Séance en hémicycle du 25 janvier 2006 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à quinze heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'ai le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs le fait que j'ai été avisé du décès de Paul Alduy, qui fut sénateur des Pyrénées-orientales de 1983 à 1992, et de celui de Luc Dejoie, qui fut sénateur de la Loire-Atlantique de 1983 à 2001.

En notre nom à tous, j'exprime ma sympathie attristée à leurs familles, et notamment à notre collègue M. Jean-Paul Alduy.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. Mes chers collègues, M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, m'a informé que le Gouvernement retirait de l'ordre du jour de demain soir l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour de la séance de demain, jeudi 26 janvier, s'établit donc ainsi :

À 9 h 30, l'après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission centrale de classement des débits de tabac.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Conseil de la Choura du Bahreïn, conduite par son président, M. Faisal Al-Mousawi.

C'est l'occasion pour moi de saluer les représentants d'un pays ami, avec lequel nous entretenons des relations de plus en plus étroites.

Vous savez, monsieur le président, tout l'intérêt que la France porte au Royaume de Bahreïn, qui a lancé ces dernières années un remarquable processus d'ouverture et de réforme en profondeur de ses institutions politiques, avec l'esprit d'ouverture et de tolérance qui caractérise votre pays et que nous apprécions tout particulièrement.

Cher président, vous pouvez compter sur notre Haute Assemblée pour veiller attentivement à la promotion de notre coopération interparlementaire.

Je forme des voeux pour que votre séjour en France soit aussi fructueux qu'instructif. Je ne doute pas qu'il annonce beaucoup d'autres échanges entre nos deux peuples.

Mme la ministre déléguée, Mmes et messieurs les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, mes chers collègues, la nuit dernière, à la suite d'une demande du groupe CRC et du groupe socialiste tendant à la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, un vote a eu lieu.

Il a été indiqué que le groupe du RDSE n'avait pas pris part au vote. Or, en réalité, MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et moi-même, favorables à la demande de discussion immédiate, souhaitions voter pour.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement.

Je souhaite, en préalable à la discussion qui va s'ouvrir sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, souligner trois faits inacceptables, qui démontrent l'affaiblissement du rôle du Parlement, le mépris affiché à son égard, et le déni de tout pouvoir d'intervention et de contrôle réel de la part de l'opposition.

Le premier point concerne la modification de l'ordre du jour de demain qui vient de nous être annoncée et qui reporte l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Le deuxième point porte sur le fait que, une nouvelle fois - et je le regrette -, le Gouvernement et sa majorité sénatoriale, main dans la main, ont repoussé une demande de discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, qui émanait de l'opposition.

Alors que, contrairement à l'Assemblée nationale, les groupes minoritaires au Sénat ne disposent d'aucune maîtrise de ce qu'il est convenu d'appeler leur « niche parlementaire », la majorité s'est non seulement opposée au fond, c'est-à-dire au droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales, mais a même refusé d'engager le débat.

La droite a fermé le verrou à double tour et s'est alignée sur la position du garde des sceaux, qui a conclu son intervention par ces propos, sommets de l'art oratoire : « L'heure est venue d'aller nous coucher et non point de voter ».

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, je souhaite que la conférence des présidents de demain mette un terme à cet arbitraire, qui confère à l'actuelle majorité un pouvoir absolu.

Le troisième point a trait à l'attitude du Gouvernement. En effet, celui-ci dépose de plus en plus fréquemment des amendements de dernière minute, qui modifient en profondeur les projets de loi en discussion. J'espère vivement que la conférence des présidents émettra une ferme protestation à ce sujet.

Ainsi, aujourd'hui même, alors que la commission des affaires sociales examinait les amendements déposés sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, le Gouvernement a déposé un amendement qui vise à faire exploser encore un peu plus la précarité.

Ce « cavalier » - c'est en effet ainsi que cela s'appelle en langage parlementaire - a pour objet d'autoriser le Gouvernement à créer, par ordonnance, un contrat de transition professionnelle, le CTP, qui se substituerait à la convention de reclassement personnalisé créée par la loi du 18 janvier 2005.

Ces faits, auxquels il faut ajouter l'accélération du débat sur le contrat première embauche à l'Assemblée nationale, démontrent la volonté antidémocratique du Gouvernement d'imposer à marche forcée des projets de destruction du code du travail que la population rejette.

Le principe républicain de la séparation des pouvoirs assigne au Parlement la fonction de législateur. Le Gouvernement ne l'accepte décidément plus. Nous saurons porter fortement ces préoccupations en conférence des présidents, demain.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Muzeau.

J'ai moi aussi fait part de mon irritation devant ces amendements déposés par le Gouvernement à la dernière minute.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Monsieur le président, mon rappel au règlement est de même nature que celui de mon collègue Roland Muzeau. À mon tour, je souhaite insister tout particulièrement sur les amendements qu'a déposés le Gouvernement sur le texte que nous allons maintenant examiner et qui sont parvenus à la commission des affaires sociales à la dernière minute, sans que nous ayons eu le temps de pouvoir les étudier.

C'est particulièrement vrai s'agissant de l'amendement relatif au CTP. Il s'agit manifestement d'un cavalier, qui n'a rien à voir avec le projet de loi d'origine, que le rapporteur nous a présenté comme un texte technique pour lequel aucune audition n'était nécessaire.

Pour notre part, nous avons procédé à des auditions : nous avons ainsi entendu toutes les personnes responsables, et les personnes concernées par ce texte, et nous nous trouvons confrontés à ce cavalier. Il est d'ailleurs véritablement scandaleux - je pèse mes mots, monsieur le président - que ce dispositif soit mis en place par ordonnance. L'urgence étant déclarée sur ce texte, cela signifie que l'Assemblée nationale ne pourra pas se prononcer sur cet article et qu'il reviendra à la commission mixte paritaire de statuer en dernier ressort. C'est dénier ses droits à la représentation parlementaire, c'est bafouer les parlementaires, qui doivent pouvoir jouer le rôle qui est le leur. Si l'on estime que nous ne sommes là que pour entériner les décisions du Gouvernement, il faut nous le dire ! Auquel cas, nous ne perdrons pas notre temps à essayer d'argumenter, monsieur le président.

Nous présenterons tout à l'heure une motion de renvoi à la commission. Elle est d'autant plus justifiée qu'il serait nécessaire que nous puissions débattre de tout cela tranquillement et dans de bonnes conditions.

J'ajoute que cette méthode me semble quelque peu contradictoire avec les recommandations du Conseil constitutionnel - mais on peut bien sûr ne pas en tenir compte.

Concernant le CPE, nous avions défini un programme de travail, fixé le calendrier de nos auditions et établi notre rythme de travail. Il était prévu que M. le ministre de l'emploi soit auditionné. Il faudra désormais procéder à la va-vite, à une date encore inconnue.

Il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions. La commission des affaires sociales, comme les autres commissions, travaille énormément sur des textes très importants. Elle doit être respectée.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (nos 118, 161).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun le sait, l'emploi est probablement notre préoccupation et notre priorité absolue communes, et le Premier ministre en a fait une volonté d'action. Cette priorité vise tout particulièrement les personnes les plus éloignées de l'emploi.

Aujourd'hui, plus de 6 millions de personnes, soit 10 % de la population, vivent des minima sociaux. Et 400 000 personnes sont au RMI depuis plus de cinq ans.

C'est dire si les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent pas. Se contenter de verser un minimum social, c'est en quelque sorte entretenir cette exclusion.

Nul ne peut accepter que le RMI, l'allocation parent isolé, l'API, ou l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, deviennent un statut, une fin en soi.

Dans notre société, chacun a besoin d'être reconnu. L'emploi participe de cette reconnaissance à laquelle chacune et chacun d'entre nous a droit.

Nous avons le devoir d'inciter activement à reprendre un emploi toutes les personnes qui en sont aujourd'hui éloignées. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, conformément au plan de cohésion sociale, de lancer une réforme globale des minima sociaux.

Ce projet de loi, qui en est une étape, vise à la refonte de l'intéressement.

D'autres réformes restent à faire, concernant l'accompagnement vers l'insertion et les avantages complémentaires attribués par l'État - c'est ce que l'on appelle les « droits connexes ». Elles sont à l'étude.

Je voudrais tout particulièrement saluer l'oeuvre accompli au sein de votre assemblée tant par le groupe de travail animé par Mme Létard que par la mission temporaire menée par les présidents Henri de Raincourt et Michel Mercier.

M. André Dulait applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Par une proposition de loi « inspirée » !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Le Parlement est dans son rôle ! Le Gouvernement aura à coeur de travailler avec les parlementaires sur ce sujet.

Le texte qui vous est soumis aujourd'hui vise à réformer les dispositifs destinés à assurer l'attractivité financière du retour à l'emploi.

Les dispositifs d'intéressement actuels - la notion d'intéressement est d'ailleurs peu claire pour nombre de nos concitoyens - sont malheureusement un échec. En 2005, seuls 11, 5 % des allocataires du RMI en bénéficiaient, et leur nombre est en baisse constante.

Il existe deux raisons principales à cet échec : d'une part, les dispositifs sont trop complexes et mal compris, tant par les bénéficiaires que par les travailleurs sociaux ; d'autre part, le montant des avantages consentis n'est pas assez incitatif à la reprise d'un emploi. En effet, dans bien des cas, celle-ci s'accompagne d'une réduction des revenus du foyer ou, au mieux, d'une stagnation de ces derniers.

Est-il normal que les revenus de l'assistance soient, dans certains cas, supérieurs aux revenus du travail ? Voilà l'une des questions de fond qui se pose aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Est-il normal que les revenus du travail soient si bas ? Là est la question !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

La réforme que nous proposons présente donc trois caractéristiques.

Premièrement, le mécanisme retenu incite à la reprise d'un emploi dans tous les cas. L'idée est que chaque heure travaillée apporte un gain, et que ce gain soit plus attractif que celui de l'assistance.

Deuxièmement, ce mécanisme est simple, lisible et équitable. Pour les trois minima sociaux que sont le RMI, l'ASS et l'API, il se présente sous la forme de primes forfaitaires et non plus sous la forme d'un cumul dégressif, difficile à calculer. L'idée est d'en améliorer la lisibilité pour le bénéficiaire, qui, au moment où il va reprendre son emploi, peut savoir tout seul ce qui constituera son revenu.

Troisièmement, c'est un mécanisme sécurisant. La personne qui reprend un emploi cumule intégralement pendant trois mois son nouveau revenu et son minimum social, afin de pouvoir faire face aux divers frais - transport, habillement, frais de garde, ... - auxquels on peut être exposé lorsque l'on recommence à travailler.

La réforme vise à encourager les emplois d'une durée supérieure à un mi-temps, c'est-à-dire ceux qui permettent d'assurer l'autonomie financière des familles et leur sortie de la précarité.

Elle concernera plus des trois quarts des allocataires du RMI en intéressement, plus de 80 % des bénéficiaires de l'API et 60 % des bénéficiaires de l'ASS.

Toute personne qui reprendra un emploi d'une durée supérieure à un mi-temps cumulera pendant les trois premiers mois son salaire et son allocation, puis recevra pendant les neuf mois suivants une prime forfaitaire de 150 euros, majorée de 75 euros pour les familles. Enfin, elle percevra une prime de 1 000 euros au quatrième mois suivant l'embauche.

Plusieurs questions ont été soulevées au cours de vos débats. À cet égard, je voudrais féliciter M. le rapporteur ainsi que la commission du travail qu'ils ont effectué. Je sais que nous aurons à revenir sur cette prime et, surtout, sur le moment de son versement.

Pour autant, je tiens à dire que, dans tous les cas, une personne reprenant un emploi verra immédiatement son revenu augmenter en raison du cumul du RMI et de son salaire.

J'ajoute que toute personne retravaillant 78 heures par mois au cours de cette période bénéficiera de cette prime, même si elle n'a pas nécessairement travaillé 78 heures chaque mois. Il importe seulement que cette moyenne soit atteinte.

Le cas des travailleurs frontaliers est également important. Bien sûr, toute personne travaillant à l'étranger bénéficiera de cette prime à la reprise d'activité.

Si une personne reprend un emploi d'une durée inférieure à un mi-temps, son salaire est insuffisant pour sortir des minima sociaux. Pourtant, il est important de l'accompagner dans sa démarche. Pour cette raison, elle continuera donc de percevoir une allocation différentielle.

Dans ce cas, les primes forfaitaires ne seront pas versées, car elles réduiraient le revenu. Aussi, il sera possible de cumuler intégralement son allocation et son salaire durant les trois premiers mois. Sur le reste de l'année, c'est le différentiel qui sera versé.

L'effet incitatif de ces nouvelles primes est renforcé par les mesures introduites par la loi de finances de 2006.

La prime pour l'emploi est augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps. Elle sera de surcroît versée mensuellement.

Un crédit d'impôt de 1 500 euros est instauré au bénéfice notamment des titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui seront amenés à déménager à plus de deux cents kilomètres pour reprendre un travail.

Chacun sait par ailleurs que l'absence de solutions pour la garde des enfants constitue l'un des principaux obstacles à la reprise d'un emploi. Pour cette raison, les parents isolés qui reprennent un emploi ou les familles dont les deux parents travaillent bénéficieront d'une aide pour faire garder leurs enfants.

Je sais que cette question fait débat. Nous y reviendrons tout au long de la discussion. J'indique néanmoins d'ores et déjà que le Gouvernement a pris des mesures pour développer les modes de garde. Le Premier ministre a annoncé la création de 15 000 places de crèche supplémentaires, le doublement du crédit d'impôt dont bénéficient les familles pour les frais de garde des enfants de moins de six ans hors du domicile familial.

Cette réforme des minima, qui est une première étape, devrait coûter 240 millions d'euros, qui seront intégralement pris en charge par l'État.

Les paramètres de la réforme ont été définis de manière qu'elle n'induise aucun coût supplémentaire pour les conseils généraux. Le nouveau dispositif aura même pour eux un coût légèrement inférieur à l'ancien.

En outre, cette réforme, en raison du retour à l'emploi qui s'ensuivra, fera baisser leurs charges. Nous en attendons de moindres dépenses pour eux-mêmes s'agissant du RMI, et pour l'État s'agissant de l'API et de l'ASS, ainsi qu'un surcroît de recettes pour la sécurité sociale.

Le versement des primes, quant à lui, sera organisé de la façon suivante : dans un souci de simplicité, la prime de 1 000 euros sera attribuée par l'organisme qui verse le minimum social, à savoir la caisse d'allocations familiales ou la caisse de la mutualité sociale agricole pour les titulaires du RMI ou de l'API, et l'ASSEDIC pour les personnes titulaires de l'ASS.

La prime mensuelle de 150 ou de 225 euros sera financée par les conseils généraux pour les allocataires du RMI, et par l'État pour les bénéficiaires de l'API et de l'ASS.

Toutes ces primes seront incessibles, insaisissables et exonérées d'impôts. Elles ne seront bien sûr pas prises en compte pour établir la base ressource qui permet d'obtenir la part différentielle du minimum social.

Ce texte a été enrichi par l'Assemblée nationale. Les députés ont souhaité que, parallèlement aux droits attachés aux minima sociaux, soient rappelés les devoirs s'imposant à ceux qui en bénéficient.

Ils ont ainsi réformé le régime des sanctions applicables en cas de fraude. Ces sanctions existaient, mais elles étaient injustes, difficilement applicables et trop sévères. Par souci d'équité, l'Assemblée nationale les a harmonisées et a fait preuve de réalisme en prévoyant la possibilité d'amendes administratives, atténuées et moins lourdes à mettre en place que les poursuites pénales.

Le projet de loi comporte enfin des dispositions diverses, parce que le retour à l'emploi passe aussi par l'insertion par l'activité économique, dont chacun d'entre nous sait qu'elle est souvent un sas permettant aux uns et aux autres de se reconstruire avant de revenir réellement sur le marché du travail.

Ce texte a pour objet d'améliorer les conditions de mise oeuvre des chantiers d'insertion en aménageant les contrats d'avenir qui pourraient maintenant varier de vingt à vingt-six heures. Cela fait suite à une concertation et à des discussions que nous avons menées avec les associations concernées.

Les chantiers d'insertion permettent à de très nombreuses personnes qui rencontrent des difficultés sociales ou professionnelles, et qui sont vraiment très éloignées de l'emploi, d'améliorer leurs compétences afin de pouvoir revenir sur le marché du travail. Nous serons unanimes, je crois, pour rendre hommage au travail réalisé par les associations et les chantiers d'insertion.

Le projet de loi assouplit également le régime des contrats aidés pour les rendre plus simples d'utilisation.

Enfin, concernant les conditions d'attribution du RMI, de nombreux élus, notamment ceux des régions frontalières, ont attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'un meilleur encadrement, par la loi, de l'attribution de l'allocation aux étrangers.

Ne pourront désormais prétendre au RMI que les ressortissants de l'Espace économique européen et ceux de l'Union européenne qui résident en France depuis plus de trois mois. Cette condition, conforme aux directives européennes, permettra de mettre les départements à l'abri d'un afflux potentiellement non maîtrisé de demandes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous savons tous qu'il faudra aller plus loin, s'agissant notamment de l'appui aux allocataires et des droits connexes garantis par l'État.

Un appui personnel prenant en compte les difficultés sociales et les projets professionnels est l'élément clé d'une insertion réussie.

Cet appui à la démarche de recherche d'emploi existe déjà pour les allocataires de l'ASS, et les missions confiées par l'État au service public de l'emploi doivent être poursuivies.

De même, les départements ont intensifié les efforts d'accompagnement social et professionnel des allocataires du RMI dès que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales leur en a confié l'entière compétence. Chacun a pu voir quelle était leur mobilisation.

En revanche, cet appui, notamment l'appui à la démarche d'insertion professionnelle, doit être renforcé pour les allocataires de l'API.

Nous pouvons tous citer de nombreux exemples de cette précarité professionnelle, malheureusement liée au congé de maternité et à cette allocation.

Quant aux droits connexes garantis par l'État, leur réforme est urgente : d'une part, ils sont inéquitables ; d'autre part, la crainte de perdre le statut qui permet de les obtenir est un réel frein à l'emploi.

Je vous l'ai dit, ce texte est un premier pas. Il sera suivi d'autres réformes. Les travaux des missions parlementaires en constitueront le fondement.

Tel qu'il vous est aujourd'hui proposé, ce projet de loi est équitable, car il instaure des droits et des devoirs identiques pour tous les allocataires.

C'est un texte efficace, qui permettra aux bénéficiaires des mesures annoncées d'en profiter tout de suite. Nous n'avons pas le droit de les faire attendre trop longtemps, qu'il s'agisse de la réforme de l'intéressement ou de la prime de 1 000 euros.

Tous les partenaires, les élus, les associations membres du Conseil national de lutte contre l'exclusion, qui ont été réunis le 16 septembre sous l'égide du Premier ministre - vous étiez présent, monsieur le rapporteur -, l'ont répété : aider au retour à l'emploi est la condition absolue pour sortir de la précarité.

Tous ensemble, nous n'avons qu'une obligation : réussir !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, dans le cadre de sa « bataille pour l'emploi », le Premier ministre s'est engagé à lever les obstacles à la reprise d'activité pour les bénéficiaires de minima sociaux. Pour atteindre cet objectif, le présent projet de loi emprunte deux voies : l'amélioration des incitations financières à la reprise d'activité et la mise en place de mesures destinées à résoudre les difficultés concrètes qui freinent le retour à l'emploi.

Pour améliorer les incitations financières à la reprise d'activité, le Gouvernement a choisi de perfectionner un instrument ancien mais dont l'efficacité est aujourd'hui réduite en raison de sa trop grande complexité : il s'agit des dispositifs de cumul entre salaire et minima sociaux, autrement appelés « dispositifs d'intéressement ».

Aujourd'hui, le mode de calcul de l'allocation différentielle à laquelle peut prétendre un allocataire reprenant un emploi est tellement opaque qu'il faudrait être actuaire pour pouvoir prédéterminer le montant de cette allocation. Pour certains ménages fragilisés, il est même plus prudent de préférer les revenus d'assistance, dont le montant a au moins le mérite d'être connu à l'avance.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit désormais un dispositif plus simple : une prime de retour à l'emploi de 1 000 euros et des primes mensuelles forfaitaires. Les bénéficiaires pourront alors anticiper beaucoup plus facilement l'évolution de leurs ressources.

L'objectif est naturellement de favoriser une réinsertion professionnelle durable. C'est la raison pour laquelle un soutien renforcé est apporté aux emplois offrant un temps de travail et une durée d'activité suffisante, soit 78 heures par mois pendant au moins quatre mois.

En deçà de ces deux seuils, le système du cumul entre salaire et allocation sera toutefois amélioré, de façon à rendre progressif l'intéressement en fonction du temps de travail. De cette façon, ceux qui ne se voient proposer que des emplois à temps très partiel ne rencontreront pas d'obstacles financiers s'ils ont l'occasion de pouvoir accroître leur temps de travail.

Pour consolider l'insertion professionnelle, le projet de loi prévoit enfin d'aider les bénéficiaires à faire face aux frais qui accompagnent le retour à l'emploi.

La prime de retour à l'emploi, créée en août dernier, est donc pérennisée et même étendue, puisque toute condition d'ancienneté au chômage pour en bénéficier est supprimée. Elle correspond à un effort financier supplémentaire de l'État de 240 millions d'euros.

Le Gouvernement craint toutefois que le montant important de la prime - 1 000 euros - ne constitue une tentation pour les fraudeurs. C'est pourquoi son versement n'interviendra qu'après quatre mois révolus d'activité. Pour des raisons identiques, un même bénéficiaire ne pourra percevoir une nouvelle prime au titre d'une nouvelle embauche - si la première embauche s'avère restreinte ou infructueuse - qu'après un délai de dix-huit mois.

Quel sera l'impact de cette réforme sur le pouvoir d'achat des bénéficiaires ? La réponse à cette question ne peut qu'être nuancée.

Si l'on s'attache aux seules primes forfaitaires, force est de constater que, dans certaines configurations familiales, le gain apporté par l'intéressement « nouvelle formule » sera plus faible qu'aujourd'hui. Mais l'écart constaté est presque toujours comblé lorsque l'on tient compte de la prime de 1 000 euros et de la réforme de la prime pour l'emploi.

Par ailleurs, il serait réducteur de n'apprécier cette réforme que sous son seul aspect financier. La lisibilité du nouveau dispositif compense, selon moi, le fait que le gain attendu soit parfois un peu plus faible.

Pour ces motifs, la commission des affaires sociales estime que la réforme proposée va dans le bon sens. Deux points pourraient toutefois être améliorés.

Premier point, le versement tardif - quatre mois après la reprise d'activité - des 1 000 euros risque de faire manquer à la prime son but : il intervient en effet trop tard pour aider réellement le bénéficiaire à faire face à ses frais de retour à l'emploi. J'estime en outre que reporter ainsi le versement de la prime ne découragera en rien les abus.

C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de prévoir un versement immédiat de la prime. Cela ne signifie d'ailleurs pas qu'il faille l'attribuer à tous sans condition de durée d'activité. La règle des quatre mois minimum d'activité peut tout à fait être maintenue, mais cette obligation sera supposée remplie pour les personnes qui retrouvent un emploi en CDI ou en CDD et en intérim de plus de quatre mois.

Je voudrais tempérer les craintes de fraude. Verser la prime dès la reprise d'activité suppose effectivement de faire confiance ; mais c'est cette confiance qui légitime un contrôle a posteriori plus sévère.

J'en viens au second point d'amélioration possible de la réforme proposée. La fin de l'intéressement s'accompagne d'une réduction brutale et significative des revenus à l'issue de cette période. Cette difficulté est inhérente au dispositif d'intéressement, qui ne peut en effet qu'être temporaire. Toute autre solution serait inéquitable pour les personnes qui perçoivent le même revenu d'activité sans être passées par les minima sociaux, sauf à mettre en place un dispositif de soutien généralisé aux bas salaires. Mais alors, un autre écueil apparaît : il ne faudrait pas encourager les entreprises à se décharger sur l'État de leur responsabilité d'assurer un revenu décent à leurs salariés.

Prenant acte du caractère temporaire de l'intéressement, la commission des affaires sociales avait pensé en atténuer les effets pervers en mettant en place une sortie « en sifflet » de ce dispositif. Mais elle y a renoncé, estimant qu'un tel mécanisme nuirait finalement à sa lisibilité et donc à son efficacité. C'est la raison pour laquelle elle a opté pour la création d'une prime de sortie de l'intéressement, d'ailleurs plus conforme à l'esprit du texte.

Dans un deuxième temps, le projet de loi s'attache à lever un obstacle très concret au retour à l'emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux, celui de l'accès à un mode de garde pour leurs enfants.

Le projet de loi initial prévoyait une priorité d'accès en crèche pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi. L'Assemblée nationale a jugé ce dispositif peu opérationnel et lui a préféré un mécanisme de « places garanties » reposant, au cas par cas, sur la mobilisation soit de places réellement mises en réserve, soit de places d'accueil en surnombre.

La commission des affaires sociales ne mésestime pas les difficultés qui entourent la mise en oeuvre concrète de ce dispositif, surtout dans un contexte de pénurie de places d'accueil en crèche. Reconnaissons toutefois à nos collègues députés un mérite : la solution qu'ils proposent fait davantage appel à la mobilisation des acteurs locaux.

Ce préalable étant posé, la commission considère que le mécanisme d'accès préférentiel retenu est incomplet, car il ne s'adresse qu'à des parents ayant déjà retrouvé un emploi. Or l'impossibilité de faire garder ses enfants peut pénaliser la recherche d'emploi elle-même. La commission souhaite donc inciter les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire dans ce dernier cas.

Tel était le périmètre initial de ce projet de loi. Mais l'Assemblée nationale en a très largement élargi l'objet : sur l'initiative de son rapporteur, elle a d'abord souhaité harmoniser les sanctions prévues en cas de fraude aux minima sociaux.

