Ceux qui n'ambitionnent, en fait, rien d'autre qu'une resucée de vieilles recettes ultra-libérales avec, comme maîtres mots, l'abaissement du coût du travail et la flexibilité de l'emploi, visent la substitution d'emplois et non l'ajout d'emplois atypiques à des emplois stables, et ce dans l'objectif de faire baisser rapidement à court terme la courbe du chômage. Ils ignorent sur le long terme les besoins de notre économie en salariés qualifiés, en raison des départs massifs en retraite et des évolutions technologiques. Ils passent sous silence les effets dévastateurs de trente ans de dispositifs de lutte contre le chômage qui ont, avant tout, oeuvré en faveur de l'abaissement du coût de l'emploi d'un jeune et de la stigmatisation de ces derniers.
Aujourd'hui, 40 % des jeunes ayant un emploi bénéficient du panel de mesures spécifiques d'insertion professionnelle, sans compter la part croissante des stages effectués par un étudiant sur deux - soit 800 000 personnes - au cours de sa scolarité, des 10 000 stages reconnus par le MEDEF comme étant des emplois déguisés ou des autres formes précaires d'emploi, non réservées aux jeunes mais banalisées et proposées en priorité à ces derniers.
Vous vous dispensez toutefois, madame, messieurs les ministres, de mettre un terme aux pratiques abusives des stages, notamment en définissant législativement ce que l'on peut considérer comme étant un stage, pour en limiter la durée, ou encore pour en envisager la requalification en vrais emplois.
En revanche, avec empressement et non sans confusion, vous communiquez sur un taux de chômage des jeunes - 23 % - en omettant de préciser que 60 % des jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont étudiants ou lycéens.
Vous vous servez de la réelle précarité qu'ils subissent pour justifier pour tous, diplômés ou non, pour ceux qui n'ont pas de difficultés à décrocher un premier emploi en rapport avec leur qualification, l'institutionnalisation d'une norme d'emploi nouvelle, particulièrement incertaine, commettant la même erreur - je vous avertis et, ce faisant, je vous rends service - que M. Balladur en d'autres temps avec son CIP, le contrat d'insertion professionnelle. Il est temps de vous ressaisir !
Pourtant, vous ne pouvez ignorer que 54 % des jeunes entrés sur le marché du travail depuis moins d'un an en 2003 étaient en emploi stable, ni que la situation des jeunes est largement différente selon leur âge et le diplôme qu'ils possèdent.
Au final, contrairement à ce que vous prétendez, il ne s'agit pas là d'un équilibre « gagnant-gagnant », mais d'un équilibre « gagnant pour les entreprises, perdant pour les jeunes salariés », qui supportent plus de précarité sociale sans bénéficier pour autant, en contrepartie, de plus de garanties.
Comme le remarque M. Jacques Freyssinet, président du Centre d'études de l'emploi, « tous les rapports le montrent, la flexibilité c'est quand les gens acceptent de bouger parce qu'ils ont la sécurité. Avec le CPE, il n'y a aucune garantie offerte aux salariés. »
« Qu'est ce qui fera que le CPE consolidera l'expérience des jeunes, qu'il créera de l'emploi ? », s'interrogent quasi unanimement les économistes et les directeurs des ressources humaines.
Quant à la présidente du CDJ, le Centre des jeunes dirigeants - ce ne sont pas des syndicalistes ouvriers ! -, elle déclare que ses adhérents, consultés, boudent déjà le CPE préférant « la motivation » pour garder les jeunes embauchés.
Inadapté pour résoudre la question du chômage des jeunes, le CPE risque d'être aussi source d'affaiblissement de l'investissement des entreprises. Majoritairement, le CPE suscite inquiétude et rejet. Les jeunes, mobilisés aujourd'hui encore, vous l'ont fait savoir.