataires du RMI dès que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales leur en a confié l'entière compétence. Chacun a pu voir quelle était leur mobilisation.
En revanche, cet appui, notamment l'appui à la démarche d'insertion professionnelle, doit être renforcé pour les allocataires de l'API.
Nous pouvons tous citer de nombreux exemples de cette précarité professionnelle, malheureusement liée au congé de maternité et à cette allocation.
Quant aux droits connexes garantis par l'État, leur réforme est urgente : d'une part, ils sont inéquitables ; d'autre part, la crainte de perdre le statut qui permet de les obtenir est un réel frein à l'emploi.
Je vous l'ai dit, ce texte est un premier pas. Il sera suivi d'autres réformes. Les travaux des missions parlementaires en constitueront le fondement.
Tel qu'il vous est aujourd'hui proposé, ce projet de loi est équitable, car il instaure des droits et des devoirs identiques pour tous les allocataires.
C'est un texte efficace, qui permettra aux bénéficiaires des mesures annoncées d'en profiter tout de suite. Nous n'avons pas le droit de les faire attendre trop longtemps, qu'il s'agisse de la réforme de l'intéressement ou de la prime de 1 000 euros.
Tous les partenaires, les élus, les associations membres du Conseil national de lutte contre l'exclusion, qui ont été réunis le 16 septembre sous l'égide du Premier ministre - vous étiez présent, monsieur le rapporteur -, l'ont répété : aider au retour à l'emploi est la condition absolue pour sortir de la précarité.
Tous ensemble, nous n'avons qu'une obligation : réussir !