Ces sanctions sont actuellement très disparates, parfois disproportionnées et le plus souvent largement inappliquées en raison même de certains excès. Dans 75 % des cas, les plaintes des caisses d'allocations familiales sont classées sans suite. Désormais, la fraude sera punie de 4 000 euros d'amende, le double en cas de récidive. Afin d'offrir une alternative aux sanctions pénales, souvent lourdes à mettre en oeuvre, un régime d'amendes administratives, d'un montant maximum de 3 000 euros, a été créé.

La commission des affaires sociales considère qu'il ne faut pas voir dans ces mesures une volonté de stigmatiser les bénéficiaires de minima sociaux : l'existence d'un contrôle relève en effet d'un impératif de justice sociale. Elle vous propose donc simplement quelques amendements pour harmoniser les garanties de procédure applicables aux différentes prestations.

Sur l'initiative du Gouvernement cette fois, l'Assemblée nationale a également apporté une nouvelle série de modifications ponctuelles aux règles applicables au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité, le CI-RMA.

Il est ainsi proposé, pêle-mêle, de prévoir une durée minimale spécifique pour les contrats d'avenir conclus avec une personne bénéficiant d'un aménagement de peine, de supprimer la limitation apportée au nombre de ses renouvellements, d'ouvrir une exception à la durée hebdomadaire de travail des titulaires en cas d'embauche par un chantier d'insertion ou encore d'autoriser la signature de CI-RMA à durée indéterminée.

Notons également la suppression de l'agrément préalable des candidats au recrutement par les chantiers d'insertion lorsque le contrat envisagé est un contrat d'avenir ou un CI-RMA et l'ouverture de ces deux contrats à tous les allocataires de minima sociaux, sans condition d'ancienneté dans ces dispositifs.

La commission approuve l'ensemble des réformes proposées par ce texte. Mais celui-ci ne représente que la première étape d'une réforme nécessairement plus globale de l'ensemble des minima sociaux.

En effet, au-delà de la question de l'articulation entre minima sociaux et revenus d'activité traitée par ce projet de loi, une véritable réforme des minima sociaux devrait, à mon sens, prendre en compte deux autres aspects.

D'abord, l'harmonisation des droits connexes attachés au bénéfice des minima sociaux est indispensable pour rétablir l'équité entre les différents types d'allocataires et entre ceux-ci et ce qu'il est convenu d'appeler les « travailleurs pauvres ». Elle doit également être l'occasion de modifier leurs conditions d'attribution, afin qu'ils soient non plus un frein au retour à l'emploi mais au contraire un élément de sécurisation du parcours d'insertion.

Ensuite, l'accompagnement professionnel et social des bénéficiaires de minima sociaux, qui n'existe aujourd'hui de façon systématique que pour les bénéficiaires du RMI, devrait être généralisé.

Deux propositions de loi, inspirées respectivement par les travaux de notre groupe de travail sur les minima sociaux, présidé par Valérie Létard, et par le rapport remis en décembre dernier au Premier ministre par Michel Mercier et Henri de Raincourt devraient prochainement être déposées sur le bureau du Sénat. Il nous reviendra de veiller, à l'occasion de l'examen de ces deux textes, à la mise en cohérence globale du système français des minima sociaux, dont l'ambition est beaucoup plus vaste que celle du texte que nous examinons aujourd'hui.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi, complété par les amendements que je vous présenterai en son nom.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Georges Mouly.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bataille pour l'emploi, obstacles à lever, incitation, activation des minima sociaux... Qui ne souscrirait à de tels objectifs ?

Pour le Conseil national de lutte contre l'exclusion, aider au retour à l'emploi est la condition absolue pour sortir de la précarité. Les initiatives du Gouvernement ne manquent pas pour y parvenir. Elles méritent d'être saluées, madame la ministre, même si elles ne sont pas toujours, tant s'en faut, claires et lisibles. J'y reviendrai. À cet égard, j'ai en mémoire l'intervention de notre collègue Mme Sylvie Desmarescaux ce matin en commission.

Pour l'heure, nonobstant les critiques qui peuvent être formulées contre le projet de loi qui nous est proposé, aucune de ses mesures ne pourrait nous conduire, selon moi, à son rejet.

Je n'ai pas cru, en d'autre temps, pouvoir m'opposer à l'adoption des dispositions visant à créer les emplois-jeunes, dont la durée était limitée et les problèmes prévisibles bien connus. Mais - pardonnez-moi une expression un peu simpliste - c'était mieux que rien ! Tous les efforts en vue du retour à l'emploi doivent être soutenus, y compris ceux qui sont accomplis aujourd'hui dans des conditions tout à fait différentes.

Toutefois, madame la ministre, la démarche actuelle aurait dû se situer dans le cadre d'une réforme plus globale des minima sociaux et de leurs droits connexes. Le rapport de MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt, ainsi que celui, attendu, de notre excellente collègue Valérie Létard se situent dans cette perspective.

Doit-on pour autant parler de précipitation ? Je ne le pense pas. Cela étant, je crains plutôt que nous n'ayons quelques difficultés à aboutir à une forte cohérence et, je le disais à l'instant, à une claire lisibilité en la matière.

S'agissant de la lisibilité, je rappellerai la liste des contrats possibles, et sans doute en oublierai-je certains compte tenu de leur nombre : le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, le contrat d'aide à l'emploi, le contrat d'insertion en entreprise - rénové -, le contrat jeune en entreprise, le contrat de professionnalisation, le contrat nouvelles embauches ou CNE, le contrat d'avenir, le contrat insertion-revenu minimum d'activité, ou CI-RMA, ces deux derniers faisant l'objet de modifications ponctuelles au sein du présent projet de loi.

Certes, ces dispositifs ne sont pas mauvais, et j'entends bien qu'ils visent à cibler au mieux des situations elles-mêmes très diverses de nos concitoyens en difficulté et en recherche d'emploi.

Il n'empêche - et c'est une considération que je vous livre en cet instant - que ce manque de lisibilité reflète, au fond, d'une façon plus globale et plus générale, la situation que nous connaissons en ce moment. Le système actuel est d'une extrême complexité, ainsi que l'a souligné en commission notre excellent rapporteur, Bernard Seillier, et cela conduit à un relatif échec.

Je comprends bien qu'une personne puisse, par prudence, préférer conserver le revenu d'assistance, qui est plus sûr parce que son montant est connu d'avance.

Cela m'amène à souligner la pertinence à mes yeux des « maisons de l'emploi », à guichet unique, qu'il me paraît souhaitable de généraliser, à l'image des maisons départementales des personnes handicapées. Où en est-on à cet égard, madame la ministre ?

Par ailleurs, le rapprochement entre l'ANPE et les ASSEDIC, qui est prôné par le Gouvernement, est-il suffisamment généralisé ? Si j'en crois une information diffusée par la radio avant-hier, c'est loin d'être le cas !

Mme Raymonde Le Texier s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Mouly

Je ne m'attarderai pas sur le texte du projet de loi, qui a été parfaitement présenté, de même que les propositions d'amendements, si ce n'est pour en approuver les trois principes : premièrement, les mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité plus simples et plus lisibles ; deuxièmement, pour une réinsertion professionnelle durable, la croissance de l'intéressement en liaison avec le temps de travail et la durabilité de l'emploi ; troisièmement, les aides aux bénéficiaires de minima sociaux reprenant une activité professionnelle qui ont à faire face à des frais parfois importants - c'est l'objet de la prime de retour à l'emploi.

Comme je l'ai indiqué, le texte prévoit d'apporter des modifications aux contrats d'avenir et aux CI-RMA. Ces dernières peuvent concerner, entre autres, les chantiers d'insertion, les structures d'insertion par l'économique. A cet égard, madame la ministre, je rappellerai la situation des entreprises d'insertion pour l'aide à la personne.

Avant d'être une entreprise d'insertion, la structure associative porteuse de ce service a fonctionné sous forme dérogatoire pendant de nombreuses années. Il a bien fallu qu'elle se mette en règle, et nous avons assisté à la création d'une entreprise d'insertion agréée. Mais assurer auprès des personnes âgées, entre autres services, les gardes de nuit et de week-end, n'est pas un exercice facile, en particulier s'il est accompli par des personnes fragilisées humainement et socialement.

Or, l'association porteuse de l'entreprise d'insertion est financièrement pénalisée comparativement à la situation antérieure. Dans cette dernière, en effet, les contrats emploi-solidarité, ou CES, et les contrats emplois consolidés, ou CEC, étaient exclus du calcul des effectifs. Les contrats d'insertion, eux, ne le sont pas, d'où 3 400 euros supplémentaires par an de taxe sur les salaires, ce qui n'est pas rien pour une association !

Le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux par l'entreprise d'insertion se trouve ainsi pénalisé, d'autant que, aujourd'hui, la rémunération versée aux titulaires de contrat d'insertion par l'activité - dans les départements d'outre-mer, il est vrai - est exonérée de la taxe sur les salaires.

Je ne pouvais pas, madame la ministre, ne pas m'arrêter sur ce point. Cela n'occulte cependant pas, à mes yeux, l'intérêt des diverses mesures prévues par le présent texte en termes de possibilités de cumuls - primes, mesures en faveur des jeunes pour l'emploi, crédit d'impôt, prise en considération du travail à mi-temps - auxquelles on ne saurait que souscrire ; même si l'ensemble revêt toujours quelque complexité, ainsi que M. le rapporteur l'a souligné en commission, je reconnais que les problèmes en question ne sont pas simples.

Madame la ministre, si je me réfère au vécu sur le terrain en la matière, la nécessité d'assurer un accompagnement du demandeur d'emploi s'impose comme une évidence. C'est en effet le meilleur moyen d'aider ce dernier à s'engager dans un parcours durable. Cela plaide une nouvelle fois, me semble-t-il, pour une part du moins, en faveur de la pertinence des « maisons de l'emploi », au sein de laquelle des référents pourraient être trouvés.

Je relèverai un aspect particulier du projet de loi, à savoir la volonté de lever un obstacle au retour à l'emploi par l'accès à un mode de garde pour les enfants. Beaucoup a été dit, et M. le rapporteur a insisté sur ce point. A l'évidence, la mise en oeuvre d'une telle volonté n'est pas aisée.

A cet égard, je livrerai d'abord la réflexion suivante : l'admission en maternelle des enfants de deux ans ne serait-elle pas, pour partie, une solution ? La chose, qui est possible en certains endroits du territoire, notamment dans mon département, ne l'est pas ailleurs. Ne pourrait-on pas institutionnaliser cette possibilité ?

Ensuite, je souhaite fournir, en toute modestie, un témoignage. Dans mon département, nous avons mis en place récemment un système connaissant déjà un grand succès : il s'agit d'une structure d'accueil itinérante - des véhicules aménagés et un personnel qualifié proposant des jeux et des temps d'animation - pour les enfants de dix semaines à quatre ans, qui est appelée « Bébé-bus ».

Certes, ce service ne peut être « la » réponse aux besoins des parents en situation d'emploi. Mais ce peut être, dans la périphérie de nos préoccupations d'aujourd'hui, un élément intéressant en vue de permettre à des parents de se rendre, par exemple, à un rendez-vous administratif ou à un rendez-vous lié à la recherche d'emploi.

Je ne reviendrai pas sur le texte tel qu'il a été présenté, sinon pour dire que je l'approuve, parce qu'il est la marque de la volonté du Gouvernement de lutter à tout prix contre le chômage.

Je formulerai cependant un espoir et un souhait, madame la ministre : que l'on prenne dorénavant le temps de faire le bilan des nombreuses mesures qui sont déjà mises en oeuvre. Beaucoup a été mis en chantier. Je me permets d'y insister, faisons en sorte de bien expliquer, de bien informer, afin de mieux mobiliser. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui nécessitera cet effort, mais c'est un premier pas qui en vaut la peine !

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quatre ans, les gouvernements successifs de M. Raffarin et, plus récemment, le gouvernement de M. de Villepin affichent l'emploi au premier rang de leurs priorités.

Régulièrement, le Président Chirac intervient sur son thème de prédilection, la fracture sociale, pour dire aux Français qui sont effectivement victimes de l'aggravation des insécurités sociales et économiques que cette fracture sociale n'est pas une fatalité et que l'Etat agit pour réduire les inégalités.

Or, qu'il s'agisse de la fiscalité, des services publics, de la politique de l'emploi à proprement parler, tous les moyens à disposition ont été utilisés non pas pour agir sur les causes de la pauvreté et de l'exclusion du marché du travail, mais pour asseoir les mutations du capitalisme, la financiarisation de l'économie, au mépris des risques que ces choix emportent, à savoir la généralisation de la précarité, l'amplification du sous-emploi, donc l'aggravation de la misère et le développement du phénomène des travailleurs pauvres.

Telle est aujourd'hui la réalité d'une France qui porte les stigmates de votre politique de baisse du coût du travail et qui compte, selon les experts, entre 1, 2 et 3, 5 millions de travailleurs pauvres percevant des salaires mensuels inférieurs à 600 euros, soit la moitié du SMIC, une France dans laquelle la part des salaires et des prestations sociales en espèces dans le revenu des ménages est plus faible aujourd'hui qu'en 1970.

Telle est notre société, où 6 millions d'individus dépendent des minima sociaux dont le niveau - en l'occurrence celui du RMI - situe la France, sachons-le, dans le bas du tableau, par comparaison avec les autres pays européens.

C'est en pleine connaissance des réalités de notre société de plus en plus duale, de la situation actuelle qui se caractérise par un chômage de masse, que vous opposez dangereusement les smicards, les victimes de cette dévalorisation du travail salarié, qui peinent à vivre de leur travail, aux moins méritants, aux chômeurs, bénéficiaires du RMI, lesquels, avec 425 euros par mois, « profiteraient », à vous écouter, d'un système.

Aux uns, vous expliquez que la hausse du SMIC aurait un effet négatif sur l'emploi non qualifié, préparant ainsi la disparition des mécanismes actuels de fixation du SMIC, tant voulue par le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, et vous proposez de cumuler des miettes d'emploi pour, au final, gagner un vrai salaire.

Aux autres, vous proposez les mêmes miettes partielles d'emploi sous-rémunérées.

Pour tous, vous suggérez de réduire le degré de solidarité, de sécurité, au lieu d'agir de façon contra-cyclique pour véritablement réduire le chômage, redonner de la qualité et du sens au travail.

Comment penser que les personnes privées d'emploi retrouveront un emploi d'autant plus vite que les périodes durant les lesquelles elles sont sûres d'être indemnisées seront courtes, que les salariés seront d'autant plus dociles et appliqués que leurs conditions d'emploi, leur statut seront précaires ?

Pour une majorité d'individus, les potions sont amères, la solidarité devient un privilège et la coercition, la règle. Et ce, alors que, pour d'autres, moins nombreux mais plus nantis, le Gouvernement renforce les impunités, tout en prenant soin d'éviter les « injustices » en assurant un partage des revenus favorable au capital.

Le budget pour 2006 témoigne de ce déséquilibre et d'un parti pris insupportable en faveur des riches qui, gagnant déjà 20 000 euros mensuels, se sont vu offrir, grâce notamment au bouclier fiscal, 10 000 euros supplémentaires, alors que des gens mouraient de froid, comme n'a pas manqué de le déplorer Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités.

C'est pour dénoncer ce même mépris envers les plus pauvres, les mal-logés que, symboliquement, l'Abbé Pierre a occupé, hier, l'Assemblée nationale, où les députés de droite ont relancé l'offensive contre la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, afin d'en abaisser les exigences en terme de logements sociaux.

Nos concitoyens, eux aussi, sont pleinement conscients du décalage constant entre le discours qui se veut socialement rassurant et la dureté des solutions néolibérales qui sont appliquées méthodiquement par ce gouvernement aux travailleurs, aux pauvres, à l'ensemble de la société. C'est d'ailleurs pourquoi deux Français sur trois se disent mécontents de la politique économique et sociale qui est menée.

En ce début d'année, malgré les efforts soutenus du Premier ministre « pour repeindre l'emploi en rose » et rendre crédible l'idée d'une baisse pérenne du chômage, à toutes les questions abordées par le baromètre mensuel de l'institut de sondage BVA pour Les Echos, nos concitoyens répondent majoritairement par le pessimisme.

Les faits sont têtus. Vous pouvez continuer à vous abriter derrière les statistiques, à rechercher la caution d'experts, du très sérieux patron de l'ANPE pour nier vos tours de passe-passe ou l'augmentation des radiations de chômeurs. Vous pouvez omettre de rappeler le poids significatif de la démographie avec les départs à la retraite des générations du baby-boom.

L'évidence s'impose pourtant à chacun : l'économie française reste faiblement créatrice d'emplois et elle en détruit beaucoup.

Par ailleurs, s'il y a moins de chômeurs - moins 5 % entre septembre 2004 et septembre 2005 -, il y a davantage de personnes acculées à vivre avec le RMI - plus 6, 2 % au cours de l'année 2005 en France métropolitaine. Dans mon département, les Hauts-de-Seine, qui est l'un des départements les plus riches de France, l'augmentation du nombre de RMIstes atteint 8 %. C'est le résultat de vos choix privilégiant le traitement libéral du chômage.

Rien de surprenant, alors, que les Français aient le sentiment, à 72 %, que l'avenir de l'emploi reste sombre et, à 75 %, que la croissance gardera en 2006 son faible niveau.

À leurs dépens, ils ont appris le sens négatif donné au mot « réforme ». S'agissant de la protection sociale, en faisant du retour à l'emploi le pivot de toutes vos politiques sociales, vous avez détourné les buts de cette dernière, comme l'analyse la sociologue Catherine Lévy dans son livre Vivre au minimum.

Ainsi, il est désormais question beaucoup plus de protection sociale patronale que de sécurité de chacun face aux aléas de la vie et de protection des salariés face aux aléas du marché du travail.

Au nom de l'emploi, nombre de mesures antisociales ont été imposées aux salariés.

Obsédés par le taux de croissance outre-Atlantique, que vous attribuez à l'augmentation du nombre d'heures travaillées, mais refusant de préciser à qui profiterait l'allongement de la durée du travail, vous avez prétendu assouplir les 35 heures pour permettre à ceux qui souhaitaient « travailler plus de pouvoir gagner plus ». Le piège du chantage à l'emploi, aux délocalisations, s'est refermé sur les salariés de Bosch, d'Hewlett Packard, de Seb, de Fenwick et tant d'autres : désormais, ils travaillent 39 heures, payées 35. Et cela s'accompagne néanmoins de milliers de suppressions d'emploi !

Après le bilan lamentable des gouvernements Raffarin, qui, à la fois par réaction et par intégrisme libéral, avaient supprimé tout ce qui marchait auparavant et avaient décidé de stopper le traitement social du chômage, la loi dite « de cohésion sociale » devait, pour « réveiller une forme de citoyenneté des entreprises, rendre plus efficaces notre politique de l'emploi et son pilotage », selon les termes de M. Larcher, permettre de simplifier les contrats aidés, d'inscrire les personnes les plus fragiles dans un vrai parcours d'insertion, de leur faciliter le retour à l'emploi. Ce que nous retenons de cette réforme, ce sont avant tout les effets d'aubaine, c'est qu'elle a ouvert la porte à la dénaturation des missions des agents du service public de l'emploi, au durcissement et à la systématisation des contrôles et des sanctions des demandeurs d'emploi, et ce alors qu'à peine la moitié des chômeurs sont indemnisés. Depuis, vous n'avez pas avancé en direction du contrat unique d'insertion, bien au contraire, puisque de nouveaux types de contrat aidé ont été ajoutés.

Que dire, par ailleurs, de la loi de M. Borloo relative au développement des services à la personne, elle aussi fortement inspirée du modèle américain, si ce n'est que, une fois encore, elle « s'appuie sur les inégalités », selon le professeur d'économie Jean Gadrey ? Elle offre en outre aux employés du secteur de l'emploi domestique, principalement des femmes, des petits boulots sous-qualifiés à temps partiel, et non des emplois dignes s'accompagnant de perspectives de professionnalisation.

Enfin, le Gouvernement a abrogé certaines dispositions de la loi de modernisation sociale qui visaient à responsabiliser les employeurs en cas de licenciement et a tenté de nous convaincre que ce retour en arrière « participait à l'effort national de cohésion sociale... en renforçant la protection des salariés en cas de licenciement collectif », comme l'a dit notre collègue M. Gournac.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Les craintes que nous exprimions à l'époque de voir ainsi s'ouvrir une brèche légitimant l'adaptation permanente du code du travail et du droit du licenciement aux exigences du marché se sont vite confirmées. Dans la logique de la loi de programmation pour la cohésion sociale, et au-delà de ce qu'ambitionnait le MEDEF dans sa volonté que les entreprises soient autorisées à licencier afin, affirme-t-il, de sauvegarder la compétitivité, la Cour de cassation vient de permettre les licenciements préventifs.

Le MEDEF dit ouvertement vouloir peser sur les décisions publiques à l'horizon de 2007. Il n'aura pas de mal à y parvenir, puisque Thierry Breton promettait avant-hier à 400 de ses amis patrons de gérer la France comme une entreprise. Beau programme ! On mesure déjà la portée des thèses libérales dans l'action du Gouvernement. La sémantique est commune, la complicité indiscutable.

La nouvelle patronne du MEDEF déclare que « la vie, la santé, l'amour sont précaires », et demande : « Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » Cette explication « naturelle » de la précarité arrive à point nommé pour légitimer des politiques toujours moins-disantes socialement. Elle sert également à rendre évidente et indiscutable - impératifs économiques obligent - la prescription de remèdes visant à fluidifier le marché du travail et à abaisser le coût du travail.

Lorsque Nicolas Sarkozy entonne son refrain contre le modèle social français...

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je savais, monsieur Gournac, que cela allait vous plaire : ne vous inquiétez pas, chacun en aura pour son grade !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. Lorsque Nicolas Sarkozy, disais-je, entonne son refrain contre le modèle social français, qu'il prétend responsable des blocages de notre économie parce qu'il pousserait « à la paresse » et créerait les fameuses « trappes à inactivité », son objectif est d'ancrer dans l'opinion publique l'idée selon laquelle la réduction de la solidarité serait une exigence de la relance de l'emploi ; l'insécurité, et non la garantie de l'emploi, serait le passage obligé du dynamisme économique. Ces propos ne font-ils pas écho à la bataille de la « fluidité » chère au patronat, qui ne veut ni plus ni moins qu'« écraser les conformismes pour réenchanter le monde »

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

, en clair, brûler le code du travail pour généraliser des formes atypiques d'emploi et sécuriser les procédures de licenciement au bénéfice du patronat ?

Approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. Henri de Raincourt rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Toujours dans le même sens, et pour faire entrer « le marché du travail dans la modernité », selon les termes de l'actuel Premier ministre - au demeurant plus engagé dans la course présidentielle que dans la bataille pour le plein emploi de qualité -, mais également en raison de l'urgence de la situation, est né cet été le contrat nouvelles embauches, le CNE. Plus stable en apparence que les contrats courts à durée déterminée et à temps partiel, puisqu'il est à durée indéterminée, il n'en reste pas moins aussi précaire et aussi dangereux, sinon davantage, dans la mesure où les salariés concernés ne bénéficient plus des droits et garanties de droit commun de notre législation sociale en matière, notamment, de licenciement et d'indemnisation de leur précarité. Cette forme de contrat de travail on ne peut plus souple est en passe d'être étendue à tous les jeunes de moins de vingt-six ans avec le contrat première embauche, le CPE, remake du contrat d'insertion professionnelle, le CIP, de Balladur en 1994 (M. Henri de Raincourt rit), en attendant l'ultime étape de sa généralisation et la réforme globale du contrat de travail. L'Observatoire français des conjonctures économiques, ou OFCE -, l'INSEE et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ou ACOSS, confirment pourtant les effets d'aubaine et le risque que ces contrats ne cannibalisent les contrats à durée indéterminée.

M. de Villepin affirme ainsi clairement son choix en faveur d'un modèle de flexibilité à l'anglo-saxonne dans lequel la précarité déjà généralisée est institutionnalisée, et les embauches facilitées par de nouvelles exonérations totales de cotisations sociales. Cela ne manque d'ailleurs pas de nous conduire à nous interroger, d'une part, sur le rôle réel du Conseil d'orientation de l'emploi, censé travailler sur l'efficacité des aides publiques à l'emploi et sur leur conditionnalité, et, d'autre part, sur le sérieux du pacte de rigueur budgétaire.

Dans le modèle ainsi retenu, les obstacles aux licenciements sont levés et le niveau de protection de ceux qui perdent leur emploi abaissé, la lecture des nouvelles conventions d'assurance chômage ne laissant aucun doute à ce sujet.

Restait tout de même à traiter de l'incitation au retour à l'activité des bénéficiaires de minima sociaux, maillons indispensables de la société de plein emploi précaire dessinée par la droite. C'est chose faite, en urgence et par le petit bout de la lorgnette, avec le présent projet de loi, qui traite uniquement des mécanismes d'intéressement pour les allocataires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation de solidarité spécifique, mais qui consacre tout un titre aux sanctions en cas de fraude aux minima sociaux.

Une fois encore, je ne peux qu'exprimer mon mécontentement à la fois sur le fond et sur la méthode suivie par le Gouvernement pour mener à bien ces réformes, en l'occurrence celle des minima sociaux.

Autant de précipitation et d'acharnement pousse à s'interroger sur les objectifs réels du Premier ministre. Vise-t-il vraiment le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail ? Je ne le pense pas ; il n'aurait pu sinon se dispenser d'attendre les conclusions de la mission d'information du Sénat et aurait traité de la prise en compte sociale des titulaires de minima sociaux. Or l'accompagnement, dimension essentielle de l'insertion des individus en difficulté dans notre société, est précisément la grande absente du projet de loi.

On m'objectera qu'un texte est en préparation et qu'une fenêtre parlementaire lui est réservée ; soit. Mais alors, pourquoi une telle précipitation, préjudiciable à la qualité de nos débats ?

Mon ami Guy Fischer développera tout à l'heure d'autres arguments lorsqu'il défendra une motion tendant à opposer la question préalable. Celle-ci ne traduit pas un refus de notre part d'aborder la problématique des minima sociaux ; elle marque au contraire notre volonté d'en débattre globalement et sereinement, après consultation des partenaires institutionnels et associatifs.

Sur le contenu du projet de loi, nous ne manquerons pas non plus, en défendant nos quelque trente amendements, d'exprimer nos désaccords sur les mécanismes d'intéressement proposés, qui ne répondent pas à la volonté de simplification et de lisibilité pourtant explicitement affichée : ces mécanismes sont loin d'être aussi incitatifs qu'il n'y paraît et risquent fort d'être particulièrement injustes et pénalisants pour les personnes exerçant une activité professionnelle inférieure à 78 heures par mois. La réponse « nuancée » du rapporteur à la question de savoir si la réforme permettra d'augmenter le pouvoir d'achat des bénéficiaires de minima sociaux par rapport à celui qui est le leur avec le dispositif actuel renforce, vous vous en doutez, mes chers collègues, notre appréciation.

Nous marquerons également notre opposition au renforcement inacceptable des contrôles et des sanctions touchant, une fois de plus, des publics précarisés, et au rôle répressif que, madame la ministre, vous entendez faire jouer aux centres communaux d'action sociale, les CCAS.

Enfin, nous nous interrogerons sur la portée de l'article 6 garantissant une place en crèche aux parents de jeunes enfants retrouvant un emploi, dans la mesure où, par ailleurs, le Gouvernement se dispense bien de lever les vrais obstacles au retrait des femmes hors du champ du travail. Difficilement applicable concrètement, comme le Gouvernement en est conscient, cette disposition renvoie la responsabilité aux maires, une fois de plus sans leur donner davantage de moyens effectifs.

L'examen des principales propositions du rapporteur de la commission des affaires sociales ne laisse pas augurer d'une évolution sensible du texte, lequel manque manifestement d'ambition pour contribuer au développement de l'emploi. Pis encore, alors que ce projet de loi est déjà inacceptable en l'état, certains de nos collègues de l'UMP ou de l'UC-UDF, avec la bénédiction de la commission, proposent de le compléter par des amendements dans lesquels on trouve pêle-mêle atteintes aux heures supplémentaires, réduction des droits syndicaux, la cerise sur le gâteau étant le « cavalier » gouvernemental portant décision d'ordonnance et création dans six régions d'un nouveau contrat dit « de transition professionnelle ».

Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez méprise le travail parlementaire, tout le monde le sait.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Certains s'en accommodent : c'est ce que l'on appelait à une époque - la formule n'est pas de moi - un « parti godillot » !

Plus grave, le Gouvernement méprise les partenaires sociaux et, surtout, a déclaré une véritable guerre aux personnes privées d'emploi. Le groupe CRC s'attachera dans le débat à faire valoir son opposition résolue, mais il formulera également plusieurs propositions pour améliorer les droits des demandeurs d'emploi et les minima sociaux.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque, en janvier dernier, j'ai entrepris les premières auditions qui allaient m'aider à préfigurer ce qui deviendrait quelques mois plus tard le rapport d'information sur les minima sociaux, intitulé « Concilier équité et reprise d'activité », j'avais une seule certitude : notre système social, produit d'un empilement de dispositifs résultant de notre histoire, engendre par son incohérence trop de différences de traitement pour des individus dont la situation sociale et familiale est somme toute très proche, mais dont le statut peut être divers. Opacité, effets pervers, pertes brutales de revenus, trappes à inactivité, la « désincitation » à reprendre un emploi provient parfois tout simplement du fait que le retour à une activité rémunérée peut être un risque, en particulier financier, que les personnes dont la situation est la plus précaire dans notre société ne peuvent tout simplement pas se permettre de prendre.

Le large écho qu'a eu le rapport de mai dernier montre qu'il avait visé les bonnes questions. Il importe désormais d'y apporter les bonnes réponses, de façon que ce travail n'appartienne pas à la catégorie des rapports faisant référence mais n'ayant pas réussi, dans la durée, à faire bouger quoi que ce soit.

Abordant l'examen des dispositions du projet de loi, je ne peux que me féliciter, madame la ministre, qu'en quelques mois un sujet que je considère comme central soit également devenu l'une des préoccupations fortes de la politique de l'emploi du Gouvernement. Je sais que les travaux de notre assemblée n'ont pas été étrangers à cet état de fait, et je me réjouis que vous ayez compris toute l'importance qu'il y a à s'intéresser de près à cette problématique.

Autre point positif, le dispositif d'intéressement forfaitaire mensuel que vous envisagez de mettre en oeuvre au-delà de 78 heures de travail mensuel sera simple et lisible. Au contraire du calcul de l'intéressement précédent, qui reposait sur un différentiel variant en fonction de l'allocation reçue et des revenus des heures travaillées, le montant est connu et fixe pendant neuf mois. Cela permettra à des personnes qui disposent d'un budget très serré de répondre sans équivoque à deux interrogations essentielles quand il s'agit de se décider à franchir le pas : combien vais-je percevoir, et pendant combien de temps ? Cela me suffira-t-il pour faire face aux dépenses supplémentaires liées à la reprise d'un emploi ? On peut effectivement espérer que ce nouvel intéressement fixe et connu d'entrée de jeu sera beaucoup plus utilisé que le mécanisme actuel, qui n'a pas rencontré un grand succès.

Je me réjouis également que l'amendement que j'avais présenté en mai 2003 et qui visait à supprimer le délai de latence de six mois avant de pouvoir bénéficier d'un CI-RMA ait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. À l'époque, je m'étais interrogée sur le bien-fondé de la distinction entre plusieurs degrés d'urgence pour accorder ces contrats, ayant toujours constaté que plus les personnes étaient encore proches de l'emploi, plus vite elles pouvaient y retourner. Je constate que, bien qu'avec un peu de retard, le bon sens a prévalu.

Parmi les motifs de satisfaction que je relève à l'examen de ce dispositif, je voudrais citer les améliorations tout à fait notables qui ont été proposées par le rapporteur de la commission des affaires sociales, mon collègue et ami Bernard Seillier. Je les énumérerai brièvement, car, bien qu'elles vous aient déjà été présentées, je voudrais insister sur le fait qu'elles prennent en compte la réalité des personnes visées par l'intéressement.

Mettre la prime de 1 000 euros au premier mois et non au quatrième permet réellement de faire face aux frais occasionnés par un retour à l'emploi ; majorer le dernier versement de la prime forfaitaire permet d'esquisser un lissage, nécessaire pour éviter une rupture brusque de ressources. Perdre 150 euros par mois alors que l'on s'est habitué à les avoir peut paraître peu ; mais ramené à un budget de quelques centaines d'euros par mois, cela constitue un différentiel considérable.

Pour ma part, j'eusse préféré que l'on crée un dernier palier prolongeant le versement de la prime de trois mois avec un montant minoré, 75 euros par exemple, ce qui aurait eu deux avantages.

Le premier aurait été de calquer la durée du nouveau dispositif sur celui qui existait antérieurement puisque, en fonction de la date de début du contrat, l'intéressement pouvait aller jusqu'à quinze mois et que, en général, la date était choisie en vue de permettre le bénéfice de la prolongation.

Le second avantage était d'éviter une baisse trop brutale des ressources, dont j'ai mentionné précédemment les risques sur des budgets très serrés. Mais la fixation du nombre de mois de versement de la prime comme du montant de cette dernière relève du décret !

Rien n'empêche d'espérer, madame la ministre, qu'après quelques mois de fonctionnement du nouvel intéressement vous revoyiez ces modalités, comme cela vient d'être fait pour diverses mesures dans le titre V du projet de loi. Il n'est jamais interdit de changer d'avis.

Ensuite, je rejoins également le rapporteur sur la clarification qu'il introduit en supprimant la possibilité de fixer un salaire maximum au-delà duquel les primes d'intéressement ne seront pas versées, un tel dispositif présentant le risque réel que les employeurs ajustent les rémunérations proposées en fonction du versement de ces primes. Mieux vaut éviter d'emblée cet effet d'aubaine.

Enfin, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir défendu le périmètre de ce texte, afin de laisser au groupe de travail sur les minima sociaux, qui rendra ses conclusions le mois prochain, l'initiative des propositions d'évolution des droits connexes. Il en va d'ailleurs de même pour la partie sur laquelle portent les conclusions de la mission confiée à MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.

Aborder la question des droits connexes m'amène tout naturellement à vous faire part de mes regrets quant à l'examen aujourd'hui de ce texte.

Tout d'abord, mon premier regret porte bien évidemment sur le calendrier. Vu la date à laquelle la Haute Assemblée est saisie du projet de loi, je déplore que, à quelques semaines d'intervalle, nous n'ayons pu examiner un texte global, comportant tous les volets ayant trait à l'environnement des minima sociaux : intéressement, accompagnement et droits connexes.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Ce texte aurait pu reprendre, à bon escient, les propositions tant de notre groupe de travail que de la mission confiée à nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt sur les problématiques de l'accompagnement et des sanctions.

En effet, en remettant l'ouvrage deux fois sur le métier, le risque n'est pas négligeable que nous ayons plus de difficultés à garder une cohérence entre toutes les mesures d'ajustement qui seront nécessaires pour rendre l'ensemble des minima sociaux plus adaptés au retour à l'activité.

Or si une constatation peut être tirée du rapport de mai dernier, c'est bien que l'empilement de dispositifs, quand ils ne sont pas coordonnés, chacun visant à répondre à un type de public particulier, crée des distorsions réelles que les situations individuelles ne justifient pas et que nos concitoyens ressentent comme autant d'injustices et de passe-droits incompréhensibles. Il nous faut rechercher l'efficacité, cela est certain, mais sans perdre de vue le fait que le dispositif doit aussi se rapprocher, autant que faire se peut, d'une plus grande équité pour déboucher à terme sur l'objectif final : à revenu égal, droits égaux.

Mon deuxième regret concerne le calibrage du dispositif d'intéressement.

Le Gouvernement a clairement choisi de proposer un intéressement qui soit le plus favorable possible pour les personnes au-delà d'un mi-temps et tendant vers le plein temps.

En soi, cela ne me dérangerait pas, puisque cela traduit la volonté d'inciter fortement à la reprise d'activité, ce qui est, pour moi, le but ultime vers lequel nous devons tendre.

Mais pour atteindre cet objectif, on se heurte à la réalité des emplois proposés aux personnes bénéficiaires de minima sociaux. Et là, force est de constater, comme le font toutes les grandes associations qui accompagnent ces publics, que le retour à l'emploi ne se fait quasiment jamais par l'intermédiaire d'un CDI à temps plein, que les personnes dans les situations les plus précaires ne retrouvent bien souvent que des emplois sur des temps très partiels, parfois seulement quelques heures par semaine.

Or le dispositif du projet de loi exclut de la prime de 1 000 euros tous les salariés qui n'atteignent pas un mi-temps : autant dire tous ceux qui sont les plus fragilisés. (

Par ailleurs, en laissant sous la barre des 78 heures un intéressement variable en fonction du nombre d'heures travaillées, le système demeure, pour ces personnes, aussi opaque qu'auparavant.

Pour avoir tenté de réfléchir à une solution alternative, je sais combien cela est complexe. Je pense néanmoins que, si l'on veut ramener vers l'activité la frange la plus fragile de notre société, nous ne pourrons pas faire l'économie d'un mécanisme les prenant en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

J'en viens à mon troisième regret, et il n'est pas des moindres : je voudrais vous alerter sur l'utilisation de la procédure d'urgence lorsqu'elle est combinée avec le dépôt par le Gouvernement d'amendements de dernière minute, pour lesquels la commission des affaires sociales n'a plus le temps matériel de procéder à des auditions et à une réflexion. Nous sommes littéralement mis devant le fait accompli. C'est le cas aujourd'hui pour l'amendement n° 96, qui prévoit d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions pour expérimenter un contrat de transition professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. Sans même entrer dans le débat pour savoir ce que ce nouveau système apporte en bien ou en mal - et pour cause -, son introduction au Sénat dans un projet de loi déclaré d'urgence signifie que nos collègues députés ne pourront même pas en débattre.

M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Quant à nous, le dépôt de cet amendement étant intervenu après l'achèvement des travaux de la commission des affaires sociales, nous n'aurons pas davantage eu l'occasion d'approfondir cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Il y a là un paradoxe, lorsque l'on sait que nous allons encore être saisis de plusieurs textes comportant des mesures relatives au droit du travail, à commencer par l'examen du projet de loi relatif à l'égalité des chances.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

On peut souhaiter aller vite pour des considérations politiques qui échappent largement à la logique parlementaire ; mais quand un gouvernement « zappe » le débat au Parlement, il n'aide pas nos compatriotes à comprendre et donc à défendre notre système démocratique. Permettez-moi de le regretter.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous espérons que le groupe de l'UC-UDF votera contre ce texte !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Après ces différentes remarques, je reviendrai maintenant aux dispositions du projet de loi pour formuler deux propositions et poser deux questions ayant trait au mécanisme d'intéressement.

Ma première proposition a peu de chance d'être adoptée, puisqu'elle prévoit en effet de supprimer l'une des mesures phares du projet de loi, à savoir, à l'article 1er, la prime de 1 000 euros versée à tout bénéficiaire du RMI, de l'ASS et de l'API qui reprend une activité au moins à mi-temps.

J'ai dit précédemment que le versement à partir du quatrième mois me paraissait déjà problématique. Mais s'agissant de la prime elle-même, je suis aussi très réservée.

Depuis mon arrivée au Sénat, j'ai toujours essayé de proposer des dispositifs pérennes, surtout lorsqu'ils s'adressent à des personnes en situation de précarité. Mon expérience et les contacts que je conserve avec mes anciennes collègues assistantes sociales m'amènent à considérer que ce sont les seules mesures qui soient efficaces. Pourquoi ? Parce qu'elles permettent au bénéficiaire d'un minimum social de savoir qu'il ne se retrouvera pas avec des ressources fluctuantes au détour de ses périodes d'activité. C'est en effet ce que vivent les personnes au RMI, ballottées entre inactivité et contrats précaires, ce qui les empêche de se projeter durablement dans l'avenir. Au contraire, il faut assurer à ces personnes le maintien de leurs capacités à se loger ou à se soigner lorsqu'elles acceptent de s'engager dans un emploi précaire.

Voilà pourquoi j'ai souhaité déposer un amendement visant à supprimer la prime ponctuelle de 1 000 euros pour la remplacer par un relèvement du plafond en dessous duquel les salariés modestes continuent d'être aidés pour financer leur couverture complémentaire de santé.

C'est, vous vous en doutez, madame la ministre, un amendement d'appel : il vise à signifier notre préférence pour des mesures pérennes d'accompagnement dans le retour à l'activité.

S'agissant du mécanisme d'intéressement forfaitaire de 150 euros, j'ai déjà expliqué nos réticences quant au seuil fixé à 78 heures, et je n'y reviendrai pas.

Sur le dispositif de l'article 6 concernant un accès préférentiel aux modes de garde collective, je suis, comme nombre de mes collègues membres de la commission des affaires sociales, dubitative sur l'application effective de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale.

Personnellement, je préférerais un dispositif prenant d'abord en compte les réalités locales et s'appuyant sur la situation existante.

Les caisses d'allocations familiales ont déjà mis en oeuvre un effort en faveur des enfants de parents chômeurs ou bénéficiaires de minima sociaux, que ce soit par l'entremise de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion pour la période 2005-2008 ou, au niveau local, par la mise en place de la prestation de service unique.

La rédaction actuelle de l'article, en prévoyant le recours à un décret pour fixer le contour de la nouvelle obligation, me gêne. En effet, les situations locales peuvent être extrêmement diverses, en particulier entre les zones urbaines et les zones rurales.

Dans ces conditions, il serait à mon avis préférable de renvoyer aux conventions de financement passées au niveau local le soin de déterminer la manière de garantir l'accès aux modes de garde collectifs, et aussi de déterminer, quand ces derniers n'existent pas ou trop peu, des solutions alternatives.

Enfin, madame la ministre, je souhaiterais vous poser deux questions.

La première me tient particulièrement à coeur, et j'aimerais recevoir de votre part des assurances très précises. Il s'agit de la neutralisation des ressources. En effet, ce point est fondamental. Si l'on veut que le système soit vraiment incitatif, il ne faut pas que le complément de ressources procuré par l'intéressement disparaisse parce qu'une autre prestation serait minorée à due concurrence. Pour cela, il faut s'assurer que les primes d'intéressement prévues par le texte seront bien exclues du montant des ressources prises en compte pour le calcul d'autres prestations sociales, à l'image de ce que prévoit le décret n° 2005-1053 pour la prime de retour à l'emploi instaurée l'été dernier.

Pouvez-vous, madame la ministre, répondre aux questions suivantes ?

Le dispositif de neutralisation sera-t-il le même que celui qui a été instauré par le décret d'août 2005 ? Si oui, ce décret n'ayant pas prévu la neutralisation de la prime pour le calcul des ressources pour le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire et la couverture maladie universelle, ces prestations seront-elles maintenues dans le calcul des ressources du nouveau dispositif, ou le décret à venir les exclura-t-il aussi ? C'est un point important sur lequel il n'a été que partiellement répondu lors du débat à l'Assemblée nationale.

Ma seconde question portera sur les aspects financiers de ce texte. Mon collègue Michel Mercier présentera un amendement visant à clarifier le montant de l'allocation versée à un bénéficiaire du RMI, lorsque celui-ci signe un contrat d'avenir. En outre, madame la ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale, vous vous êtes engagée à ce que, concernant les départements, le nouvel intéressement n'entraîne « aucun surcoût ». « Nous ne faisons que basculer d'un système vers un autre », avez-vous dit.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Je l'ai répété !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer quels paramètres vous permettent d'être affirmative, alors que les présidents de conseils généraux - ils ne me contrediront pas - sont dans leur ensemble, quelle que soit leur couleur politique, beaucoup moins certains que l'opération sera blanche pour leurs finances ? Nous attendons avec intérêt vos explications.

Telles sont les quelques réflexions et interrogations que je souhaitais faire partager à la Haute Assemblée.

Pour le reste, le groupe UC-UDF soutiendra, bien que sans enthousiasme pour les raisons évoquées précédemment, la démarche du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Il le fera avec d'autant plus de conviction que les amendements présentés par M. le rapporteur auront été adoptés.

Tout effort pour simplifier et améliorer notre système de minima sociaux, si petit soit-il, mérite en effet d'être encouragé.

En ce qui me concerne, je vous ai bien entendue, madame la ministre, et j'attends avec impatience de pouvoir aborder les questions de l'accompagnement et des droits connexes, que les propositions de loi sénatoriales actuellement en préparation devraient améliorer avec, je l'espère votre soutien.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Madame la ministre, le préambule de la Constitution fait référence au droit pour tout citoyen « d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».

Dans nos sociétés qui transfigurent la réussite en valeur ultime de l'existence humaine et où domine en permanence le discours justificateur de la richesse, ce droit constitue pour 6 millions de femmes et d'hommes la seule preuve de leur appartenance au corps social.

Face à la précarité et à l'exclusion, les sénateurs socialistes ont su en leur temps faire adopter des dispositions de référence avec, entre autres, la loi sur le RMI, votée en novembre 1988, et la loi sur la CMU, votée en juin 1999.

Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui non seulement prend le problème de manière très incomplète, « par le petit bout de la lorgnette », mais encore fait fi d'une véritable volonté de redonner une dignité par le travail à tous ceux qui, de nos jours, n'ont pour seul revenu que les minima sociaux.

À ce stade, je noterai le caractère désordonné, voire l'empressement mis par le Gouvernement à traiter de ce sujet.

Dans le même temps, des parlementaires en mission et un groupe de travail constitué au sein de la commission des affaires sociales du Sénat réfléchissent à la même question. Il eut peut-être été plus judicieux d'attendre les conclusions des uns et des autres afin de traiter globalement du problème sans en parcelliser les approches.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui est d'abord le signe de l'échec patent de la politique de l'emploi menée depuis trois ans ; et ce ne sont pas les arguties statistiques que le Gouvernement nous présente régulièrement qui feront changer la donne.

Tout le monde sait que l'emploi industriel est au point mort et que, depuis 2002, 150 000 personnes ont rejoint le million de RMIstes que compte notre pays : aujourd'hui, 7, 2 millions de personnes vivent avec moins de 720 euros mensuels.

Ni l'urgence déclarée ni l'intérêt général à intervenir aussi vite que possible ne dispensent le Gouvernement et la Haute Assemblée à agir avec discernement, notamment en définissant exactement le rôle et la place des minima sociaux dans le système de protection sociale de notre pays. Or, madame la ministre, vous nous laissez dans l'inquiétude et dans l'incertitude.

En effet, à l'heure actuelle, un nombre important de bénéficiaires des dispositifs d'insertion semble avoir intérêt à demeurer dans cette situation pour ne pas perdre les revenus de la solidarité nationale. Selon le rapport Hirsch, ces « trappes à inactivité » pénalisent un million de personnes. Pour eux, les minima sociaux sont devenus des maxima indépassables.

Par extension, cette « incitation à l'immobilité » touche tous ceux qui souhaitent reprendre un emploi. Ainsi, toujours selon le rapport Hirsch, pour un couple de RMIstes qui souhaitent reprendre leur activité à mi-temps, le surplus de rémunération passe d'environ 300 euros mensuels au cours des trois premiers mois à 20 ou 50 euros après cette période en raison de la suppression de leur droit à la couverture maladie universelle ou du recours à un système de garde d'enfants. Des études sur des cas types montrent qu'un allocataire du RMI perd du revenu quand il reprend un emploi à quart temps et n'en gagne pas s'il travaille à mi-temps.

On comprend dès lors qu'il s'agit d'un cercle vicieux. En tentant d'aider les plus démunis à travers des mécanismes de compensation, on risque de créer des situations de dépendance, sans avoir pour autant la certitude d'éliminer totalement l'exclusion. Et le projet de loi n'échappe pas à ce travers, madame la ministre. En réalité, il pérennise ce système de plusieurs manières.

Premièrement, le Gouvernement nous demande de voter un texte préparé dans l'improvisation la plus totale. Aucun bilan préalable n'a été réalisé concernant les dispositifs existants, notamment ceux qui sont issus de la loi d'orientation de 1998, relative à la lutte contre les exclusions. Aucune étude sur les conséquences du dispositif proposé pour les allocataires n'a été réalisée. Pourtant, il aurait été indispensable que de telles analyses nous fussent présentées avant d'engager le débat.

Nous regrettons en outre l'absence de consultation des conseils généraux, s'agissant du financement de ce projet, mais également des grandes associations qui auraient, elles aussi, souhaité s'exprimer.

Madame la ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises que quelque 140 000 personnes - soit à peine 4 % des 3, 3 millions d'allocataires des minima sociaux - devraient être concernées par cette mesure, dont le coût serait de 240 millions d'euros, à la charge de l'État. C'est peu au regard de l'étendue et de la gravité du problème.

On peut aussi se demander pourquoi ni le document budgétaire de la mission « Travail emploi » pour 2006 ni l'article 92 du projet de loi de finances pour 2006, relatif à l'extension du champ des financements du fonds de solidarité à l'activation de l'ASS, ne mentionnent « la prime de retour à l'emploi » et « la prime forfaitaire » destinées aux bénéficiaires de l'ASS reprenant un emploi, aucune dotation n'étant par ailleurs prévue à cette fin pour 2006. En outre, la subvention d'équilibre de l'État pour le fonds de solidarité en 2006 est réduite de 10 %, ce qui est contradictoire.

Tout cela donne l'impression d'un projet de loi bâclé dans la seule idée de délivrer aux Français le fameux « signal fort » dont ce gouvernement est coutumier.

Deuxièmement, dans l'exposé des motifs, vous affirmez que l'actuel mode d'intéressement est trop complexe, et nous sommes d'accord avec vous sur ce point. Pourtant, avec l'article 1er du présent projet de loi, vous le maintenez pour tous ceux qui travailleront moins de 78 heures.

Or, une grande partie des bénéficiaires des minima sociaux ne retrouvent un emploi qu'à temps partiel. Ils ne profiteront donc ni de la prime de retour à l'emploi ni de la prime forfaitaire. Doit-on par ailleurs considérer comme un hasard que le seuil de 78 heures retenu par le Gouvernement corresponde au chiffrage des demandeurs d'emploi de catégorie 1, soit la statistique officielle mensuelle du chômage ?

À cet égard, il aurait peut-être été plus intéressant de subordonner le bénéfice du nouveau dispositif d'intéressement à un niveau de ressources plutôt qu'à un nombre d'heures travaillées. Toutefois, faute d'études sur des cas concrets et comparés, nul ne peut dire ce qu'il en aurait été si l'on avait retenu d'autres critères.

La même remarque vaut pour les coûts résultant de la reprise d'un emploi, qui sont élevés et effectifs dès le début de la période d'activité professionnelle, comme Mme Létard vient de le rappeler. Devoir attendre trois mois pour financer sa reprise d'emploi constitue un frein à la recherche d'activité. Nous proposerons donc de ramener l'attribution de cette prime à un délai raisonnable d'un mois.

La clarté que vous vouliez instaurer dans les conditions initiales est déjà mise à mal tant pour les travailleurs sociaux que pour les allocataires. Ce sera une difficulté supplémentaire, à moins qu'il ne s'agisse, comme ce fut le cas pour les chômeurs avec la loi de programmation pour la cohésion sociale, de nous faire croire à l'existence de bons et de mauvais pauvres, tous les moyens étant bons pour culpabiliser ces derniers. Tel est le cas de la sanction prévue à l'article 10 bis du présent projet de loi, en cas de bénéfice frauduleux de la prime de retour à l'emploi ou de la prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'ASS. Le montant envisagé de l'amende - 3 000 euros - est insensé ! Des sanctions sont certes indispensables lorsque des détournements organisés sont avérés. Toutefois, s'agissant de personnes simples dont les ressources mensuelles s'élèvent au maximum à 650 euros, une telle somme est disproportionnée. Vous êtes-vous posé la question de savoir comment elles pourraient l'acquitter ? Madame la ministre, une sanction doit être applicable. Tous les maires le savent bien, et ils en tiennent compte lorsqu'ils exercent leur pouvoir de police.

Une telle mesure relève, elle aussi, de l'affichage. En effet, selon une étude récente de la caisse nationale d'allocations familiales, les escroqueries représentent un phénomène marginal. §Il n'y a donc aucune concordance entre la gravité des faits et le montant des amendes envisagées. En revanche, madame la ministre, le dispositif prévu par le présent projet de loi, aggravé par les amendements de votre majorité à l'Assemblée nationale, reflète tout à fait l'état de défiance de celle-ci à l'égard de nos compatriotes dans le besoin.

Troisièmement, et certains des orateurs qui m'ont précédé l'ont souligné, si l'on ne peut qu'approuver le principe du dispositif relatif à la garde des enfants des bénéficiaires de l'API, du RMI ou de l'ASS qui est prévu à l'article 6, on peut s'interroger sur la priorité d'accès, concept incertain sur lequel le texte n'apporte pas de véritables précisions.

Par ailleurs, l'application de ce droit ne sera pas aisée dans la mesure où, tout le monde le sait, les offres de service d'accueil souffrent plutôt d'un déficit de capacité. Dégager des marges dérogatoires ne doit pas se traduire par une réduction des droits d'autres personnes. L'intention est donc bonne, mais les obstacles qui s'élèveront lors de la mise en oeuvre de cette disposition peuvent faire craindre que l'on n'en reste à la simple intention.

À terme, vos mesures déclencheront un effet d'aubaine pour les entreprises. En effet, ces dernières pourront bénéficier d'un personnel corvéable, au statut précaire - contrats nouvelles embauches, postes de stagiaires, temps partiel subi, intérim -, occupant un emploi mal rémunéré et doté d'un « argent de poche » accordé de manière homéopathique. Tout cela nous renvoie très loin en arrière.

Madame la ministre, plus que la perception d'un revenu régulier, la participation durable et stable des citoyens au monde de l'emploi revêt toujours une signification humaine essentielle. En effet, décrocher un CDI continue de marquer le franchissement d'une étape personnelle et sociale permettant la maîtrise de l'existence et l'inscription durable dans un « projet de vie ».

Derrière vos mesures se dissimule en fait une autre acceptation, plus tacite : une fraction importante de la population en âge de travailler est définitivement invalidée ou reléguée dans le sous-emploi. En fait, votre projet de loi nous dirige vers le travailleur pauvre.

Longtemps édulcorée, la question sociale est revenue au coeur du débat politique. À de nombreuses occasions, on a pu sentir le désir d'action publique, la nécessité de réintroduire du collectif porteur d'avenir. Et la seule perspective acceptable est celle qui s'édifie sur un projet politique dont la préoccupation centrale reste précisément l'accession à la dignité de tous nos concitoyens.

Madame la ministre, avant d'imposer de nouvelles contraintes aux allocataires des minima sociaux, il aurait été souhaitable de vérifier que l'offre d'emplois était satisfaisante.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

... et ce ne sont pas les mesures prises dans ce texte qui permettront de pourvoir les 500 000 postes restant vacants chaque année.

Madame la ministre, ce projet de loi est une des illustrations des choix effectués par le Gouvernement depuis 2002. Alors que vous promettiez, dans cette enceinte, de rétablir la société de confiance, votre plus grande faute aura été de manquer à tous les principes de solidarité qui justifient le contrat républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

M. Bernard Cazeau. Le Gouvernement s'est montré injuste avec les plus fragiles et prévenant à l'égard des plus privilégiés. Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que le groupe socialiste s'oppose fermement à ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2002, la priorité du Gouvernement et de la majorité est la mobilisation nationale pour l'emploi.

Les chiffres du marché du travail sont en la matière encourageants, après huit mois ininterrompus de baisse du chômage.

Pour autant, il reste beaucoup à faire, et nombreux sont ceux qui demeurent exclus du marché du travail, ce qui n'est pas tolérable.

Si le dispositif français de minima sociaux est généreux, il demeure perfectible. Face à la détresse de ces hommes, de ces femmes, de ces jeunes, sans emploi et dans des situations souvent précaires, notre système d'aide permet de ne laisser personne au bord du chemin.

Toutefois, il ne réunit pas encore tous les atouts nécessaires à une réinsertion professionnelle efficace.

Dans ce contexte, le suivi personnalisé des chômeurs mis en place par le Gouvernement depuis quelques mois devrait porter ses fruits. Grâce à un interlocuteur unique qu'ils rencontreront fréquemment, les chômeurs ne souffriront plus de l'anonymat. Ils se sentiront soutenus et, surtout, respectés.

Mais cela ne suffit pas. Il faut en effet reconnaître que le retour à l'emploi a un coût : les charges liées à la garde des enfants et aux transports, les frais vestimentaires, etc. Sans dispositif supplémentaire, il peut être plus avantageux de continuer à toucher une aide que de recommencer à travailler.

Quand le retour à l'emploi est synonyme de pertes de revenus, peut-on reprocher à l'intéressé de renoncer à une réinsertion professionnelle ?

Lors de son intervention du 1er septembre, le Premier ministre déclarait ceci : « Je veux qu'il soit plus intéressant et plus facile de travailler que de vivre d'un revenu d'assistance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Le retour à l'emploi est une priorité absolue qui exige une mobilisation sans précédent de notre majorité. Un milliard d'euros a été affecté en 2005 à la mise en oeuvre de la première phase du plan de cohésion sociale. En 2006, 3 milliards d'euros seront nécessaires pour poursuivre cette action, et vous-même, madame le ministre, consacrerez 240 millions d'euros à la mise en oeuvre du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui.

Ce texte valorise directement le retour à l'activité. Très attendu, il comporte de réelles avancées, notamment sur le plan financier, pour les bénéficiaires des minima sociaux qui retrouvent une activité.

Il sera complété très prochainement par un texte sur la refonte des minima sociaux, issu des travaux de nos excellents collègues MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier, qui visera à renforcer les droits mais également les devoirs des bénéficiaires des différentes aides en question.

Aujourd'hui, on recense plus de 3, 3 millions d'allocataires, ce qui, avec les conjoints et les enfants, représente 6 millions de personnes.

Dans un rapport récent, notre collègue et amie Valérie Létard a procédé à un examen précis de l'ensemble des minima sociaux. Chacun est à même de constater la complexité du système et, dans bien des cas, son manque de cohérence. Rien ne permet d'expliquer de façon rationnelle les différences de montant entre les prestations. Quant aux effets de seuils, ils sont dévastateurs !

Il existe déjà un dispositif d'intéressement pour favoriser le retour à l'emploi qui ne rencontre malheureusement pas de réels succès, malgré plusieurs réaménagements.

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui rénove considérablement les instruments d'incitation au retour à l'emploi, en instaurant un dispositif simple et identique pour les trois minima sociaux : le RMI, l'allocation de parent isolé et l'allocation de solidarité spécifique.

La période de cumul du salaire et du minimum social est d'une durée identique dans les trois cas.

Il est ainsi prévu, pour favoriser la reprise du travail, de verser au quatrième mois une prime de 1 000 euros. Cette prime est complétée par un bonus de 150 euros par mois pendant une durée d'un an.

En accompagnant financièrement le retour à l'emploi, le projet de loi offre la possibilité de le stabiliser et de le rendre durable.

L'effort est loin d'être anodin. Rémunérés 6 150 euros nets par an, les smicards à mi-temps disposeront d'un revenu complémentaire de 3 600 euros pendant la première année, ce qui représente 60 % de leur salaire. C'est une véritable incitation !

Mme Gisèle Printz s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

L'effet incitatif de cette mesure est complété par les mesures prises dans la loi de finances pour 2006 : la prime pour l'emploi est augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps

Exclamations dubitatives sur les travées du groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

; un crédit d'impôt de 150 euros est instauré, notamment pour les titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui sont amenés à déménager à plus de deux cents kilomètres pour reprendre un travail.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Concernant les charges pesant sur les départements, vous nous avez rassurés, madame le ministre, puisque la réforme a été conçue afin de n'introduire aucun surcoût pour les conseils généraux.

Vous nous avez également rassurés s'agissant du rétablissement immédiat des minima sociaux en cas d'échec de la réinsertion professionnelle.

Nous nous félicitons par ailleurs de la prise en compte des difficultés que peuvent rencontrer certains parents, lors d'un retour à l'emploi, pour faire garder leurs enfants non scolarisés. La garde des enfants représente en effet un coût dont il faut se préoccuper.

Le problème de la garde des enfants se pose également lorsque l'on se rend à un entretien d'embauche, et j'avais d'ailleurs évoqué ce point devant la commission des affaires sociales. M. le rapporteur propose que l'on réserve quelques places d'urgence pour les personnes concernées. Nous espérons que cet amendement pourra aboutir, car il répond à des difficultés concrètes rencontrées sur le terrain : en effet, des demandeurs d'emploi peuvent être amenés à renoncer à se rendre à un rendez-vous en raison d'un problème de garde d'enfant.

Par ailleurs, j'espère que le texte annoncé sur les minima sociaux traitera du problème de la formation de leurs bénéficiaires. On ne peut plus laisser un allocataire s'enliser dans la précarité sans mettre en place un parcours d'accompagnement personnalisé. Il est urgent de lui proposer une formation, et ce dès le début de son parcours.

Je dirai un mot sur les droits et les devoirs. Dès lors que sont mis en place un système très incitatif sur le plan financier et un parcours d'accompagnement, et que le recours aux contrats aidés est facilité, nous avons un devoir de contrôle.

La création d'un régime de sanctions administratives et l'harmonisation des sanctions pénales répondent à cette exigence. Je me félicite que le conseil général soit désormais destinataire des informations résultant des opérations de contrôle.

Enfin, plusieurs aménagements opportuns à la loi de programmation pour la cohésion sociale sont soumis à notre approbation. Je note plus particulièrement l'assouplissement du contrat d'avenir dont la durée minimale pourra être réduite à trois mois et dont le renouvellement est facilité.

Madame le ministre, vous seriez étonnée que je n'aborde pas maintenant la question des ateliers et des chantiers d'insertion. Il s'agit d'initiatives particulièrement utiles pour accompagner le retour à l'emploi, et il faut donc les encourager ; pour ma part, je les ai énormément favorisées dans mon département, ce qui a permis de sauver des personnes très éloignées de l'emploi.

Madame le ministre, il est bon de ramener à vingt heures la durée hebdomadaire minimale du contrat d'avenir pour les chantiers d'insertion. Cette mesure, réclamée par les professionnels du secteur, devrait être étendue aux contrats d'accompagnement dans l'emploi.

La suppression de l'obligation d'agrément pour les salariés en contrat d'avenir dans les chantiers d'insertion est également bienvenue. Cette dernière mesure tendra à alléger une contrainte administrative trop souvent imposée aux communes.

Par ailleurs, l'amendement de notre excellent rapporteur, M. Bernard Seillier, qui tend à autoriser les départements à gérer directement des ateliers et des chantiers d'insertion me paraît mériter l'approbation de notre assemblée.

Malgré ces nouvelles mesures positives, je souhaiterais, madame le ministre, appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par les associations représentant les ateliers et les chantiers d'insertion. L'augmentation des coûts de fonctionnement menace en effet l'équilibre économique de ces associations. Il est très important qu'une réflexion approfondie soit menée sur ce sujet et aboutisse à des décisions concrètes afin d'aider ce secteur particulièrement important pour la réinsertion professionnelle.

Je souhaiterais clore mon propos en saluant la grande qualité du travail de M. le rapporteur...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

... et la sensibilité remarquable de son approche. Je tiens aussi à vous remercier, madame le ministre, de proposer au pays, avec ce texte, une avancée très importante en matière de retour à l'emploi. Vous pouvez donc compter sur le soutien du groupe UMP dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de ses voeux à la presse, le 10 janvier 2006, le Premier ministre estimait que l'année 2006 devait être « une année utile », qu'elle devait être « une année de vérité, et une année de détermination et de courage ». Nous le souhaitons pour nos concitoyens et pour notre pays. Il est en effet indispensable de renouer notamment avec la justice sociale, la croissance, le développement économique et le désendettement.

Madame la ministre, le 29 novembre 2005, lors de la première lecture ce texte à l'Assemblée nationale, vous reconnaissiez qu'il y avait « urgence sociale ». Permettez-nous de saluer votre lucidité.

En effet, cette « urgence sociale » sonne comme un dépôt de bilan de votre politique sociale et économique

Exclamations sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Pis, vous en avez détruit. Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, la DARES, depuis que vous êtes aux responsabilités, le solde négatif en matière d'emplois avoisine les 40 000. Oserai-je rappeler qu'entre 1997 et 2002 deux millions d'emplois avaient été créés ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est toujours plus que vous n'en avez créés !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Actuellement, le taux de chômage serait de 9, 6 %. Notre collègue Alain Gournac vient de se réjouir à l'instant de la « baisse continue du chômage depuis plusieurs mois ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mme Christiane Demontès. Ce chiffre masque bien mal la manipulation statistique évidente.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mais oui, mes chers collègues !

En effet, près de la moitié des sortants de l'ANPE - 41, 6 % - le sont pour « absence au contrôle », et plus de 8 % pour « radiation ». S'ajoutent à cela les 400 000 « quinquas » dispensés de recherche d'emploi qui échappent aux statistiques.

Enfin, les premiers effets de l'inversion démographique et de la transformation du baby-boom en papy-boom se font sentir ; mais cela ne vous incombe pas, madame la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Faut-il vraiment se réjouir de ce taux alors que, dans une note en date du 10 décembre, l'INSEE s'était interrogé sur les mystères de « la gestion administrative des demandeurs d'emploi par l'ANPE » ? Faut-il se féliciter, quand le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de plus de 9 % en un an, de voir plus de 40 % des demandeurs d'emploi ne relevant plus du système d'indemnisation UNEDIC entrer dans les dispositifs de solidarité ?

Au-delà de ce triste bilan, nous rencontrons la réalité quotidienne de nos concitoyens. Ceux-ci ont désormais peur de la pauvreté. S'ils n'y sont pas déjà plongés, ils craignent de devoir l'affronter un jour ou bien que leurs enfants, demain, n'y soient confrontés.

Face à cette situation, vous dites vouloir engager « la bataille pour l'emploi » ; mais n'est-ce pas déjà ce que vous vouliez ou deviez faire depuis 2002 ? Dès son discours d'investiture, le Premier ministre de l'époque, notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin, n'avait-il pas pour objectif « le plein emploi » et la « revalorisation du travail » ? Or, pour revaloriser le travail, il s'agit en tout premier lieu de le créer, de le maintenir, ou tout au moins de tout mettre en oeuvre pour en faciliter la création. La vielle idéologie libérale qui vous tient lieu de vade-mecum a dévalorisé et précarisé le travail de millions de femmes et d'hommes salariés de notre pays.

Avec ce texte, nous espérions que vous alliez rompre avec cette logique de casse sociale et économique, que vous alliez faire preuve, pour reprendre les termes de votre collègue Jean-Louis Borloo voilà quelques jours, « d'humanisme et de sens social ».

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Or, comme nous allons le voir et comme cela a déjà été dit par d'autres orateurs à cette tribune, tel n'est pas le cas.

Avant d'aborder le fond de ce texte, permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur sa forme. D'autres l'ont indiqué avant moi, la discussion de ce projet de loi pour lequel l'urgence a été déclarée a commencé devant l'Assemblée nationale le 20 novembre 2005 au moment même où nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt, face à une telle précipitation, avaient envisagé de renoncer à l'élaboration du rapport qui leur avait été confié par le Premier ministre et fait connaître leur intention de démissionner. Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de leurs travaux ?

Pourquoi ne pas avoir attendu non plus le dépôt des conclusions du groupe de travail que préside notre collègue Valérie Létard ? À quoi donc sert le travail parlementaire ? §Pourquoi ne pas avoir consulté les grandes associations qui oeuvrent depuis des années auprès des personnes éloignées de l'emploi et qui, pour nombre d'entre elles, constituent une force de proposition ? Cette précipitation procéderait-elle de la course à l'échalote entre ministères ou bien serait-elle dictée par la nécessité de multiplier les effets d'annonces ?

Notre pays compte 6 millions d'exclus. Près de 10 % de nos concitoyens survivent avec les minima sociaux.

Penser que le temps partiel constitue la réponse adéquate au drame de l'exclusion du marché de l'emploi et de la précarité et en faire la règle du retour à l'emploi seraient une erreur.

Généralement subi, le temps partiel concerne une majorité de femmes qui ont parfois occupé un poste durant toute l'année. Certes, le fait d'avoir un emploi permet de faire baisser les statistiques du chômage ; mais n'oublions pas que l'INSEE estimait à plus d'un million le nombre de travailleurs pauvres. Cette situation n'est pas acceptable, parce qu'il s'agit de véritables drames pour les personnes qui la subissent ; mais vous le savez, car vous rencontrez comme nous ces dernières, dans vos permanences.

Pour remédier à cela, vous nous proposez la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif d'intéressement. Il s'adressera aux bénéficiaires exclusifs du RMI, de l'ASS et de l'API. Non seulement il s'ajoute au dispositif existant, mais encore il constitue une régression par rapport au décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 créant une prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur de certains bénéficiaires de minima sociaux, qui visait également les bénéficiaires de l'allocation d'insertion et d'adulte handicapé.

Vous affichez votre volonté de simplifier et de rendre plus lisible le dispositif, mais, en fait, vous le complexifiez. En ne ciblant que les emplois d'une durée mensuelle supérieure à 78 heures, vous reprenez la classification de l'UNEDIC. Nous ne sommes pas dupes : ce choix n'est pas anodin ! N'est ce pas une nouvelle illustration de votre traitement du sous-emploi, un traitement purement statistique ?

Madame la ministre, l'intéressement que vous proposez ne concernera que les bénéficiaires de minima sociaux ayant conclu un contrat de travail de 78 heures mensuelles, parce que vous estimez, dites-vous, que 78 heures devraient suffire à garantir l'autonomie financière des bénéficiaires. Mais alors, qu'en est-il de toutes les autres formes d'emplois précaires, des temps partiels et très partiels que vous n'avez cessé de favoriser depuis plus de trois ans ?

La déréglementation du marché du travail que vous ne cessez d'accentuer et la situation économique dans laquelle vous avez mis le pays ont multiplié les contrats de courte durée. Pour survivre, les personnes éloignées de l'emploi n'ont généralement pas d'autre choix que d'accepter ces contrats les uns après les autres.

La succession de ces contrats sera-t-elle prise en compte, comme vous vous y étiez engagée à l'Assemblée nationale ? Le versement de la prime devrait être effectué dès le premier mois car, nous le savons tous, c'est bien au moment du retour à l'emploi que les besoins financiers se font le plus cruellement sentir ; il en est ainsi pour le transport, la tenue vestimentaire ou encore la garde des enfants. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.

Enfin, la réforme du système actuel d'intéressement prévue dans ce projet de loi laisse en suspens un certain nombre de questions concernant le devenir des ayants droit : que se passera-t-il quand le dispositif d'intéressement prendra fin ? Une hausse salariale ou bien une augmentation du nombre d'heures travaillées compensera-elle la perte de revenus ? Vous ne nous dites rien sur la suite.

L'autre dimension essentielle de ce texte est que le dispositif vise de fait majoritairement les allocataires qui reprendront un emploi à temps plein pour un an, donc ceux qui sont le moins éloignés de l'emploi. Les autres, c'est-à-dire très majoritairement des femmes, se verront dans le meilleur des cas offrir un emploi à temps partiel dans les secteurs de la grande distribution, du nettoyage ou de l'aide aux personnes. Ces contrats ont généralement une durée inférieure à 65 heures mensuelles et ont concerné plus de 544 000 femmes en 2004. De fait, votre texte pénalise une fois de plus les femmes et tous ceux qui ne trouveront pas de travail au-delà de 78 heures mensuelles.

Avec ce projet de loi, vous entendez « donner au revenu du travail un avantage réel et perceptible », et les propositions faites seraient la source « d'un revenu plus incitatif ». Or, si l'on se réfère à une période de quinze mois, le nouveau mécanisme d'intéressement fera perdre à une personne seule, allocataire du RMI et retrouvant un mi-temps payé au SMIC, un peu plus de 99 euros, perte à laquelle il faut ajouter 1 101 euros du fait de l'impossibilité de cumuler intégralement minima social et revenu du travail au-delà de douze mois. Pour une personne seule ou chargée de famille, le revenu augmente de 71 euros, mais il devient négatif sur quinze mois.

Les chiffres prouvent qu'il n'y a donc pas d'incitation. Il s'agit au contraire d'une tromperie ! Qui plus est, cet encouragement est supporté par l'État, via une surcharge du fonds de solidarité - connaissant l'état de ce fonds, nous ignorons comment vous allez la financer ! - et une prime de 225 euros ou de 150 euros à la charge des départements. Selon vous, ces derniers ne débourseront rien. C'est bien difficile à croire, mais les présidents de conseils généraux ici présents sont mieux à même d'en parler.

Il est essentiel de prendre en considération la traduction de cette incitation dans les faits.

Nous observons qu'il s'agit bien souvent d'intérim, de temps partiel subi avec des conditions de travail souvent déplorables. Quant au contrat à durée déterminée, vous avez brutalement décidé, récemment, de le fragiliser par le contrat nouvelles embauches. Et le Gouvernement souhaite généraliser cette régression sociale à l'ensemble de nos jeunes via le contrat première embauche, ou CPE, nouvelle version du contrat d'insertion professionnelle, ou CIP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Quant aux 2 500 CI-RMA, ils ne font que rappeler la médiocrité de vos solutions. Dans ces conditions, parler de retour à l'emploi et de mesure incitative est pour le moins un abus de langage !

En réalité, vous généralisez la précarité et vous en faites un horizon indépassable pour des milliers de nos concitoyens. Ce n'est certainement pas en prolongeant la durée et en élargissant les dispositions du décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 que vous inciterez les 144 000 bénéficiaires de minima sociaux que vous visez à retourner vers l'emploi !

En fait, vous avez une fois de plus réussi à donner satisfaction au patronat, qui, par la voix de sa présidente, demande la réforme du code du travail, plutôt que le détricotage que vous effectuez publiquement depuis bientôt quatre ans, et n'hésite d'ailleurs plus à exiger que « la durée légale du travail soit fixée au plus près des réalités [...] des secteurs. »

L'article 6 pose également problème. S'il est vrai que la garde des enfants constitue souvent une difficulté pour la reprise d'activité, il est aussi vrai, nous le savons tous, que c'est pour des raisons financières que seuls 3 % des enfants de bénéficiaires de minima sociaux sont en crèche.

Je ne m'étendrai pas sur ce point, mais la conséquence de cet article 6 sera, me semble-t-il, la création d'une sorte de concurrence entre les allocataires de minima sociaux et les autres parents, qui ont aussi besoin des crèches.

Ce texte est également révélateur de votre manière de considérer nos concitoyens. En effet, après avoir sous-entendu que les assurés sociaux et les demandeurs d'emploi étaient des fraudeurs, voilà que vous vous en prenez aux bénéficiaires des minima sociaux. Je ne reviendrai pas sur notre position, que mon collègue Bernard Cazeau a développée dans son intervention, mais j'ai toutefois le sentiment que, pour vous, un pauvre est un délinquant en puissance !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Pas du tout ! C'est n'importe quoi ! Personne n'a le monopole de la pauvreté !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Pour résumer, ce texte est bâclé. Il ne constitue pas - loin s'en faut ! - un progrès pour les plus fragiles. De plus, il ne traite que de primes et de sanctions, et les facteurs déclencheurs de l'exclusion y sont complètement ignorés.

Alors qu'il faudrait, dans la concertation, procéder à une remise à plat des minima sociaux en intégrant l'accompagnement indispensable, l'importance des droits connexes, le rôle des maisons de l'emploi et de la formation, celui du service public de l'emploi, et la formation, vous vous en tenez à un traitement quelque peu négligent et dangereux pour ces problématiques. Et ce n'est pas l'arrivée tardive de l'amendement gouvernemental sur l'aide au reclassement des salariés licenciés pour raison économique, qui sonne définitivement comme un cavalier, qui rendra ce texte plus intéressant !

Les 6 millions de nos concitoyens exclus, qui constituent une formidable richesse pour notre pays, méritent beaucoup mieux que ce texte vite expédié, qui procède de la stigmatisation et de l'injustice sociale à laquelle vous nous avez malheureusement tellement habitués.

Je terminerai par une citation de Chateaubriand : « c'est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir ». Ce projet de loi n'est pas une réponse acceptable à « l'urgence sociale », car il ne répond pas au devoir de solidarité envers les plus fragiles. Ces derniers y sont au contraire stigmatisés, culpabilisés et pénalisés ! C'est pourquoi nous ne pourrons pas voter ce texte en l'état !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est au moins la troisième ou la quatrième fois que je monte à une tribune, soit à l'Assemblée nationale, soit au sein de cette Haute Assemblée, pour défendre le statut des RMIstes.

D'abord, en décembre 1988, j'étais présent à l'Assemblée nationale lorsque nous avions voté la loi créant le RMI. A l'époque, nous pensions que le « I » de « Insertion » allait fonctionner et que le RMI ne serait qu'un pansement provisoire sur la misère. Mais, depuis, nous connaissons la situation !

En 1997, sous le gouvernement Juppé, le constat ayant été fait que le nombre de RMIstes augmentait et que le « I » de « Insertion » ne fonctionnait pas, j'avais proposé la création du RMA par un amendement qui a été adopté à la quasi-unanimité, puisque le groupe communiste s'est abstenu à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Vous n'avez pas voté contre, vous vous êtes abstenus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Mais ce n'était pas le RMA actuel, c'était une autre version.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. Je sais, mais on a bien fait quand même !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Depuis, la dissolution n'a pas permis au RMA d'entrer en fonction.

En 2003, M. Fillon a proposé ici le RMA qui a donné lieu au « contrat insertion-revenu minimum d'activité », le CI-RMA. À l'époque, je lui avais fait un certain nombre de remarques, dont je vous parlerai tout à l'heure.

Aujourd'hui, madame la ministre, vous nous conviez à voter un processus d'intéressement pour sortir de cette trappe à pauvreté dans laquelle s'engluent nos concitoyens percevant les minima sociaux.

Quelle analyse faisons-nous de cette proposition ?

D'abord, un intéressement permet de cumuler en totalité l'allocation du RMI et le revenu du travail à partir de 78 heures. Personnellement, cela me paraît une bonne solution.

Ensuite, une prime à l'emploi est versée par l'État. M. le rapporteur propose qu'elle le soit au début, alors que le Gouvernement préconise un versement au bout de trois mois. Au moment du vote de l'amendement, je me rallierai quant à moi à la proposition du rapporteur, car j'estime qu'une telle mesure est incitative. Enfin, pendant neuf mois s'ajoute au salaire une prime de 150 euros.

Selon moi, la prime aurait dû être un peu plus élevée. Mais, une autre loi devant suivre, considérons que nous entrons dans une période d'observation au terme de laquelle nous verrons les résultats. Si beaucoup d'allocataires du RMI ou des minima sociaux - allocation de solidarité spécifique et autres - sortent du système pour travailler, on considérera que la prime est bonne. S'ils n'en sortent pas, la prime devra être révisée.

Mais permettez-moi d'aller plus loin.

Lorsque j'avais proposé le RMA, je l'avais fait à la suite d'un constat : dans nos mairies, nos permanences, les RMIstes que nous recevons nous disent qu'ils sont prêts à travailler, même sur un emploi saisonnier, mais qu'ils ne veulent pas perdre leur statut de RMIste, qui leur donne droit à la CMU, à la majoration d'allocation logement, et leur permet de ne pas payer la taxe foncière. Je les comprends car, étant donné leur revenu, ils ne peuvent pas prendre le risque de perdre ce statut, qu'ils mettraient six mois à retrouver.

Par conséquent, madame la ministre, j'aimerais savoir si le RMIste qui va travailler et qui, avec le système d'intéressement prévu par le projet de loi, et non après le vote des amendements, percevra, par exemple, un salaire de 900 euros, et 400 euros au titre du RMI, soit 1 300 euros les trois premiers mois, puis, le quatrième mois, son salaire et la prime de retour à l'emploi, soit 1 900 euros, et, enfin, pendant les neuf mois suivants, son salaire et une prime de 150 euros, soit 1 050 euros, aura la garantie de bénéficier de la CMU ?

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Sur cette question capitale, je souhaite que vous me confirmiez cette réponse affirmative.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Les personnes concernées sont très pauvres. Par conséquent, si elles perdaient leur droit à la CMU, elles ne pourraient pas payer de mutuelle, le coût de cette dernière neutralisant la ressource complémentaire. Une confirmation de votre part constituerait déjà une avancée.

Conserveront-elles, pendant cette période d'un an, tous les avantages connexes, c'est-à-dire la CMU, la majoration d'allocation logement et le bénéfice de l'exonération de la taxe foncière ? C'est le premier point.

Mon deuxième point concerne une amélioration de l'intéressement, amélioration en faveur de laquelle je plaide depuis 1997 - je suis un mauvais avocat, car je n'ai toujours pas encore remporté ce challenge ! - et qui pourrait intervenir à l'occasion de la prochaine loi. En effet, quand on est RMIste, c'est souvent parce que l'on n'a pas une bonne qualification ; bien sûr, certains sont qualifiés.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Cela arrive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Mais prenons le cas de ceux qui n'ont pas une bonne qualification et dont j'ai entendu avec grand plaisir mon ami Alain Gournac parler.

J'ai exposé mon point de vue à M. Fillon lorsqu'il a proposé sa loi. Je vais vous le répéter, car il faut enfoncer le clou jusqu'à ce qu'il rentre, si vous me permettez cette expression !

Sourires

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Vous avez raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Si nous ne voulons pas que les RMIstes soient casés sur des emplois saisonniers, précaires, et, finalement, exploités ou plutôt utilisés, puis se retrouvent à nouveau au RMI, il nous faut considérer le droit à la formation comme un vecteur clef d'intégration lorsque l'allocataire du RMI veut s'insérer socialement.

Le Gouvernement prévoit un cumul du RMI et d'un emploi d'un minimum de 78 heures, et donc la possibilité de conserver le statut de RMIste tout en percevant un salaire. Pour ma part, je propose que soit étudiée la solution qui consisterait, pour un RMIste, à travailler à mi-temps dans une entreprise - un contrat d'apprentissage, en quelque sorte, mais qui ne pourrait en avoir l'appellation car les personnes concernées ont plus de vingt-cinq ans -, et donc à percevoir de l'employeur un salaire légèrement supérieur au SMIC, tout en gardant le statut de RMIste, le contrat n'étant pas limité à deux, trois ou quatre mois, mais durant le temps de la formation nécessaire pour que la personne obtienne une qualification.

En effet, si vous voulez sortir les personnes en situation difficile des trappes à pauvreté, il faut leur donner la possibilité de se tourner vers la qualification !

Dans cet hémicycle, ou ailleurs, on entend dire que 100 000, 300 000, voire 400 000 emplois resteraient vacants faute de main-d'oeuvre qualifiée ! Mais alors ciblons, calibrons ! Offrons aux RMIstes en situation de désespérance une espérance ! En plus, cela ne coûterait pas cher puisque les modules de formation comme les crédits à la formation existent déjà ! Certains RMIstes sont capables de suivre un cursus de formation : proposons-leur un contrat de qualification professionnelle en les autorisant à cumuler leur statut de RMIste et leur formation afin qu'ils aient le droit au travail.

En adoptant rapidement de telles dispositions dans un prochain projet de loi, nous pourrions ouvrir la voie de l'espérance à de nombreux RMIstes.

J'en viens à ma deuxième proposition. Si je sais bien lire, en métropole, 300 000 entreprises chercheraient un repreneur.

Récemment, j'ai passé une convention avec des entreprises situées dans le département de l'Oise pour mettre de jeunes Réunionnais, qui ne sont pas forcément des RMIstes, en situation de repreneur d'entreprise. Le patron âgé de cinquante-cinq ans environ pratique le tutorat, afin de conduire le jeune à reprendre ensuite son entreprise. Cette expérience se poursuivra dans d'autres régions comme celle du Nord-Pas-de-Calais dans laquelle je dois bientôt me rendre.

Je vous propose donc, madame la ministre, de créer un nouveau contrat d'intégration, le contrat de repreneur d'entreprise. Certes, je ne puis en définir toutes les conditions dans le temps qui m'est imparti, ...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Mais on peut en parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

... mais on peut effectivement déjà en parler.

Dans le prochain projet de loi qui nous sera soumis, nous pourrions créer un nouveau type d'intéressement : le RMIste conserverait ses droits tout en travaillant, moyennant un complément de revenu, chez un patron qui serait d'accord pour lui revendre ensuite l'entreprise. Il pourrait cumuler ses droits et son revenu le temps nécessaire - huit mois, un an, voire deux ans - pour qu'il soit capable de reprendre l'entreprise. La banque lui accorderait alors un prêt puisqu'il aurait la garantie de son patron. Le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, par exemple, fait un pont d'or à tout repreneur d'entreprise.

Dans un pays comme la France, qui compte autant de personnes qualifiées, de cadres ou d'agents de maîtrise au chômage capables de reprendre très rapidement des entreprises, il est lamentable que, par manque de moyens et de circuits, ces personnes soient laissées sur le bord de la route.

Par ailleurs, cet après-midi, j'ai entendu de nombreux orateurs culpabiliser le Gouvernement. Pour ma part, face à ce problème, je fais oeuvre d'humilité. Parlementaire depuis 1986, je constate que nous avons connu deux septennats de gauche, un septennat et un quinquennat de droite, et des périodes de cohabitation.

Mes chers collègues, la disparition des entreprises ne date pas d'aujourd'hui ! Et je ne mets pas en cause les élus de gauche ! On peut battre sa coulpe autant que l'on veut, le vrai problème de fond est de savoir si l'on continue à valider, sur le plan européen, un libre-échange aveugle et déloyal. C'est cela le fond du problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Mes chers collègues du groupe CRC, vous n'avez pas non plus de leçon à nous donner, car vous faisiez partie du gouvernement qui a validé Marrakech !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Exactement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

C'est François Mitterrand qui était président lorsque les accords de Marrakech ont été signés ! Et qu'en est-il de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Il date de Marrakech ! Ce n'est pas un président de droite qui l'a signé, il faut le dire !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Il faut assumer ses actes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Aujourd'hui, soyez donc modestes, mes chers collègues !

Madame la ministre, je le répéterai à cette tribune jusqu'à ce que je sois entendu : faites ce que vous voulez sur le plan national, mais si vous mettez en compétition, d'une part, des ouvriers qui jouissent d'un minimum de droits et de revenus et, d'autre part, la population beaucoup plus nombreuse et plus jeune de pays plus autoritaires dans lesquels le droit du travail n'est pas respecté ou n'existe même pas, pas plus que la protection de l'environnement, et où la monnaie fait l'objet d'un dumping, alors vous allez ruiner des pans entiers de notre économie ! En France, la production industrielle s'élève à 22 %, contre 9 % aux Etats-Unis.

Certains prennent l'exemple du Royaume-Uni, mais sachez, mes chers collègues, que l'économie anglo-saxonne n'est pas un exemple. J'en veux pour preuve la récente déclaration dans la presse de la ministre britannique du travail et des retraites, Mme Margaret Hodge. Pour pouvoir publier des statistiques acceptables, 3 millions de jeunes qui étaient simplement déclarés inaptes au travail ont été condamnés à endosser le statut de travailleur handicapé !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

C'est ce qu'on est en train de faire en France ! On fait baisser les statistiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Pardonnez-moi, mais vous qui avez cautionné l'ultralibéralisme aveugle sous les gouvernements Jospin entre autres, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. ... vous ne pouvez pas venir nous dire aujourd'hui que M. de Villepin, qui essaie avec humanisme

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Ce n'est pas la peine de nous expliquer, nous savons ce que ça veut dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Si vous ne lisez que les mauvais journaux, vous ne saurez pas ce que cela signifie !

Rires. - Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Je vais vous dire pourquoi je parle d' « humanisme ».

Mes chers collègues de l'opposition, vous avez dit que le contrat nouvelles embauches allait nous conduire à la catastrophe ; mais de nombreux Français sont allés en toute liberté vers ces emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Nous ne les avons pas menottés pour y aller ! Nous n'avons pas envoyé un huissier les chercher !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Aujourd'hui, ils travaillent ! Ils se lèvent le matin et disent à leur femme et à leurs enfants : « je vais bosser » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Le soir, ils rentrent fiers ! Ils ont droit à un revenu du travail !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. C'est ce qu'il faut faire !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Virapoullé, vous faites de la provocation !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Vous prétendez que le contrat première embauche, c'est de l'esclavage ; certains d'entre vous ont même dit que nous sommes en train de dénouer le code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Mais tous les jeunes qui acceptent aujourd'hui un contrat de travail signent pour une période inférieure à trois mois ! Or nous allons leur proposer deux ans...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Trois mois, ce serait la liberté, tandis que deux ans, ce serait l'esclavage ? Ça me surprend, ou alors je ne sais pas parler français !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Ces personnes peuvent être licenciées d'une minute à l'autre sans raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. de Villepin dit qu'il faut mettre en place la préférence européenne.

Mes chers collègues, je vous invite à venir travailler avec moi au sein du groupe que je suis en train de créer. Vous le savez, je ne suis attaché à rien, sauf à mes convictions. Or je pense que l'actuelle mondialisation touche à sa fin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Eh oui, je le dis tout de go, et ce n'est pas grave si je passe pour un âne !

Il faut mettre en place une mondialisation loyale qui respecte l'homme, le droit du travail, l'environnement, la monnaie et les équilibres ; sinon, nous ne pourrons pas avancer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Mais ni la gauche ni la droite ne l'ont fait ! Pour sa part, le Premier ministre essaie de le faire en innovant avec audace.

Monsieur Fischer, si nous n'examinons le problème du chômage que sur le plan intérieur, ce n'est pas le code du travail que nous allons dénouer, c'est le droit au travail que nous allons faire disparaître !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Lorsque le Gouvernement propose avec courage des dispositions permettant d'avancer vers le travail dans la dignité et la responsabilité, je les vote ; et si ce n'est pas suffisant, je dis au Gouvernement de les compléter. Madame la ministre, prolongeons cette marche en avant, et revoyons cette mondialisation inhumaine qui est en train de mettre en péril la construction européenne et la dignité de nos travailleurs !

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Quel talent, monsieur Virapoullé ! Mais sans doute ai-je mal lu le sigle de votre appartenance politique. Vous faites partie de l'UMP ? Je ne reconnais pourtant pas le discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je n'ai pas l'impression que votre discours suive la ligne directrice de l'UMP, mais vous avez défendu avec grand talent les limites de la mondialisation !

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un mois, dans le projet de loi de finances pour 2006, la majorité de droite s'est déjà occupée du douloureux problème du cumul des hauts salaires et des stock-options. La réponse fiscale a été favorable aux plus aisés alors que nous vivons pourtant dans un contexte de déficit public...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Qui l'a creusé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

... et que la dette est colossale !

Cette fois-ci, c'est au tour des chômeurs. Que vaut cette réforme sans plan d'ensemble, sans qu'aucune concertation avec les associations concernées ait été organisée et sans que tous les groupes de travail parlementaires aient remis leurs conclusions ?

Sur le fond, le rapporteur lui-même l'admet, avec le système proposé, de nombreux allocataires y perdront. Mais, à ses yeux, le nouveau système aura un avantage fondamental : il sera plus simple ! Ouf, il sera plus simple, peu importe que les travailleurs les plus précaires y perdent !

Selon le rapporteur, si les chômeurs restent chômeurs, c'est parce que le système d'intéressement est trop complexe. Si telle est l'analyse des causes du chômage, alors, effectivement, c'est très simple !

Pourtant, la complexité du dispositif proposé balaie même cet argument. S'agissant de l'ASS, le rapporteur lui-même a du mal à dire quels gains nous tirerons de la réforme. Je ne pense donc pas que les chômeurs s'y retrouveront facilement dans ce maquis. Bref, le dispositif reste très complexe, et certains vont y perdre !

Toutefois, comme nous y invite le rapporteur, il faut parler non pas de perte, mais « seulement de réduction des espérances de gain ». Ça va mieux comme ça !

Je vous livre donc les réflexions de M. Seillier, qui a le mérite d'être honnête : « La réforme proposée peut se traduire, dans certaines configurations familiales, par un gain plus faible que dans le système actuel d'intéressement. » S'agissant du RMI, il poursuit ainsi : « La différence de gain est beaucoup plus sensible pour les ménages avec deux enfants : les gains attendus sont plus faibles qu'aujourd'hui pour un salaire compris entre 0, 5 et 1 SMIC, la différence pouvant atteindre jusqu'à 145 euros pour un emploi à trois quarts temps. » Et enfin, « dans le cas de l'API, les gains à attendre du nouveau dispositif sont systématiquement plus faibles que dans le dispositif actuel ». Dans ces conditions, comment voudriez-vous que l'on vote ces dispositions ?

De par mon engagement militant pendant près de six ans auprès des associations de chômeurs, dont je salue ici le dévouement, le travail et la générosité, je suis pour le cumul d'une activité salariée avec les minima sociaux ; mais cela doit se faire de façon simple, limpide, et dans des conditions qui soient favorables aux chômeurs.

Le système proposé, comme celui qui est actuellement en vigueur, est compliqué pour deux raisons.

Premièrement, on craint de trop donner aux pauvres ! Quelle horreur, mes chers collègues, s'ils touchaient quelques euros de trop !

Deuxièmement, l'objectif est d'abaisser le coût du travail pour l'employeur au lieu de chercher à garantir les revenus des travailleurs précaires !

Le RMI s'élève à 433 euros alors que le seuil de pauvreté est de 640 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Sauf à considérer que les chômeurs sont responsables de leur sort au point de leur refuser l'accès à ce seuil minimum, il est moralement et politiquement inacceptable de tolérer que tant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Augmenter les minima sociaux, ce n'est pas simplement social, c'est aussi économique. En effet, lorsque les chômeurs consomment, ils consomment tout de suite des produits de première nécessité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

... ils paient leurs dettes et font face aux échéances. Ils ne mettent pas leur argent dans l'épargne, ce qui a même un effet positif pour les autres catégories sociales, lesquelles préfèrent aujourd'hui épargner pour faire face à un coup dur. Cette stabilité financière pour les personnes sans emploi rassurerait l'ensemble des salariés, qui ne seraient plus ainsi obligés d'épargner par crainte de l'avenir.

Vous me direz que laisser les minima sociaux à un niveau très bas, c'est inciter les chômeurs à trouver un travail ! Cependant, un tel raisonnement est économiquement inefficace.

Forcer les chômeurs à accepter le premier emploi venu aboutit à une mauvaise affectation des compétences puisque les emplois ne correspondent pas à leur formation.

De plus, une recherche d'emploi efficace a un prix. Or, avec un RMI à 433 euros, c'est bien simple, on n'a pas les moyens d'être un vrai chercheur d'emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Avec une telle somme, on cherche tout simplement à vivre et à faire vivre sa famille !

En tout état de cause, si on prend en compte les courriers, les déplacements, le téléphone, Internet, chercher un emploi coûte environ 300 euros par mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Or, dans la France d'aujourd'hui, avec moins de 1 000 euros par mois, on ne peut pas vivre correctement, se loger, faire des projets de vie, élever des enfants, avoir une alimentation équilibrée, se soigner, se cultiver.

Vivre avec le RMI, cela concerne directement 1 107 000 personnes. Le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 10, 5 % entre le mois de juin 2003 et le mois de juin 2004, puis de 6, 2 % supplémentaires en 2005. Et encore, les moins de vingt-cinq ans, s'ils n'ont pas d'enfants, n'y ont pas droit !

Plus largement, ce sont 3, 3 millions de personnes qui dépendent directement des minima sociaux et environ 6 millions de personnes qui en dépendent indirectement. Que de misère, que de douleur se cachent derrière ce chiffre !

Quand il est question de chômage, le Premier ministre - je laisse l'intervenant précédant libre d'apprécier « l'audace » de M. de Villepin ! - s'inspire du modèle danois

Eh bien parlons-en du modèle danois, mais parlons-en sérieusement !

Les Danois dépensent trois fois plus par chômeur que les Français. On dit souvent, pour culpabiliser ceux qui vivent des minima sociaux, que la France est très, voire trop généreuse. Les chiffres d'Eurostat témoignent du contraire : pour chaque chômeur, le Danemark dépense 2, 6 fois plus que la France. Les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne, l'Irlande ou le Portugal font mieux que nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L'indemnisation des chômeurs -les dépenses passives - est plus élevée : 40 % de plus en Allemagne, 70 % de plus en Belgique, 160 % de plus au Danemark, 170 % de plus aux Pays-Bas !

Quand Dominique de Villepin, l'audacieux, fait référence au modèle danois, il faut considérer ce modèle dans son intégralité ! Il faut l'examiner en profondeur et ne pas se limiter à quelques informations !

Quoi qu'il en soit, pourquoi y a-t-il des catégorisations dans ce projet de loi ? Les employeurs ont droit à la prime, mais pas les chômeurs qui créent leur entreprise. Les allocataires du RMI, de l'ASS et de l'API y auront droit, mais pas ceux de l'allocation d'insertion ou de l'allocation aux adultes handicapés. Ceux qui reprennent un travail pendant au moins quatre mois en bénéficieront, mais ceux qui le perdront avant en seront privés. Ceux qui retrouvent un emploi à temps partiel, les plus précaires, n'y auront pas droit, car la limite à soixante-dix-huit heures créera des effets de seuil injustes. Pourquoi toutes ces différences ?

Quant à l'amende administrative de 4 000 euros, elle est évidemment abusive. Pourquoi maintenir la tête de pauvres gens sous l'eau ? Certes, ils sont auteurs de fraudes qu'il faut combattre, mais elles sont bien minimes !

J'aimerais que la droite manifeste autant d'énergie pour combattre la délinquance en col blanc, les abus de biens sociaux, les emplois fictifs, les frais de bouche indécents, les fraudes fiscales, la criminalité économique, les paradis fiscaux !

Les outils juridiques existent déjà pour punir la fraude organisée à grande échelle. Mais c'est tellement plus simple de s'en prendre à des chômeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ce n'est pas en culpabilisant, en stigmatisant, en punissant les chômeurs, ni même en les incitant à retourner vers l'emploi à coup de primes plus ou moins avantageuses que l'on réduira le chômage ! Manier la carotte et le bâton, ce n'est pas conduire une politique de l'emploi, car les chômeurs ne sont pas la cause du chômage ! La politique de l'emploi, ce n'est pas ça. Ce n'est pas non plus remplacer des contrats de travail normaux par des contrats précaires.

Avec le contrat « nouvelles embauches », il n'y a pas eu création d'emplois nouveaux ; il y a eu simplement transfert d'embauche de CDI vers ce nouveau type de contrat, avec une baisse du statut et une augmentation de la précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il faut créer davantage d'emplois, alors qu'aujourd'hui la baisse du chômage est largement due aux premiers départs à la retraite des baby boomers. Il faut reparler de réduction du temps de travail, de relance européenne, d'assouplissement de la politique monétaire, d'investissements dans les économies d'énergie, de relance des emplois aidés, d'aide à l'économie sociale et solidaire, de formation continue. C'est dire combien ce projet de loi pour le retour à l'emploi n'est pas à la hauteur !

Nous aurions aimé que soient abordées la valorisation du montant du RMI, l'extension de cette allocation à tous les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans et sa non-conditionnalité, car dépendre des ressources des proches est particulièrement humiliant.

Avoir un projet solidaire, c'est permettre aux personnes privées d'emploi de pouvoir vivre normalement en toute dignité. Avoir un projet solidaire, c'est garantir un revenu minimal social supérieur au seuil de pauvreté.

Cela coûte cher, me direz-vous, mais c'est un faux calcul, car lorsqu'une personne perd son emploi, qui paie son loyer, son électricité, son chauffage ? Qui paie également pour le maintien de ses droits fondamentaux, pour l'éducation de ses enfants, pour la cantine scolaire ? Si les enfants sont déscolarisés, si les ennuis médicaux s'aggravent, qui paie sur le long terme ?

Tout cela coûte très cher à la collectivité, voire le plus souvent aux collectivités locales. Si ces personnes sont exclues, leur réinsertion coûte extrêmement cher à la collectivité.

Bref, garantir un revenu minimum décent, c'est éviter les exclusions. C'est non seulement un geste social et solidaire pour la collectivité, mais c'est aussi un geste économique !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai. » C'est probablement dans cette phrase de Talleyrand que le Gouvernement puise la lettre comme l'esprit de toute son action.

L'intitulé de la plupart des lois qui nous sont proposées sert davantage à masquer ses intentions qu'à préciser ses objectifs.

C'est ainsi qu'hier le projet de cohésion sociale était surtout le cheval de Troie de la déréglementation du licenciement et de la mise à mal du code du travail.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, derrière le titre pompeux de projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, on ne trouve en guise d'ambition que quelques réformettes techniques destinées à inciter les bénéficiaires de minima sociaux à retrouver un travail.

Cela pourrait prêter à rire. Cela ne donne qu'à pleurer !

D'autres orateurs l'on dit avant moi : vivre, ou plutôt survivre, grâce aux minima sociaux est rarement un choix ; c'est plus souvent une conséquence et c'est toujours une souffrance.

La philosophie de ce projet de loi l'ignore quand la question du retour à l'emploi se résume à rendre plus attractif le revenu du travail que celui de l'assistance. C'est oublier qu'actuellement travailler ne protège plus de la pauvreté. En effet, à force de tirer les salaires vers le bas et de conditionner l'embauche à l'acceptation de la précarité, le phénomène des travailleurs pauvres n'a cessé de se développer.

C'est oublier, également, que notre économie ne crée plus d'emplois et que, pour faire baisser statistiquement le nombre de chômeurs, on a fait glisser les bénéficiaires de l'assurance chômage vers le RMI.

C'est nier, surtout, que la question du retour à l'emploi est autant une question d'accompagnement social qu'une question d'intéressement financier.

Quand 6 millions de personnes vivent des minima sociaux, c'est qu'un pays est en panne, qu'une société est en crise et qu'une économie est en berne. C'est rarement parce que l'assistanat est la solution !

En effet, si en 2004 seulement 12, 5 % des bénéficiaires du RMI ont bénéficié d'un intéressement à la reprise de l'emploi, c'est sans doute dû autant à la persistance du chômage qu'à la complexité des procédures d'incitation.

Se retrouver dans le maquis des contrats aidés relève de l'exploit : contrat de qualification, contrat de professionnalisation, contrat d'insertion dans la vie sociale, contrat d'insertion lié au revenu minimum d'activité, contrat d'accès à l'emploi, contrat d'avenir, contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrat initiative-emploi, sans oublier le contrat emploi solidarité.

La tête vous tourne et peu d'entre vous, mes chers collègues, ont idée du contenu réel de ces contrats ? Vous n'êtes pas les seuls ! Les professionnels eux-mêmes sont perdus dans cette jungle de propositions où les individus sont découpés en tranches, répartis en cases, où ils n'ont accès aux différents contrats qu'en fonction de conditions qui ne cessent d'être redéfinies et modifiées, au gré des annonces gouvernementales et des besoins statistiques.

Alors imaginez un peu ce qu'un tel maquis de dispositions peut avoir de déstabilisant, voire de repoussant, pour celui qui a été exclu de toute activité salariée durant des années et qui commence à peine la longue marche de l'insertion ! Boileau le disait déjà il y a plus de trois cent cinquante ans : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Le langage, comme les mesures qui concernent l'exclusion sont opaques parfois, complexes souvent, illisibles toujours !

Que le Gouvernement avance le besoin de simplification et de cohérence pour justifier son intervention ne peut qu'être louable. Malheureusement, dans les faits, la simplification n'est pas si évidente et la cohérence semble être la grande absente de cette démarche.

En guise de simplification, vous ne faites que rajouter un étage à la « fusée » : le mécanisme d'intéressement n'est réformé qu'à partir de la soixante-dix-huitième heure de travail. En deçà, le système demeure inchangé.

Quant à cette limite, exprimée en termes d'horaire, elle n'est pas pertinente. Vous nous expliquez qu'il s'agit de fixer une durée suffisante pour assurer l'autonomie financière des salariés. Si tel est votre objectif, fixez plutôt cette limite en termes de revenus ! C'est ce que réclament les professionnels du secteur et c'est ce que veut la raison.

Sur ces aspects techniques, de nombreux écueils auraient sans doute pu être évités si vous aviez travaillé avec les associations d'insertion. Mais c'est une habitude de votre gouvernement, madame, de prôner la concertation et de ne jamais la pratiquer !

La cohérence, enfin, manque à l'appel. En refusant une approche globale de l'exclusion liant accompagnement social, retour à l'emploi, formation et question des droits connexes -comme la CMU par exemple -, vous vous privez des véritables moyens d'intervention sur ce secteur et vous excluez, de fait, du dispositif les populations les plus vulnérables.

Il faut beaucoup de temps et de moyens pour remettre en selle les personnes les plus exclues. Or rien n'est prévu pour financer l'accompagnement social nécessaire. Pis, la question n'est même pas évoquée.

Par ailleurs, plus la désocialisation a été longue, plus le besoin de formation est important. Comment résoudre le décalage croissant entre les besoins des entreprises et les chômeurs de longue durée sans travailler sur la remise à niveau des compétences professionnelles ?

De plus, la question des droits connexes n'est même pas mentionnée, alors qu'un SMIC à mi-temps, tout en ne permettant pas de vivre, entraîne notamment la perte de la CMU.

Face à un tel décalage entre le titre de la loi et la réalité de son contenu, comment comprendre la décision du Gouvernement d'ignorer les travaux des parlementaires ?

Le texte qui nous est présenté aujourd'hui est bancal, inabouti, manifestement pas à la hauteur des enjeux. Le prétexte de l'urgence n'en excuse pas la médiocrité. Celle-ci est d'autant plus impardonnable qu'il existe des travaux en cours traitant de ces questions d'une façon globale, cohérente et argumentée. Je pense, bien sûr, au rapport de notre collègue Valérie Létard. Je pense également à la réflexion menée par nos collègues Raincourt et Mercier ou encore au rapport publié par Martin Hirsch sur la fusion des minima sociaux et des revenus du travail.

Une telle désinvolture prouve que ce gouvernement n'a que dédain à l'égard des parlementaires, négligeant leurs propositions, méprisant leur travail et méconnaissant leurs réflexions. Nous en avons eu un nouvel exemple aujourd'hui avec l'annonce du contrat de transition professionnel, le CTP.

Pour légitimer ce projet de loi fragmentaire et minimaliste, l'urgence sociale est le seul argument du Gouvernement. C'est le thème du pompier pyromane, car si urgence il y a, elle est largement due à la politique menée par la droite : précarisation du salaire, chute du pouvoir d'achat, explosion du coût du logement, atteintes à la protection sociale, etc.

De surcroît, cette urgence n'est invoquée, madame la ministre, que pour assurer la publicité de vos initiatives. La seule vraie logique qui explique tant de précipitation est celle de l'affichage. Parce que vous baptisez « retour à l'emploi » un projet de loi, vous espérez que nos concitoyens vous créditeront de la volonté de régler le problème et, par ce tour de passe-passe, vous comptez vous exonérer de prendre les mesures efficaces et nécessaires qui s'imposent. C'est une triste politique que celle qui réduit l'action à la communication !

Comble de l'irresponsabilité, vous n'assumez même pas les conséquences financières de vos initiatives. Le risque est porté par d'autres. Votre vision de la décentralisation se résume ici à reporter la charge financière sur les départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Vous me répondrez, madame la ministre, qu'il n'y aura pas de charge supplémentaire pour les collectivités locales ou bien que l'État les compensera.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Absolument, et je ne manquerai pas d'exemples !

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Malheureusement, cette argumentation est usée jusqu'à la corde et la réalité la dément : non seulement les charges ne sont pas intégralement compensées, mais celles-ci augmentant au fil du temps, l'écart ne cesse de se creuser.

À titre d'exemple, avec l'augmentation continue du nombre de RMIstes, l'écart entre les ressources et les dépenses réelles a dépassé les 450 millions d'euros. En 2005, cet écart pourrait atteindre 1 milliard d'euros. Tout cela pèse sur la fiscalité des conseils généraux, et la droite saura l'exploiter le moment venu !

La vérité, c'est que les projections financières induites par ce projet de loi sont plus qu'approximatives, quand elles existent ... Le pudique silence qui prévaut sur ces questions n'est pas pour rassurer les présidents de conseil généraux.

Cette désinvolture est attestée par vos méthodes mêmes, madame la ministre. Pas plus que les parlementaires, l'Assemblée des départements de France n'a été associée à la préparation du projet de loi, alors même que ceux-ci doivent administrer et gérer ses conséquences. Cette façon de faire n'est pas acceptable.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Le Texier

Elle devient malheureusement coutumière. C'est d'autant plus regrettable que cette assemblée, loin de se cantonner à la seule défense de ses intérêts, pose des questions intéressantes sur les risques d'une approche réduite au transfert des seules prestations. Une réflexion par politiques publiques, fondée sur le partenariat et sur le partage des responsabilités entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, aurait sans doute été plus créative et plus féconde.

De nombreux élus s'inquiètent. C'est pourquoi ils alertent les pouvoirs publics sur le risque que ce projet de loi ait, à terme, des conséquences sur le niveau des salaires. Le danger peut exister de voir certains chefs d'entreprise moins bien rémunérer leurs salariés au motif qu'ils peuvent cumuler salaire et allocation. Or, sur cet aspect du problème, il n'existe aucun garde-fou.

Pourtant, lors de la réforme du calcul des indemnités des intermittents du spectacle, on a pu constater qu'un certain nombre d'entreprises déclaraient les mois travaillés en fonction de l'ouverture des droits ASSEDIC. En réalité, le salarié travaillait plus que les heures qui étaient transmises à l'ASSEDIC, la différence entre le temps de travail réellement effectué et celui que déclarait l'employeur était prise en charge par l'assurance chômage. C'est ainsi que la solidarité nationale permet à l'entreprise de faire des économies sur la rétribution du travail qu'elle demande aux salariés.

Quel que soit le secteur, on n'est jamais à l'abri de telles dérives et, si nombre d'entreprises s'engageant pour l'insertion sont exemplaires, l'exploitation de la misère a aussi une longue histoire. La lucidité aurait réclamé que ces questions soient débattues afin que les doutes soient dissipés.

Enfin, il en va en politique comme en psychanalyse : quelles que soient les précautions oratoires, à la faveur de lapsus, la vérité finit toujours par apparaître.

Vous prétendez ne pas vouloir stigmatiser les bénéficiaires de minima sociaux. Pourtant, à l'Assemblée nationale, lorsque les députés de votre majorité ont fait voter un système de sanction aussi humiliant que disproportionné, l'amendement a été retenu, sans que vous vous y opposiez.

Vous n'avez pas la moindre suspicion à l'égard des entreprises, mais, s'agissant des demandeurs d'emploi, c'est une autre affaire ! Or, comme l'a clairement dit Bernard Cazeau, la fraude aux minima sociaux représente moins de 1 % des versements, alors même que la caisse nationale des allocations familiales ne cesse de multiplier les contrôles. Sur les sommes indûment versées, il s'avère, une fois le contrôle effectué, que la plupart des allocataires étaient de bonne foi.

Tous les conseillers généraux vous le diront, madame la ministre, la complexité des dispositifs, comme leur absence de lisibilité, est source d'erreurs. D'ailleurs, dans ce cas, les sommes en cause sont bien souvent dérisoires.

Que l'on sanctionne avec sévérité la fraude organisée et intentionnelle n'est pas contestable. Mais ce qui est proposé dans ce projet de loi, à savoir la condamnation quasi automatique à une amende unique de 4 000 euros, est choquant. Outre que la somme est disproportionnée, elle ne tient aucunement compte de la nature de l'infraction. Elle ajoute ainsi l'injustice à la misère, le discrédit à l'exclusion.

Cette amende, dont le caractère outrancier a déjà été souligné par mes collègues, révèle le peu de considération qu'a votre majorité pour les personnes qui subissent l'exclusion, mais, surtout, elle accentue le rejet social que celles-ci supportent déjà. En leur collant une image de profiteur, elle vise à tarir la source même de la solidarité nationale.

On peut s'identifier à des trajectoires de vies brisées, on sait tous au fond de nous que l'être humain est fragile, qu'il est difficile de se relever de certains accidents, que certains destins sont tragiques. En revanche, il est difficile de se sentir concerné lorsque l'on fait passer les bénéficiaires de minima sociaux pour des fraudeurs, voire des fainéants jouisseurs.

C'est là tout ce que vous avez à proposer à notre société : opposer la difficulté à l'exclusion, la pauvreté à la misère, les salaires minimums aux minima sociaux. Vous parlez souvent du respect de la valeur travail, mais vous oubliez toujours que respecter le travail, c'est d'abord le payer !

Les gens que nous rencontrons dans nos villes ou dans nos permanences n'ont pas envie de vivre des minima sociaux : ils cherchent à travailler ! Ce n'est pas seulement une question d'argent, c'est aussi une affaire de dignité, de respect de soi et de place dans la société. Ils ne choisissent pas leur statut après avoir calculé le bilan coût-avantage de l'assistanat, pas plus que, demain, les jeunes de ce pays ne choisiront de gaieté de coeur l'emploi précaire que vous leur proposez plutôt qu'un métier.

Ne nous leurrons pas, en France, le problème majeur demeure le manque d'emploi, la médiocrité des salaires et l'atonie de la croissance ! Madame la ministre, ce n'est pas en construisant une société de la précarité que vous allez redonner confiance à un pays.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions particulièrement riches, et je vais tenter d'y répondre.

Madame Le Texier, afin de vous prouver tout l'intérêt que porte le Gouvernement au travail parlementaire, je ne citerai qu'un seul exemple : la nuit dernière, nous étions réunis dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, texte que le Sénat a d'ailleurs adopté à l'unanimité. Comme vous avez pu le constater, le Gouvernement est toujours très friand de ce genre de travaux. J'ai d'ailleurs rappelé au début de mon intervention que nous étudierons avec grand intérêt, dès qu'elles seront disponibles, les propositions du groupe de travail présidé par Mme Valérie Létard et les conclusions de la mission confiée à MM. Mercier et de Raincourt, qui ont trait au sujet qui nous occupe aujourd'hui.

Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier d'avoir, avec votre expérience, j'ose même dire avec votre capacité d'expertise, fort justement souligné l'opacité du système actuel d'intéressement et l'effort de lisibilité que traduit le projet de loi. Votre longue expérience au service des démunis fait de vous une autorité reconnue et écoutée dans notre pays sur ce sujet et votre parfaite connaissance des politiques sociales vous conduit à mesurer combien cette simplification et cette lisibilité sont essentielles. Nous reviendrons sur ce point tout à l'heure.

Monsieur Mouly, vous avez formulé de nombreuses réflexions. Je vais commencer par celle qui a trait à l'accueil des jeunes enfants.

L'accueil des enfants à l'école dès l'âge de deux ans est l'objet d'un grand débat dans notre pays. Vous le savez, la défenseure des enfants est fermement opposée à cette mesure. Pour autant, vous avez souligné un point sur lequel nous aurons à revenir tout à l'heure, celui de l'accompagnement que nous pouvons apporter aux mères. En effet, ce sont elles qui sont le plus souvent concernées par la difficulté de faire garder leur enfant, ne serait-ce, comme l'a rappelé M. Gournac, que lorsqu'elles veulent se rendre à un entretien d'embauche.

Vous avez également évoqué l'avancement du programme « Maisons de l'emploi ». Je ne peux que vous suivre sur ce sujet. Je vais d'ailleurs vous en dresser l'état des lieux en ce 25 janvier 2006.

La commission de labellisation a été installée en mai. Elle s'est réunie six fois. Aujourd'hui, 103 projets sont labellisés, alors que les estimations pour 2005 s'élevaient à 80 projets. Cela montre que les choses évoluent. Selon les préfets, 300 projets auront été labellisés à la fin de 2007, ce qui correspond incontestablement aux objectifs du plan de cohésion sociale. La dynamique est donc importante.

En outre, vous avez parlé des entreprises d'insertion. Je reviendrai plus longuement tout à l'heure sur ce point. Je tiens tout de même à dire que les entreprises d'insertion constituent une structure très efficace, car ce sont de véritables entreprises qui offrent de vrais contrats de travail.

Les salariés des entreprises d'insertion ne sont pas recrutés en contrat aidé, mais avec des contrats de droit commun. Ils sont donc pris en compte dans les effectifs de l'entreprise. Les représentants des entreprises d'insertion sont d'ailleurs attachés à cette disposition, qui correspond à la vraie vie et au respect du droit du travail dans toutes ses composantes.

À Mmes Le Texier et Létard, MM. Cazeau et Muzeau, je répondrai que l'action pour l'emploi est un sujet sur lequel nous avons débattu à de nombreuses reprises dans cet hémicycle. La discussion reste ouverte et nous continuons à avancer étape par étape. Il ne s'agit donc pas d'aborder aujourd'hui un point dont nous n'aurions jamais parlé ni dont personne ne se serait préoccupé. Au contraire, il s'agit de continuer à faire avancer notre réflexion et à adapter nos dispositifs. En effet, comme le Premier ministre le rappelle si souvent, on n'a pas le droit de ne pas tout tenter pour essayer de trouver des solutions au problème de d'emploi. C'est dans ce contexte précis que nous prolongeons ce débat ce soir.

Monsieur Cazeau, vous avez réclamé des études, des missions d'évaluation. Mais, vous le savez bien, les archives de la République en regorgent ! Soyons clairs : recourir à des études, mettre en place des missions, c'est souvent une façon de se donner bonne conscience et de gagner quelques mois ! En l'occurrence, le Gouvernement a choisi d'agir plutôt que de créer une mission supplémentaire.

Vous ne pouvez pas crier à l'affichage lorsque vous entendez une annonce et, dans le même temps, nous reprocher de nous atteler à sa mise en oeuvre. Après l'annonce faite par le Premier ministre en septembre dernier, que penseraient nos concitoyens s'ils n'en voyaient pas la couleur ?

Non seulement nous souhaitons faire des annonces, mais nous voulons également être capables des les mettre en pratique. Car ce qui préoccupe le Gouvernement, c'est le bien de nos concitoyens et leur accompagnement.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Il en va ainsi de la prime de retour à l'emploi de 1 000 euros. Je suis convaincue que ceux qui pourront la toucher, une fois que le Parlement aura voté le projet de loi et que les décrets d'application auront été publiés - avant la fin du premier semestre, nous l'espérons -, seront contents de voir qu'une mesure se traduit concrètement dans leur quotidien et qu'ils peuvent en bénéficier.

Monsieur Muzeau, madame Le Texier, vous avez évoqué les sanctions.

Les sanctions jusqu'ici prévues en cas de fraude étaient différentes selon qu'elles s'appliquaient à l'API, au RMI ou à l'ASS. Cette situation était injuste, d'autant que certaines de ces sanctions étaient particulièrement sévères, chacun le reconnaissait. Loin de les aggraver, le projet de loi non seulement les atténue, mais en plus il les harmonise. Ne nous reprochez donc pas d'essayer de répondre à une difficulté qui avait souvent été soulignée !

Monsieur Muzeau, vous avez également évoqué le service à la personne. Vous connaissez suffisamment bien l'évolution des courbes du chômage, non seulement en France, mais aussi en Europe, pour savoir que les chiffres des derniers mois montrent que les pays qui ont les plus fortes baisses du chômage sont ceux qui ont touché à deux activités : le bâtiment et le service à la personne.

Pourquoi ce qui marche ailleurs ne fonctionnerait-il pas en France ? C'est l'une des raisons de la mobilisation de notre pays sur ce sujet.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Madame Létard, vous avez souligné de très nombreux points positifs, et je vous en remercie. J'ai bien évidemment noté vos différentes interrogations, et je ne manquerai pas d'y répondre.

Nous avons repris l'idée de suppression du délai de latence sur les contrats aidés que vous aviez proposée dès 2003. Au départ, nous craignions que les personnes les plus éloignées ne soient pas les premières bénéficiaires de tels contrats. Mais il me paraît important de pouvoir accompagner cette démarche. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé intéressant de reprendre votre idée.

Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, poursuivre un débat présente un intérêt. Cela permet de faire avancer les dispositifs et, éventuellement, de reprendre certaines propositions qui avaient été écartées un jour, peut-être trop rapidement.

J'en viens, madame Létard, aux trois questions que vous avez posées.

Vous m'avez tout d'abord interrogée sur la neutralisation des ressources. Je vous confirme formellement que la prime de 1 000 euros et les primes forfaitaires mensuelles sont exclues du calcul des ressources pour toutes les prestations sociales et exonérées d'impôt. En outre, ainsi que je l'ai précisé dans mon propos introductif, ces primes sont incessibles et insaisissables.

Il en est de même s'agissant de la prime de 1 000 euros introduite par le décret du 25 août 2005, qui continuera à l'avenir de s'appliquer aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement sur l'article 1er du présent projet de loi, tendant à donner à cette prime exactement les mêmes caractéristiques que celles que j'ai évoquées à l'instant.

Vous avez ensuite abordé, madame Létard, une question également soulevée par M. Cazeau : les bénéficiaires de minima sociaux seront-ils ou non gagnants dans le nouveau système ?

En fait, la réforme que nous vous proposons augmente l'effort financier global en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux, à hauteur de près de 240 millions d'euros. Dans ces conditions, la majorité des personnes concernées seront très logiquement gagnantes.

Permettez-moi de vous citer trois exemples. Par rapport au système actuel, le gain sera de 149 euros par mois pour un bénéficiaire du RMI vivant en couple avec deux enfants et travaillant à plein temps, de 30 euros par mois pour une bénéficiaire de l'API travaillant à mi-temps et ayant un enfant, et de 160 euros par mois pour un bénéficiaire de l'ASS vivant en couple et travaillant 26 heures par semaine.

Ainsi, chacun le voit bien, notre réforme permet des avancées tout à fait importantes. La démarche est, selon nous, d'autant plus intéressante qu'elle incite au retour à l'emploi tout en offrant un supplément de revenus, ce qui constitue incontestablement une réponse aux problèmes soulevés.

Vous avez affirmé tout à l'heure, monsieur Cazeau, que nous n'avions ni observé la situation actuelle ni tiré de bilan. Alors voici quelques chiffres : seuls 11, 4 % des bénéficiaires du RMI bénéficient de l'intéressement et seuls 50 % d'entre eux ont signé un contrat d'insertion. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur ce qu'il est advenu du fameux « I » de l'insertion contenu dans le sigle RMI.

Le bilan de l'intéressement - vous le reconnaissez vous-même, monsieur Cazeau - est déplorable !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons voulu mettre en place la présente réforme, qui vise à inciter les allocataires de minima sociaux à reprendre un emploi durable et à proposer un dispositif plus lisible et plus encourageant, et ce sans aggraver les charges des départements.

Je voudrais à présent revenir - c'était votre troisième interrogation, madame Létard - sur le coût de la réforme, ainsi que sur son incidence pour les départements.

Ainsi que je vous l'ai dit, nous partons d'une base de calcul de 182 000 bénéficiaires, avec une prime s'élevant à 150 ou 225 euros. L'hypothèse retenue est une structure familiale identique à celle qui existe aujourd'hui.

En fait, le coût estimé est de 505 millions d'euros pour ceux qui reprennent un contrat de plus de 78 heures et de 199 millions d'euros pour ceux travaillant moins de 78 heures, soit un total de 704 millions d'euros. Or le coût actuel de l'intéressement, donc en l'absence de réforme, est de 706 millions. Ainsi, notre réforme permet à la marge une économie de 2 millions d'euros pour les départements.

S'agissant de la prime de 1 000 euros, son coût sera de 177 millions d'euros pour les 182 000 RMIstes, de 13 millions d'euros pour les 13 000 titulaires de l'API et de 48 millions d'euros pour les 50 500 personnes bénéficiant de l'ASS. Ainsi, 245 500 personnes bénéficieront de cette prime, pour un coût total de 238 millions d'euros, que nous avons arrondi à 240 millions d'euros.

J'aimerais à présent insister, ainsi que M. Gournac l'a fort bien fait tout à l'heure, sur une question extrêmement importante : l'insertion par l'activité économique.

N'oublions pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, lorsque nous parlons de l'insertion par l'activité économique, sont concernées 1 000 entreprises d'insertion, 900 associations intermédiaires et près de 1 600 chantiers d'insertion, qui emploient environ 300 000 personnes.

M. Alain Gournac acquiesce.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Ces structures font un pari audacieux. Vous avez prôné l'audace tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que les acteurs de l'insertion par l'activité économique en font preuve au quotidien. Leur pari est d'amener à l'emploi des personnes exclues du marché du travail par l'accumulation d'accidents de la vie, par des difficultés sociales ou par manque de qualification.

Oui, les structures d'insertion par l'activité économique sont un outil efficace de lutte contre le chômage !

La consolidation du secteur de l'insertion est, par conséquent, une priorité du plan de cohésion sociale que vous avez voté et que nous appliquons. Je vous rappelle que la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est le premier texte à accorder à ce secteur des moyens aussi importants.

Il y a d'un côté ceux qui font des voeux pieux et de l'autre ceux qui agissent !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Jamais les chantiers et les entreprises d'insertion n'ont eu autant de moyens. Ils ont ainsi reçu 193 millions d'euros pour la seule année 2006, hors exonérations.

Le nombre de postes dans les entreprises d'insertion passera de 11 000 à 15 000. À la fin du mois de janvier 2006, on dénombre déjà plus de 1 400 postes supplémentaires.

En outre, l'aide à l'accompagnement des associations intermédiaires a été généralisée et la dotation de l'État aux fonds départementaux d'insertion, les FDI, a été doublée. Les chantiers d'insertion ont également été reconnus comme des structures d'insertion permanente. Ils reçoivent une nouvelle aide à l'accompagnement de 15 000 euros par chantier.

Voilà des mesures concrètes qui sont mises en application ! Vous les avez votées et la loi a été promulguée en janvier 2005. Nous sommes en janvier 2006 et les mesures sont entrées en application. Tout faire pour l'emploi, c'est également cela : faire entrer en application les textes que vous adoptez. C'est ainsi que nous aurons une véritable efficacité.

Nous agissons également pour permettre un accès aux nouveaux contrats aidés adaptés aux besoins.

Ainsi, s'agissant du contrat d'avenir, l'État prend en charge 90 % de la différence entre le SMIC et le montant du minimum social activé, sans aucune dégressivité pendant toute la durée du contrat. C'était une demande très forte des ateliers et des chantiers d'insertion. Nous y avons répondu et vous avez accepté les dispositions que nous proposons.

La semaine dernière, nous avons signé avec plusieurs associations de chantiers d'insertion des accords d'objectifs pour le recrutement de 45 000 salariés en contrat d'avenir. Pour les jeunes de moins de 26 ans, le CAE, est pris en charge à hauteur de 105 % du SMIC.

Le présent projet de loi vise, à la demande des acteurs concernés et afin de faciliter leur organisation - la lettre de la fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale, la FNARS, est à votre disposition -, à assouplir la durée du contrat d'avenir. Celui-ci passera de vingt-six heures à vingt heures : cela faisait partie des demandes qui restaient en suspens.

Les moyens nouveaux visent à professionnaliser et à consolider les structures d'insertion. En effet, les aider et les accompagner, c'est clairement leur permettre d'avoir plus de lisibilité quant à leur budget. C'est pourquoi le budget de l'insertion par l'activité économique est inscrit dans la loi de finances pour les cinq ans à venir.

Par ailleurs, les aides sont désormais versées mensuellement par le CNASEA. Il s'agissait également d'une attente forte de la part des associations. Elles avaient en effet formulé une telle demande au mois de juillet dernier et nous y répondons dès le mois de janvier.

Monsieur Gournac, je tiens à vous remercier de votre contribution. Chacun sait combien vous avez accompagné toutes les demandes que je viens d'évoquer. Celles-ci obtiennent aujourd'hui une réponse.

Dans un autre domaine, je tiens à vous dire très calmement, mais très fermement, madame Demontès, que je n'accepte pas vos insinuations selon lesquelles, pour le Gouvernement, un pauvre serait un délinquant en puissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Pour ma part, je pourrais faire miens les propos de Mme Demontès !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'humain est bien entendu au coeur de nos débats. Je comprends que ceux-ci puissent susciter une certaine passion. Mais ce qui doit nous rassembler, au-delà de nos différences, c'est le respect que nous devons à nos concitoyens. Nous n'avons pas le droit de leur faire des procès d'intentions !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Madame Demontès, je ne céderai pas à la polémique à laquelle vous m'invitez. Je vous répondrai simplement sur deux points.

D'abord, le seuil de 78 heures par mois déclenchant la prime de 1 000 euros a été fixé pour encourager les reprises d'emploi au moins à mi-temps. Cela n'a aucune incidence sur le nombre des demandeurs d'emploi de catégorie 1.

Je rappelle que les modalités de calcul du nombre des demandeurs d'emploi sont fixées par des conventions internationales sous l'égide de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, et que rien dans le présent projet de loi ne vient les modifier directement ou indirectement.

S'agissant ensuite des perdants de cette réforme, c'est bien parce que nous voulions éviter ce que vous dénoncez que nous avons prévu le maintien du système actuel, qui restait plus favorable, pour les personnes reprenant au moins un travail à mi-temps.

Monsieur Virapoullé, votre intervention - je pense notamment à vos propos sur la dignité du retour à l'emploi - m'a interpellée. Vous avez posé des questions extrêmement pertinentes.

Je vous confirme que, dans le cas que vous avez cité, le bénéfice de la CMU est bien maintenu. S'agissant de la CMU complémentaire, j'aurai l'occasion de m'exprimer de manière plus détaillée à l'occasion de l'examen d'un amendement présenté par Mme Létard à l'article 1er.

Je sais que la taxe d'habitation est aujourd'hui due au-delà d'un seuil de revenus, avec tous les inconvénients qui s'attachent aux seuils. Mais ce prélèvement présente tout de même un avantage : il n'est pas lié à un statut tel que celui d'allocataire du RMI. C'est pour cela qu'il faudrait que nous retravaillions sur ces questions.

Vous avez formulé plusieurs propositions extrêmement intéressantes. Je prends devant vous l'engagement de les faire expertiser.

Je suis très sensible à votre proposition d'encourager la reprise d'entreprises par des demandeurs d'emploi et des allocataires de minima sociaux.

Ainsi que vous l'avez fort justement souligné, trop d'entreprises artisanales disparaissent, notamment en milieu rural, faute de repreneurs. Votre idée d'un contrat repreneur d'entreprise est très intéressante. Elle mérite d'être creusée afin d'avancer sur le sujet.

Monsieur Desessard, vous avez posé une question importante sur l'AAH. Vous demandez pourquoi les bénéficiaires de cette allocation sont exclus de la réforme.

La réforme de l'intéressement ne concernera effectivement pas les titulaires de l'AAH, car ceux-ci peuvent déjà cumuler leurs revenus d'activité avec leur allocation.

Vous le savez probablement, l'AAH est déterminée d'une manière générale en fonction des seuls revenus nets catégoriels, c'est-à-dire après les abattements fiscaux de droit commun de 10 % et 20 % et les abattements spécifiques aux personnes en perte d'autonomie. Les bénéficiaires de l'AAH reprenant une activité cumulent donc partiellement prestation et revenus, puisqu'une seule partie de ces revenus est prise en considération pour la détermination du montant de l'allocation.

Au contraire, la détermination du montant du RMI ou de l'API est faite en prenant en compte le revenu avant application d'éventuels abattements fiscaux.

Par ailleurs, le droit à l'AAH est examiné pour chaque période d'un an commençant au 1er juillet de chaque année, sur la base des ressources imposables au cours de l'année civile précédant le début de l'exercice de paiement. L'allocataire peut donc, en cas de reprise d'activité, cumuler de façon intégrale l'allocation et ses revenus d'activité pour une période allant de sept à dix-huit mois selon la date de reprise d'activité.

Enfin, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a amélioré les possibilités de cumul en prévoyant pour l'examen des ressources une neutralisation d'une partie des rémunérations d'activité de l'intéressé tirées d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. Il s'agit d'un intéressement sans aucune limitation de durée.

Le Gouvernement a veillé à ce que les décrets d'application sur l'AAH soient pris dès le 1er juillet 2005.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi offre la possibilité de faire un pas, d'accompagner celles et ceux qui retournent vers l'emploi et de faire en sorte que le revenu de leur travail soit effectivement plus rémunérateur que celui de l'assistance. C'est une étape supplémentaire dans le grand débat, qui nous mobilise tous, sur l'emploi dans notre pays.

Je suis convaincue que nous trouverons ensemble les solutions. Telle est en tout cas la volonté du Gouvernement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission centrale de classement des débits de tabac.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 62, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au retour à l'emploi et aux droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (118, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous assistons aujourd'hui à un démantèlement accéléré - sans précédent - du code du travail et des droits des travailleurs, droits acquis au fil de décennies de combats politiques et de luttes sociales.

Historiquement, notre société a ancré sa dynamique de progrès social dans l'amélioration progressive et continue des conditions de vie et de travail.

Or ce gouvernement s'attache à tailler en pièces ces garanties de niveau de vie et de stabilité familiale, sociale et économique, par une politique entièrement axée sur la logique du profit de quelques entrepreneurs et de grands groupes bancaires.

Au début de l'été dernier, le Gouvernement a imposé aux Français, par la voie des ordonnances, le contrat nouvelles embauches. Il ne s'est agi là que de la première étape du bouleversement sans précédent des acquis du monde du travail effectué par M. de Villepin et son gouvernement.

Ce bouleversement se poursuit aujourd'hui avec l'annonce de la création du contrat première embauche, véritable « copier-coller » du contrat nouvelles embauches, destiné à nos jeunes générations rencontrant des difficultés d'intégration dans l'emploi.

Les plus âgés des Français ne seront pas épargnés non plus. La création d'un CDD « vieux » - je le dis avec humanisme, mais ce terme, utilisé par les médias, veut bien dire ce qu'il veut dire, même s'il ne nous convient pas, madame la ministre - mettra en cause la stabilité des travailleurs en fin de carrière, alors que la durée d'activité s'allonge malheureusement toujours un peu plus.

La nouvelle conception du monde du travail mise en oeuvre par le Gouvernement fait de la précarité une règle. Ainsi Mme Laurence Parisot a-t-elle déclaré, le 30 août dernier : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».

Alors qu'il était une garantie de stabilité, le contrat à durée indéterminée devient, avec le contrat nouvelles embauches, synonyme d'emploi précaire. Aujourd'hui, plus rien ne garantit aux travailleurs des conditions de travail, et donc de vie, relativement stables.

La précarité explose : contrats à durée déterminée de quelques mois, contrats en intérim de quelques jours, contrats nouvelles embauches avec licenciement sans raison motivée, licenciements économiques anticipés, sans recours possible, tel est, madame la ministre, le monde du travail que vous et votre majorité êtes en train de dessiner.

De plus, vous opposez les travailleurs les uns aux autres, les jeunes aux vieux, les femmes avec enfants aux hommes célibataires.

Cette segmentation dangereuse du marché du travail accroît la pression sur les travailleurs, qui sont sans cesse accusés d'être la cause du chômage alors qu'ils en sont victimes du fait du coût trop élevé du travail.

C'est bien de cela qu'il s'agit, madame la ministre, dans le dernier rapport sur le salaire minimum que les services du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement viennent de rendre public.

Personne n'est dupe : la politique du Gouvernement, qui se veut sociale, ne fait qu'institutionnaliser la pauvreté et l'instabilité sociale, familiale et économique pour toutes les générations, et ce à vie !

Tel est le paysage politique dans lequel nous abordons l'examen de ce projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Chacun sait que ce texte n'est que la première étape d'un projet de plus grande ampleur visant à refondre totalement les minima sociaux tels que nous les connaissons aujourd'hui.

La méthode gouvernementale nous inquiète. En effet, alors que, sous la direction de Mme Valérie Létard, un groupe de travail sénatorial, dont je fais partie, réfléchit depuis plusieurs mois à des pistes de réforme des minima sociaux, le présent texte en anticipe les conclusions. Pourquoi un tel empressement ? Quels mauvais coups sont en préparation ?

Par ailleurs, je souligne que la commission des affaires sociales, fait exceptionnel, n'a procédé à aucune audition en préparation de ce texte. Les structures d'aides sociales et les associations qui travaillent chaque jour sur le terrain avec les bénéficiaires des minima sociaux n'ont pas une seule fois été interrogées par la commission !

Je m'inquiète également au sujet d'une proposition de loi sur les minima sociaux que l'on nous a annoncée pour les jours ou les semaines à venir et sur laquelle nous ne disposons pas de la moindre information pour l'instant. Peut-être M. de Raincourt ou Mme Létard pourraient-ils nous renseigner à ce sujet ?

La méthode employée est révélatrice de vos intentions, madame la ministre. Votre volonté de réforme dissimule mal le fait que votre projet est de réduire les aides accordées, ainsi que le champ des publics concernés, afin de réaliser quelques économies sur le dos des plus démunis et de pouvoir afficher des statistiques sur le chômage en baisse à la veille de l'élection présidentielle.

Je ne serais pas étonné si la fameuse proposition de loi que l'on nous annonce pour la fin du mois de février était, entre autres, la traduction législative des vues de MM. Mercier et de Raincourt, qui évoquent clairement, dans le rapport qu'ils ont remis au Gouvernement, la fusion en une seule allocation de certains minima sociaux, c'est-à-dire du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé.

En fait, sous prétexte de clarifier un système qu'il considère comme trop complexe - neuf minima sociaux !-, le Gouvernement souhaite uniformiser la prise en charge des plus démunis pour aboutir à une allocation unique. Une telle uniformisation se fera au détriment des plus pauvres, mis au ban de la société et stigmatisés comme assistés et fraudeurs en puissance.

L'objectif est clair : aboutir à une allocation unique, sur critère exclusif de revenu, alors que, jusqu'à présent, dans le système en vigueur, le critère d'attribution du revenu a toujours été complété par la prise en compte du statut - femme seule élevant un enfant, handicapé ou chômeur en fin de droit par exemple -, et ce afin de respecter les spécificités de chacun. Ce critère du statut est donc grandement menacé. Ce sont les plus pauvres qui en seront les premières victimes !

L'existence de ces différents statuts ne constitue pas, madame la ministre, une complexité ou une lourdeur administrative inutile. Ils correspondent chacun à des situations et à des parcours de vie différents. Ils évitent des amalgames et des raccourcis qui conduisent à penser que la société a à sa charge une population d'assistés, dépeinte, depuis la loi Fillon, comme une masse d'indigents, informe et sans visage.

Ce texte traduit votre volonté de démanteler les systèmes d'aides et de protection sociale. Ce gouvernement organise une véritable chasse aux pauvres, aux chômeurs et aux assurés sociaux, qui s'accompagne d'une campagne médiatique sans précédent, visant à les présenter comme les seuls responsables de leur sort et comme des fraudeurs potentiels.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Votre politique aboutit à une destruction nette d'emplois, et, je vous le rappelle, si les chiffres du chômage baissent, c'est parce que la population active est moins nombreuse et non pas parce que le volume d'emplois augmente.

Vous avez durci les conditions d'accès au régime d'assurance chômage, faisant basculer des milliers de personnes vers l'assistance.

Selon l'INSEE, le nombre de demandeurs d'emploi non indemnisés a augmenté de 9 % en 2004 ! De même, le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 5 % en 2003 et de 8, 5 % en 2004 ! Et il en sera au moins de même en 2005.

Une autre donnée est très significative de votre politique de l'emploi : alors que le nombre de demandeurs d'emploi de plus de trois ans a diminué entre 1999 et 2003, il a augmenté de 8, 8 % cette année, ce qui conduit au maintien du nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, alors même que le nombre de bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite de remplacement, l'AER, n'a cessé d'augmenter depuis sa création en 2002. Au total, si l'on y inclut les ayants droit, un peu plus de six millions de personnes sont couvertes par les minima sociaux.

Quel avenir, madame la ministre, réservez-vous à ces personnes ?

Cette manière de légiférer, à la hussarde - nous l'avons encore constaté ce matin en commission -, quasiment en catimini et de manière décousue, n'est pas acceptable. Sous des allures de politique sociale, les mesures d'affichage contenues dans ce texte, comme la prime de 1 000 euros ou la prime d'intéressement forfaitaire, réduisent les droits des personnes les plus défavorisées tout en accroissant la complexité des modes de calcul et des critères d'attribution.

Le plus insupportable dans la politique que mène ce gouvernement est la chasse aux fraudeurs parmi les allocataires de l'assurance chômage et les bénéficiaires de minima sociaux, alors qu'ils ne constituent qu'une infime minorité.

Vous renforcez les sanctions pénales contre les plus pauvres alors que ces populations connaissent déjà de grandes difficultés financières. Vous aggravez leur situation par des sanctions administratives. En revanche, les riches bénéficient d'une totale impunité.

Comment justifier un tel acharnement alors que, selon les chiffres de la Caisse nationale des allocations familiales, les fraudes représentent environ 0, 004 % des cas traités, autrement dit zéro ?

De même était-il indiqué, dans le rapport Marimbert sur le service public de l'emploi, remis au Gouvernement en janvier 2004, que seul 0, 08 % des dossiers de demandeurs d'emploi donnent lieu à poursuites, soit, encore une fois, zéro !

Pourtant, le décret publié le 24 décembre dernier, en guise de cadeau de Noël, qui autorise les agents relevant du ministre chargé de l'emploi à « se faire communiquer par les administrations fiscales, en cas de présomption de fraude, toutes données et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission », laisse entendre, de manière perverse, qu'il y a urgence à agir.

En revanche, bien sûr, les aides astronomiques - leur montant s'élève à plus de 26 milliards d'euros - que l'État octroie aux entreprises ne donnent lieu, elles, à aucun contrôle sur le nombre de créations d'emploi qu'elles ont permis.

Alors que le chômage reste massif en France, l'objectif du Gouvernement est clairement de stigmatiser les chômeurs ou les plus pauvres, en les présentant comme responsables de leur situation, comme des paresseux et des profiteurs.

Et au moment où vous ponctionnez l'épargne populaire, votre politique fiscale permet aux 180 000 foyers les plus riches de notre pays de bénéficier d'une baisse d'impôt de 2, 5 milliards d'euros !

Il est indécent de vouloir réaliser des économies budgétaires sur les personnes bénéficiant des minima sociaux, qui touchent, je vous le rappelle, 400 euros par mois. De quoi profite-t-on, madame la ministre, avec de tels revenus ? Je vous le demande !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous estimons qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion d'un tel texte.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Dire du présent projet de loi qu'il bouleverse notre système de minima sociaux et qu'il met en péril la solidarité nationale me semble parfaitement excessif.

Au contraire - cela a déjà été souligné -, l'objet de ce texte est limité, ce qui lui a d'ailleurs parfois été reproché : il vise à rendre plus efficaces et plus incitatifs en termes de retour à l'emploi des dispositifs de cumul temporaire entre salaire et minima sociaux qui existent déjà mais restent peu et mal employés.

Il est évident que ce projet de loi ne résoudra pas à lui seul le problème de l'emploi dans notre pays. Telle n'est d'ailleurs pas son ambition. Mais il s'inscrit résolument dans le cadre de la « bataille pour l'emploi » que le Premier ministre s'est engagé à gagner et qui commence d'ailleurs à porter ses fruits, comme le montrent les dernières évolutions des chiffres du chômage.

Compte tenu de l'urgence de la mobilisation pour l'emploi, repousser sans l'examiner un projet de loi qui prévoit des mesures concrètes pour favoriser le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, c'est encourir, à mes yeux, le reproche d'irresponsabilité.

C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cette motion.

Je me permets d'ajouter, puisque des accusations de « chasse aux pauvres » ont été portées, que si le moindre soupçon sur cet aspect des choses, au cours de nos débats, paraissait fondé, je démissionnerais instantanément de ma fonction de rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

On en parlera aux présidents de conseils généraux !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Ils sont à votre disposition à longueur d'année !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Ils sont moins nombreux qu'hier à droite de cet hémicycle !

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité

La discussion générale a bien montré nos divergences de vue.

Très franchement, monsieur Fischer, l'objectif du Gouvernement n'a rien à voir avec les statistiques. Notre volonté est d'aider les femmes et les hommes de notre pays qui sont les plus éloignés de l'emploi à y retourner en utilisant tous les moyens qui permettent de le faire.

D'autres réformes restent à faire, nous le savons tous. Des travaux sont en cours. Avec ce texte, qui traduit concrètement les engagements du Gouvernement, nous franchissons une première étape. Il serait dommage, pour les bénéficiaires, de ne pas le faire dès maintenant.

Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n°62, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par Mme Printz, M. Cazeau, Mmes Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 38, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (118, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précarité est un phénomène inquiétant qui ne cesse de progresser dans notre pays.

Les dernières statistiques de décembre 2005 font apparaître une augmentation continue du nombre de bénéficiaires de minima sociaux, notamment du RMI. On en dénombre 1 107 000, soit 22 000 de plus en trois mois et 6, 2 % de plus en un an. En outre, 470 000 personnes vivent de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, et 175 000 personnes perçoivent l'allocation de parent isolé, l'API. Avec les ayants droit, cela représente quelque six millions de personnes vivant de minima sociaux.

Cette augmentation peut s'expliquer par la situation très défavorable de la création d'emploi et par l'augmentation du nombre de chômeurs non indemnisés par l'UNEDIC après la réforme de l'assurance chômage intervenue à la fin de 2002. Ainsi, 59, 5 % des chômeurs sont aujourd'hui indemnisés par l'UNEDIC, les autres relevant de dispositifs de solidarité. Les récentes négociations n'arrangeront rien, bien au contraire, puisque les conditions d'accès à l'allocation chômage ont été durcies. Ainsi, selon l'office Eurostat, 7, 2 millions de personnes vivent aujourd'hui avec moins de 720 euros mensuels en France.

La précarité devient un phénomène durable et concerne particulièrement les jeunes. Un tiers des allocataires du RMI le sont depuis plus de cinq ans ; ils sont donc très loin de l'emploi, en grande difficulté sociale.

Par ailleurs, le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de 9, 3 % en un an.

Mais le plus grave, comme le montre la dernière enquête du Secours catholique, est que les personnes en situation de grande précarité subissent en outre une perte de pouvoir d'achat. Celle-ci a été de 1, 5 % en moyenne pour les personnes secourues entre 2003 et 2004.

Cette situation invraisemblable est à mettre en rapport avec les effets des dernières lois de finances en faveur des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, des détenteurs de portefeuilles d'actions, des bénéficiaires de niches fiscales. On prend aux pauvres pour donner aux riches, en quelque sorte.

De la précarité découle le problème du logement. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées : SDF, habitat provisoire ou insalubre, squats, etc. Par ailleurs, 1, 3 million de personnes sont officiellement en attente d'un logement social. Le « reste à vivre mensuel » des personnes en logement précaire - hôtels, caravanes, centres d'hébergement... - est ainsi tombé de 304 euros en 2002 à 261 euros en 2004.

Être sans emploi dans notre société est tellement dévalorisant que cela entraîne un repli sur soi, une perte de confiance, des soucis de santé et des problèmes familiaux.

Dans ce contexte de généralisation progressive de la précarité et d'accroissement des inégalités, et après les graves événements des banlieues, le Gouvernement semble décidé à réagir. C'est pourquoi nous examinons aujourd'hui ce projet de loi sur le retour à l'emploi, au titre très ambitieux eu égard aux mesures qui nous sont proposées. Celles-ci relèvent davantage de l'effet d'annonce que d'une volonté réelle de mettre fin à l'exclusion.

Pourtant, de nombreux rapport ont révélé des pistes de réflexion intéressantes.

Il y a eu tout d'abord le rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, présidé par Jacques Delors, puis celui de Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, puis les rapports parlementaires établis par Michel Mercier, au nom de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, celui de Valérie Létard sur les minima sociaux et, enfin, celui de nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt, adressé au Premier ministre.

Pour ce qui est de ce dernier rapport, le Gouvernement n'a même pas attendu ses conclusions. Sa volonté de se désengager le plus rapidement possible de l'action sociale, au détriment des collectivités territoriales, a prévalu sur la réflexion et la qualité des propositions.

Ainsi, malgré tous ces rapports, nous nous trouvons face à un texte rédigé dans la précipitation et sans concertation en amont avec les acteurs de terrain.

Pourquoi ne pas avoir travaillé avec les grandes associations ? La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPSS, les conseils généraux, les mouvements de chômeurs auraient eu beaucoup d'observations à formuler sur ce sujet. Mais aucune d'entre elles n'a été consultée, ce qui, malheureusement, semble être devenu une habitude depuis la création du RMA. On décide sans écouter l'avis des principaux intéressés, ce qui est à déplorer.

En conséquence, nous examinons aujourd'hui un texte qui, au lieu de l'aider, stigmatise une partie de la population, puisque le non-respect des contraintes qu'il prévoit peut entraîner des radiations. En d'autres termes, il punit les chômeurs qui ne parviennent pas à retrouver un emploi, alors qu'il existe peu d'emplois disponibles sur le marché du travail.

Le volet « sanction » du texte, inséré par amendements à l'Assemblée nationale, est totalement disproportionné, et inapplicable ; il risque de provoquer un endettement à vie des personnes en difficultés. De nos jours, le chômeur, le bénéficiaire de minima sociaux est rendu responsable de son état et mis en accusation.

On peut se demander si le fait de culpabiliser ces populations n'est pas une diversion pour tenter de faire oublier l'échec du Gouvernement en matière de mise en oeuvre d'une politique créatrice de croissance et d'emplois apte à diminuer le nombre d'allocataires du RMI, comme celle qui fut mise en place en 2000 et 2001 sous le gouvernement Jospin. Il faut être honnête, notre société n'est pas créatrice de vrais emplois.

Par ailleurs, ce texte, purement technique, ne constitue pas une réponse globale au problème de la précarité. Les mesures proposées sont insignifiantes. Ce gouvernement à tendance à ne traiter les problèmes de notre société qu'à la marge, sans aller au fond des choses, à faire du « rafistolage » en quelque sorte.

M. Éric Doligé s'exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Ainsi, le seuil de 78 heures n'est pas adapté aux personnes les plus éloignées de l'emploi, qui se trouvent dans des situations de détresse extrême. Après plusieurs mois passés dans la rue, effectuer ce nombre d'heures de travail représente pour elles le même effort qu'un travail à temps plein. C'est l'activité qui doit s'adapter à la personne et non l'inverse. On doit davantage prendre en compte le problème de la personne et son itinéraire.

Le texte ne résout pas non plus les problèmes liés aux effets de rupture de soins et à la malnutrition. La question de la garde des enfants n'est abordée que de manière marginale, à travers une priorité ou un quota de places réservées dans les structures existantes, c'est-à-dire à la charge des communes et des conseils généraux. On sait pourtant combien la question de la garde d'enfants est essentielle, dans un contexte où l'API, les bas salaires et le travail à temps partiel concernent essentiellement les femmes.

Pour ce qui est de la prime de retour à l'emploi, il s'agit avant tout d'un effet d'annonce puisqu'elle existe déjà. En effet, le décret n°2005-1054 du 29 août 2005 pris en application de l'ordonnance du 2 août 2005 créait une prime exceptionnelle de retour à l'emploi d'un montant de 1 000 euros pour certains bénéficiaires de minima sociaux, versée après quatre mois de travail et pour un contrat d'au moins 78 heures par mois. Rien de très nouveau, donc ! En revanche, cette prime suscite de nombreuses interrogations liées à la complexité d'un nouveau dispositif mettant en scène une multiplicité d'acteurs.

Et comment la personne concernée fera-t-elle face aux frais inhérents au retour à l'emploi pendant les quatre premiers mois, en matière notamment de garde d'enfants et de transports ? A-t-on envisagé le maintien des droits connexes : la CMU complémentaire, l'APL à taux plein, l'exonération des impôts locaux ? Si la personne perd son emploi au bout de deux mois et demi pour quelque raison que ce soit, que percevra-t-elle ?

Est-ce uniquement un hasard si le seuil retenu par le Gouvernement, pour le versement de la prime, est de 78 heures travaillées dans le mois, horaire au-delà duquel les demandeurs d'emploi ne peuvent plus être inscrits en catégorie 1, seule prise en compte dans les statistiques officielles du chômage ? Qu'en est-il, en outre, de la formation ? Nous souhaitons des réponses précises à ces questions.

Devant les nombreuses interrogations suscitées par ce texte, et pour toutes les raisons évoquées, nous vous demandons, madame la ministre, de reprendre ce travail à la lumière des rapports qui vous ont été remis et des réflexions qui ont été menées par les grandes associations.

En l'état, votre texte exprime davantage une suspicion à l'encontre des bénéficiaires des minima sociaux qu'une volonté de traiter la précarité dont ils sont victimes. Il n'ouvre pas de perspectives d'avenir pour les jeunes en difficulté. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion tendant au renvoi du projet de loi à la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Vous estimez, madame Printz, que le Sénat n'est pas suffisamment informé pour pouvoir délibérer de ce projet de loi.

Pourtant, depuis le mois de mars dernier, la commission des affaires sociales travaille sur la question des minima sociaux. À la suite de la publication du rapport de Valérie Létard, en mai dernier, nous avons même mis en place un groupe de travail sur ce sujet, qui a procédé à nombre d'auditions et de déplacements sur le terrain. Dans ce cadre, les principales associations oeuvrant dans le secteur de la lutte contre les exclusions ont pu être entendues, et elles n'ont pas manqué de faire part de leurs observations sur le projet de loi. Il me semble donc que notre assemblée est tout à fait en mesure de se prononcer en connaissance de cause sur les mesures présentées.

Sur le fond, le rapport de Valérie Létard a mis en lumière la faible efficacité de l'intéressement actuel et le frein au retour à l'emploi que constitue la complexité extrême des règles permettant la combinaison des prestations entre elles et avec un revenu d'activité. Le présent texte vise à simplifier et à rendre plus attrayants ces dispositifs : il serait donc très dommage de le rejeter.

Par ailleurs, vous déplorez, ma chère collègue, le caractère parcellaire de ce projet de loi. La commission aurait, il est vrai, souhaité examiner un texte d'ensemble sur les minima sociaux ; elle ne s'en est pas cachée. Cela étant, le présent projet de loi n'est qu'une première étape : deux propositions de loi, examinées conjointement par la commission des affaires sociales, devraient être prochainement déposées sur le bureau du Sénat. L'une est issue des réflexions de notre groupe de travail, l'autre résulte de l'étude menée par nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt. Nous aurons donc très bientôt le débat d'ensemble que vous appelez de vos voeux.

Cependant, je voudrais insister sur le point suivant : il serait illusoire d'attendre d'un texte, si complet soit-il, la résolution de l'intégralité des problèmes mis en exergue dans ce domaine. Il était urgent d'oeuvrer pour le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, et une partie des mesures présentées étaient déjà expérimentées depuis août dernier. Par conséquent, pourquoi attendre ?

J'évoquerai maintenant - modestement, mais je ne peux tout de même pas m'en dispenser -, le rapport que j'ai remis au Premier ministre en juillet 2003 et qui montrait précisément, s'agissant de cette question de l'intéressement, que le calcul des ressources était impossible et qu'il était urgent de simplifier le dispositif. J'avais procédé personnellement, à l'époque, à plus d'une centaine d'auditions avant d'aboutir à ce constat, et j'espère répondre ainsi à vos interrogations, madame Printz.

En tout cas, pour ce qui me concerne, je pense, en conscience, que la mesure est d'une portée très restreinte mais qu'elle se révélera efficace. Or, depuis des années, la conviction unanime est qu'il faut parvenir à calculer, par anticipation, les revenus à attendre du dispositif d'intéressement. Dans ces conditions, il est difficile, et même impossible à mes yeux, de repousser ce texte.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Le Gouvernement est défavorable à cette motion, notamment pour toutes les raisons que vient d'exposer M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 38, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 98, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé de cette division, remplacer le mot :

Incitations

par le mot :

Aides

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Les demandeurs d'emploi non indemnisés par l'assurance chômage et bénéficiaires de minima sociaux ne choisissent pas d'être privés d'emploi. Or le terme « incitations » laisse supposer une réticence à la reprise d'emploi, que toutes les études démentent.

Dans cette perspective, les dispositifs prévoyant le cumul d'allocations et de rémunérations liées à une reprise d'activité ont pour objet d'apporter une aide aux personnes fragiles concernées, afin d'éviter que celles-ci ne perdent leurs droits aux minima sociaux et les droits connexes avant d'être assurées d'avoir retrouvé un emploi durable, ce qui transformerait leurs démarches en cauchemar administratif.

Il s'agit ici d'un amendement idéologique.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je profiterai de la présentation de cet amendement pour revenir sur des propos tenus tout à l'heure par Mme la ministre, qui a dit qu'il faut tout faire pour créer de l'emploi. Eh bien, madame la ministre, s'il s'agit, sous prétexte de créer des emplois, d'abaisser le niveau des prestations sociales et d'instaurer des salaires très faibles pour rivaliser avec ceux qui sont pratiqués en Asie, nous ne pouvons pas être d'accord ! Il faut tout faire, certes, pour développer l'emploi, mais dans le cadre légal du contrat de travail aujourd'hui en vigueur et avec un objectif de lutte contre la précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

L'adoption de cet amendement créerait un risque de confusion avec un autre dispositif, celui de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, qui concerne le régime de l'assurance chômage.

C'est pourquoi je suis conduit à émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Le Gouvernement est très sensible au risque de confusion évoqué par M. le rapporteur. C'est la raison pour laquelle il est défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 100, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-8 du code du travail, les mots : « peuvent prévoir » sont remplacés par le mot : « prévoient ».

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Ce projet de loi vise à favoriser le retour à l'emploi durable. Dans cette optique, les conventions de l'État ouvrant droit aux contrats initiative-emploi doivent prévoir - et non « peuvent prévoir » - des actions d'orientation, de formation, de validation des acquis de l'expérience, ainsi que des mesures d'accompagnement professionnel.

C'est une obligation qu'il est proposé ici d'inscrire dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

L'adoption de cet amendement susciterait une rigidité supplémentaire, peu compatible avec une gestion convenable du dispositif du contrat initiative-emploi.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Les salariés embauchés dans le cadre des contrats initiative-emploi ont accès aux dispositifs d'accompagnement et de formation de droit commun tels qu'ils sont notamment définis dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Des actions d'orientation, de formation professionnelle, de validation des acquis de l'expérience ou des mesures d'accompagnement professionnel sont prévues lorsqu'elles s'avèrent nécessaires à l'insertion professionnelle durable du salarié et sont de nature à faciliter la réalisation du projet professionnel du bénéficiaire du contrat initiative-emploi.

Dans ce cas, les actions sont mentionnées dans la convention conclue entre l'employeur et l'ANPE qui accompagne le contrat initiative-emploi. Ces actions peuvent être prises en compte pour la détermination du niveau de l'aide perçue par l'employeur.

Enfin, dans le cadre du dispositif du contrat initiative-emploi, les salariés peuvent également bénéficier des actions d'accompagnement ou de formation mises en oeuvre par le service public, notamment par l'ANPE et l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 99, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La seconde phrase du premier alinéa du III de l'article L. 322-4-8 du code du travail est supprimée.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La suppression du nombre maximal de renouvellements possibles des CIE à durée déterminée, sans même qu'un minimum soit fixé pour celle-ci, fait du CIE un contrat particulièrement précaire, pouvant être renouvelé - ou non - au gré de l'employeur, y compris pour de très courtes durées. Il n'y a pas lieu de favoriser la précarité des contrats, s'agissant des CIE qui sont conclus dans le secteur marchand.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Dans le cadre des CIE, les besoins ou les caractéristiques propres au demandeur d'emploi sont pris en compte. Je ne crois pas souhaitable de rigidifier le dispositif et de rendre plus difficile le recours à ce dernier. Il me semble au contraire préférable de favoriser la signature de CIE, fussent-ils précaires, c'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Je crois important de rappeler que, dans le plan de cohésion sociale, le contrat initiative-emploi, le CIE, est finalement le seul contrat aidé à permettre de contracter un contrat à durée indéterminée, puisqu'il offre une double possibilité.

Avec le recul, nous savons que plus de 80 % des personnes embauchées dans le cadre d'un CIE ont conclu un contrat à durée indéterminée. Cette mesure est donc clairement de nature à permettre le retour à un emploi durable de ses bénéficiaires en favorisant leur reprise d'activité dans des conditions aussi proches que possible du marché du travail.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 40, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Nous nous trouvons de nouveau ici devant un problème de cohérence.

Le projet de loi qui nous est présenté prétend favoriser la réinsertion des allocataires de minima sociaux. Qu'entend-on par réinsertion ? Et réinsertion dans quoi, au demeurant ?

La réinsertion dans l'emploi, qui semble être celle que vous visez, suppose, à notre sens, un minimum de stabilité. Les allocataires du RMI et de l'ASS sont des chômeurs de longue durée, et les allocataires de l'API sont en général des femmes dépourvues de qualification professionnelle, qui n'ont parfois jamais connu d'emploi.

Que vont-elles se voir proposer avec ce texte ? Un emploi, avec une prime de 1000 euros et une prime mensuelle forfaitaire. Sur quel type de contrat ? S'il s'agit d'un contrat aidé, ce contrat a au moins une date de début et une date de fin, avec, sauf pour le CIE dans le secteur marchand, un dispositif d'accompagnement ou de formation. S'il s'agit d'un CNE, il a une date de début, et rien d'autre !

Le mot « rien » est ici particulièrement adapté, puisque le salarié sait qu'il a aujourd'hui un emploi et un salaire, mais qu'il n'aura peut-être plus rien demain. Il sait aussi qu'il ne peut pas se loger dans ces conditions, sauf à être hébergé, qu'il ne peut pas obtenir le moindre crédit, qu'il ne peut pas faire de projet exigeant quelque investissement financier.

Le problème que pose ce texte, comme toutes les mesures que vous annoncez depuis quelques mois, c'est que vous condamnez une grande partie de nos concitoyens à une vie immédiate et sans projet.

Ce n'est pas tant dans le fait que des personnes occupent des emplois de services auprès de plusieurs employeurs que réside le problème - ces emplois sont utiles à la société et nous soutenons leur développement - que dans l'état d'insécurité permanente dans laquelle sont maintenus un nombre de plus grand de nos concitoyens, qu'ils aient un ou plusieurs employeurs.

Sans doute cette insécurité permet-elle de tenir les salaires à la baisse et d'empêcher les revendications, mais elle n'est pas un facteur de cohésion sociale. Au-delà d'un certain niveau, elle devient inacceptable, voire dangereuse pour l'économie. Plusieurs signaux devraient vous alerter. Le dernier en date est la brutale et stupéfiante baisse de la consommation en décembre. Les chiffres de novembre vont d'ailleurs être revus à la baisse, d'après le Figaro Économie.

Ce phénomène n'est pas tout à fait nouveau. Des salariés que l'on contraint à l'incertitude permanente du lendemain, dans un contexte de bas salaires, d'inquiétude sur les conditions de leur vieillesse et sur l'avenir de leurs enfants, ne sont pas enclins à soutenir l'économie par la consommation. Mais on va demander en plus, au bénéficiaire d'un CNE de s'investir dans son travail, alors qu'il sera dans une situation de précarité absolue pendant deux ans, ... s'il a la chance d'être gardé par son employeur pendant au moins 23 mois. Il - ou elle - va connaître cette incertitude permanente alors qu'il vient d'être rejeté par le monde de l'entreprise et qu'il est, de ce fait, déstabilisé sur le plan personnel et familial.

Mais de quelle insertion dans la société parle-t-on ? Pour la presque totalité de la population, c'est le travail qui structure la vie et qui insère dans la société. Toutefois, pour que le travail soit un facteur d'insertion, encore faut-il qu'il ne détruise pas le peu qui reste de qualité de vie aux plus démunis d'entre nous. Il doit les aider à sortir de la fragile sécurité que procure, par exemple, le RMI et à passer à une plus grande sécurité, à davantage de bien-être et de dignité.

Quel degré de sécurité peut procurer un emploi d'une précarité absolue ? Quelle avancée dans la dignité peut-on attendre de l'absence totale de droits qui en découle pour le salarié ?

De notre point de vue, l'insertion professionnelle, qui conditionne l'insertion dans la société, consiste à redonner un avenir à ceux qui ont le sentiment de ne plus en avoir.

Il n'y a pas de déclin, mais le monde du travail est de plus en plus largement dominé par l'angoisse du lendemain et la recherche d'un peu de sécurité, une sécurité qui se dérobe partout par le fait d'une politique qui organise délibérément la suppression de tous les droits des salariés.

S'il y a une cohérence dans les mesures que vous prenez, elle n'est qu'immédiate et ne profite qu'à une petite minorité.

Ce n'est pas à la cohésion sociale, mais, au contraire, à la déstructuration sociale que l'on assiste. Il y aura, ainsi, une caste de privilégiés, puis une catégorie de prestataires de services et de salariés qualifiés sous contrat précaire, mais encore relativement protégés par leur qualification, et enfin, une large catégorie de personnes peu qualifiées, qui vivront tantôt de petits boulots totalement précarisés et sous-payés, tantôt d'allocations. S'agissant de ces dernières, vous avez d'ailleurs prévu, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, en déposant un amendement qui nous laisse un goût d'amertume, qu'elles pourront assurer quelques heures d'intérim pour compléter leur revenus.

Nous sommes en total désaccord avec ces orientations, indéfendables socialement et dangereuses économiquement. C'est pourquoi nous demandons que le Sénat se prononce, par scrutin public, sur le maintien ou non du CNE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Cet amendement propose de supprimer le contrat nouvelles embauches alors que celui-ci connaît un indéniable succès auprès des petites entreprises, puisqu'il semblerait que 280 000 contrats de ce type ont été signés depuis le mois d'août.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Il est clair, monsieur le sénateur, que nous ne faisons pas la même analyse de la situation.

Je constate, d'un côté - et jusque là, je pense que nous sommes d'accord - que la situation de l'emploi dans notre pays est extrêmement difficile...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

...et, de l'autre côté, ce qui est moins évident, que 70 % des contrats signés dans notre pays sont des contrats précaires.

Or, parler de « contrat de travail », c'est parler du marché de l'emploi et parler du « marché de l'emploi », c'est évoquer les besoins des entreprises.

Il est bien clair pour nous tous que les entreprises avaient besoin d'un outil qui soit plus souple. C'est pourquoi nous avons instauré un contrat qui, je vous le rappelle, n'est pas précaire dans son principe, mais qui, novation essentielle, peut être rompu au cours des deux premières années. Est prévu, en outre, un dispositif d'accompagnement du bénéficiaire dans sa recherche d'un nouvel emploi si, d'aventure, son contrat vient à être rompu.

Il s'agit bien de cette fameuse « flexi-sécurité » qui, outre l'accompagnement du salarié qu'elle prévoit, permet à celui-ci d'accumuler une expérience professionnelle et, surtout, répond aux besoins du marché. Comme vient de le dire excellemment M. le rapporteur, depuis l'instauration de cette formule, en août dernier, plus de 280 000 contrats de ce type ont été signés.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est résolument défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Mme la ministre vient de présenter le CNE comme un contrat de flexibilité...

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Et de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je vous remercie de le préciser, madame, car c'est cet aspect « sécurité » qui m'intéresse.

S'agissant de la flexibilité, on comprend très bien que les entreprises préfèrent utiliser ce contrat qu'un contrat à durée indéterminée, compte tenu des difficultés qu'elles ont à licencier. Il fut une époque où l'on embauchait les salariés à l'heure, quand le travail se présentait. Les salariés ne bénéficiaient alors d'aucun avantage social, et c'est par les luttes syndicales, sanctionnées par le droit du travail, que des avancées en faveur du salarié ont été obtenues.

Aujourd'hui, le Gouvernement bafoue le droit du travail en remettant en cause les acquis qu'ont obtenus les salariés au cours du siècle dernier.

Cela dit, madame la ministre, comment pouvez-vous parler à la fois de sécurité et de flexibilité ?

On pourrait certes adopter une logique consistant à favoriser la flexibilité au niveau des entreprises, tout en assurant la sécurité à l'échelle nationale. Ainsi, l'État pourrait, par exemple, garantir à ceux qui auraient des difficultés à obtenir une caution pour trouver un logement une couverture logement universelle. Or, après avoir été débattue ici, cette proposition a été repoussée par le Gouvernement, par le Sénat, comme elle l'aura été sans nul doute par l'Assemblée nationale.

En fait, comment peut-on obtenir une caution, des garanties pour accéder à un logement en ne jouissant que d'un contrat précaire, c'est-à-dire susceptible de s'arrêter à tout moment ?

Comment parler de sécurité alors que les garanties des ASSEDIC diminuent et que les minima sociaux sont insuffisants pour vivre ?

Vous auriez pu parler de sécurité si était prévu un minimum social garanti, quasiment égal au SMIC, pour toutes les situations, si les personnes ayant travaillé pendant quelques années pouvaient bénéficier d'allocations chômage d'un montant décent et pendant une durée non déterminée à l'avance.

En l'occurrence, la sécurité ne vaut pas pour les salariés, elle ne vaut que pour certains chefs d'entreprise.

M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Cet amendement fait écho à une exigence exprimée par la totalité des organisations syndicales représentatives dans notre pays, ce qui n'est pas négligeable et ne peut pas être balayé d'un revers de main. Il préfigure la lutte essentielle qui va être menée contre le clone du CNE pour les jeunes, le CPE, annoncé de façon précipitée ainsi que nous l'avons dénoncé à plusieurs reprises, et qui s'adresse, lui, à toutes les entreprises et non aux entreprises de moins de vingt salariés.

Ainsi, nous nageons en pleine politique de soumission aux exigences du patronat, je dirais même du plus grand patronat. En effet, lorsque nous rencontrons les représentants de l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, ils ne nous tiennent pas tout à fait le même discours. Mais il est vrai que la CGPME et le MEDEF sont toujours forts pour revendiquer un code du travail plus allégé et moins protecteur des droits et acquis des salariés.

Par ailleurs, madame la ministre, je vous invite à faire preuve d'une plus grande prudence lorsque vous citez des chiffres. Vous avancez que 280 000 contrats auraient été signés à ce jour, mais vous omettez de dire qu'il faut prendre ce chiffre avec précaution, puisque le thermomètre qui aurait dû être conçu pour mesurer l'efficacité du dispositif n'existe pas. L'INSEE et l'ACOSS nous ont invités à prendre avec la plus extrême prudence l'analyse prétendument positive des effets du CNE. Faut-il rappeler que ce dernier, dont la mise en oeuvre ne remonte qu'à quelques mois, compte déjà à son actif 12 % de résiliations : où est la sécurité de l'emploi ? En fait, nous nageons en pleine flexibilité !

Enfin, tout cela doit être comparé aux énormes cadeaux qui sont offerts, toujours aux mêmes.

Je sais que cela ne vous fait pas plaisir à entendre, mais c'est la vérité !

Dans la loi de finances pour 2006, vous avez accordé à 180 000 de nos concitoyens les plus fortunés 2, 5 milliards d'euros d'allègements fiscaux.

Quand on voit ce qui est fait pour les uns et comment sont « matraqués » les autres, on mesure la valeur que peut avoir cet amendement, annonciateur, je le répète, de luttes intenses contre le CPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 40.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 39, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Les charges résultant pour les collectivités territoriales de l'extension des compétences réalisées par la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

II. Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Bernard Cazeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Par ce projet de loi, madame la ministre, vous proposez de confier aux collectivités territoriales de nouvelles responsabilités en matière de minima sociaux, et cela, j'y insiste à mon tour, sans véritable concertation préalable avec les conseils généraux.

Les conditions d'octroi de la prime forfaitaire mensuelle ainsi que l'augmentation prévisible du financement des modes de garde d'enfants conduiront à un accroissement des charges des collectivités territoriales.

Plus de six millions de personnes sont en effet potentiellement concernées par ce dispositif, et les présidents de conseils généraux craignent les dérives - M. Mercier, que j'interrogeais, citait des chiffres traduisant un dépassement incontestable pour les départements.

En ce qui concerne le RMI, je le rappelle, l'impasse budgétaire pour les départements s'élevait en 2004 à 468 millions d'euros, compensée par M. Raffarin à hauteur de 456 millions d'euros, ce qui fait déjà 12 millions d'euros de dépenses non compensées. En 2005, l'impasse budgétaire atteint presque un milliard d'euros, soit la différence entre le produit de la TIPP et les dépenses occasionnées par le RMI.

Le conseil général que je préside, par exemple, n'intervenait dans la participation à l'intéressement que jusqu'à 64 heures par mois. Dorénavant, l'ensemble des prestations devra être pris en compte. Il manquera donc incontestablement des recettes lorsque nous ferons les comptes, puisque, malheureusement, les études d'impact n'ont pas été réalisées. Or les conseils généraux n'ont pas besoin de cela en ce moment, alors qu'ils rencontrent les plus grandes difficultés à voter leur budget en augmentant le moins possible les impôts locaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 84, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Les charges résultant pour les collectivités territoriales, de l'extension des compétences réalisées par la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.

II. Les charges découlant pour l'État de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux alinéas 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Cet amendement vise à garantir la compensation intégrale par l'État des nouvelles attributions qui relèveront dorénavant des collectivités territoriales.

Malheureusement, je pense que l'on peut vous croire, madame la ministre, lorsque vous déclarez que ces nouvelles dispositions n'induiront pas de charges supplémentaires. Effectivement, la réforme de l'intéressement risque de conduire à la restriction des montants versés et, au passage, à la réalisation d'économies budgétaires sur le dos des plus défavorisés.

Cependant, la situation financière dramatique de certains départements depuis la décentralisation de la gestion du RMI nous incite à beaucoup de prudence. Le déficit des départements s'élève à 468 millions d'euros pour l'année 2004 et devrait atteindre 1 milliard d'euros en 2005. Cela conduira nécessairement à une hausse des impôts, estimée à environ 5 % par les experts. Ce désengagement financier de l'État est inacceptable.

Il en va de même pour ce qui concerne la petite enfance, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer. L'État se désengage du financement des structures d'accueil collectives par la réduction des moyens des caisses d'allocations familiales. Dans le même temps, il augmente les obligations en matière d'accueil pour les collectivités territoriales, ce qui oblige ces dernières à de très lourds investissements.

Pour certains départements, comme celui de la Seine-Saint-Denis, la prise en charge de l'accueil de la petite enfance conduit à une véritable situation d'étouffement financier.

Nous souhaitons rappeler, par cet amendement, que nous refusons une décentralisation qui consiste, sous couvert de proximité, à démanteler notre système de solidarité nationale. Les collectivités locales ne disposant tout simplement pas des moyens de rendre effectives les missions de solidarité et de justice sociale qui leur sont confiées, celles-ci sont progressivement abandonnées : nous nous opposons fermement à une telle dérive !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Les amendements n° 39 et 84 visent à compenser les charges éventuelles résultant de l'application du présent projet de loi pour les collectivités locales.

Mon analyse diffère totalement de celle des auteurs de ces amendements, puisque la réforme de l'intéressement n'aura pas d'incidence pour les départements. Ceux-ci finançaient l'intéressement actuel ; ils continueront simplement à financer l'intéressement « nouvelle formule », sans qu'il se produise un alourdissement de la charge. Au contraire, si le dispositif rencontre le succès escompté, le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI devrait même permettre de réduire les dépenses des conseils généraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

M. Bernard Cazeau. On va même gagner de l'argent !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Une seule mesure - la prime de 1000 euros - engendrera un surcoût par rapport au dispositif actuel. Or elle est entièrement à la charge de l'État, qui a prévu à cet effet une enveloppe de 240 millions d'euros.

En ce qui concerne les crèches, si les dépenses devaient s'accroître, ce serait dû non pas à l'accueil des enfants relevant des minima sociaux mais à l'augmentation de la demande de l'ensemble des parents, dans un contexte de forte fécondité.

J'ajouterai que le fait de s'engager dans la voie de la compensation d'un surcoût, dont l'existence, au demeurant, ne me semble pas avérée, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

...pourrait à l'inverse poser le problème du reversement de la compensation du fait des économies réalisées grâce à la diminution du nombre de bénéficiaires du RMI.

En tout état de cause, dans un souci de simplicité, il convient d'en rester aux dispositifs qui ont été mis en place. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

S'agissant de la concertation, monsieur Cazeau, il me semble important que nous fassions le point. M. Jean-Louis Borloo et son cabinet ont reçu les élus, et les services de l'État ont largement travaillé avec l'Assemblée des départements de France. En outre, le directeur général de l'action sociale a reçu à deux reprises - sur son initiative, puis sur celle de l'ADF - l'ensemble des directeurs généraux des services pour évoquer ce texte.

En ce qui concerne plus particulièrement les amendements, je le répète, la réforme de l'intéressement que nous menons n'entraîne pas de charges supplémentaires et l'amélioration de la garde des enfants ne crée pas d'extension de compétence à la charge des collectivités.

Enfin, je tiens à dire que le recours à la dotation globale de fonctionnement pour compenser une éventuelle charge supplémentaire supportée par les collectivités territoriales n'est pas approprié. La DGF n'est pas le support adéquat pour des compensations dont le montant varie chaque année. Elle ne peut intégrer des compensations qui fluctuent en fonction de critères relevant de politiques publiques particulières. Ce type de compensation est incompatible avec l'architecture de la DGF telle qu'elle résulte des réformes de 2004 et de 2005.

Debut de section - Permalien
Catherine Vautrin, ministre déléguée

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Madame la ministre, je ne voterai ni avec le parti communiste ni avec le parti socialiste dans la mesure où notre collègue M. Muzeau a fait un mauvais procès d'intention à la décentralisation, mais je m'interroge...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Il est dommage que M. Muzeau aille toujours un peu trop loin dans ses argumentations et manque de modération. Nous aussi, nous nous posons des questions. Il est d'ailleurs tout à fait logique, madame la ministre, de s'interroger quand les lois évoluent.

Sur le fond, je suis favorable au projet de loi et aux mesures qu'il met en place, mais il convient de considérer que les collectivités ont actuellement l'épiderme sensible s'agissant de l'évolution de certains transferts de charges. Les discussions concernant les charges transférées aux collectivités en 2005 se poursuivent, alors même qu'elles auraient théoriquement dû être closes avant le 31 décembre 2005. La date butoir a été repoussée à la fin du mois de mars alors que les nouvelles compétences sont entrées en application au 1er janvier.

Par conséquent, vous comprendrez que nous nous interrogions sur d'éventuelles charges nouvelles qui ne seraient pas compensées. Vous avez dit très justement, madame la ministre, qu'il n'était pas possible d'inclure ces risques potentiels dans les dotations. Mais on nous fait cette réponse chaque fois que des sommes devraient nous être versées et, finalement, nous prenons les charges de plein fouet !

Aussi, je souhaiterais que vous examiniez avec soin ce point particulier et que, si le risque de charges supplémentaires devait se concrétiser, vous envisagiez un moyen de les compenser. En effet, il n'est pas possible d'imposer en permanence de nouvelles charges sans que soient prévues les recettes correspondantes.

Lors de la préparation de mon budget pour 2006, il m'a semblé que les charges nouvelles allaient être supérieures aux recettes nouvelles. Peut-être mes calculs sont-ils faux, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé. ...à tout le moins, je l'espère - peut-être M. Cazeau a-t-il raison de me rappeler que je n'étais pas très bon en mathématiques, en tout cas, je l'en remercie

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

M. Roland Muzeau. Dans la mesure où je suis quelqu'un de très gentil, je vais me rallier aux propos de notre collègue Doligé, qui est beaucoup plus modéré que moi

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la ministre, vous prétendez qu'il n'y a strictement aucun problème. J'en déduis donc qu'il n'y aurait non plus aucun problème à prévoir une disposition qui permettrait de régler un tel problème si, malgré tout, il devait survenir...

Vous vous êtes engagée à de multiples reprises sur une compensation à l'euro près, selon la formule consacrée. Si j'ai bien entendu, M. Doligé a parlé d'une échéance qui serait reportée à la fin du mois de mars. Or nous savons tous que les budgets départementaux sont bouclés au moins un mois auparavant, ne serait-ce que pour que les documents nécessaires puissent être soumis aux assemblées. Dans ces conditions, lorsque celles-ci vont délibérer, elles ignoreront quel sort sera réservé aux départements quant aux compensations liées à la décentralisation et n'auront aucune information sur les éventuelles mauvaises surprises que pourrait leur réserver le présent texte.

Aussi, la sagesse et la prudence nous invitent à amender cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Lorsque l'on a décidé que l'ensemble des engagements de l'État devaient être tenus à l'euro près, il aurait fallu ajouter qu'ils devaient l'être à l'année près. En effet, l'État met actuellement un, deux, trois ou quatre ans pour honorer ses obligations, en fonction des moyens dont il dispose.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.