Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque, en janvier dernier, j'ai entrepris les premières auditions qui allaient m'aider à préfigurer ce qui deviendrait quelques mois plus tard le rapport d'information sur les minima sociaux, intitulé « Concilier équité et reprise d'activité », j'avais une seule certitude : notre système social, produit d'un empilement de dispositifs résultant de notre histoire, engendre par son incohérence trop de différences de traitement pour des individus dont la situation sociale et familiale est somme toute très proche, mais dont le statut peut être divers. Opacité, effets pervers, pertes brutales de revenus, trappes à inactivité, la « désincitation » à reprendre un emploi provient parfois tout simplement du fait que le retour à une activité rémunérée peut être un risque, en particulier financier, que les personnes dont la situation est la plus précaire dans notre société ne peuvent tout simplement pas se permettre de prendre.
Le large écho qu'a eu le rapport de mai dernier montre qu'il avait visé les bonnes questions. Il importe désormais d'y apporter les bonnes réponses, de façon que ce travail n'appartienne pas à la catégorie des rapports faisant référence mais n'ayant pas réussi, dans la durée, à faire bouger quoi que ce soit.
Abordant l'examen des dispositions du projet de loi, je ne peux que me féliciter, madame la ministre, qu'en quelques mois un sujet que je considère comme central soit également devenu l'une des préoccupations fortes de la politique de l'emploi du Gouvernement. Je sais que les travaux de notre assemblée n'ont pas été étrangers à cet état de fait, et je me réjouis que vous ayez compris toute l'importance qu'il y a à s'intéresser de près à cette problématique.
Autre point positif, le dispositif d'intéressement forfaitaire mensuel que vous envisagez de mettre en oeuvre au-delà de 78 heures de travail mensuel sera simple et lisible. Au contraire du calcul de l'intéressement précédent, qui reposait sur un différentiel variant en fonction de l'allocation reçue et des revenus des heures travaillées, le montant est connu et fixe pendant neuf mois. Cela permettra à des personnes qui disposent d'un budget très serré de répondre sans équivoque à deux interrogations essentielles quand il s'agit de se décider à franchir le pas : combien vais-je percevoir, et pendant combien de temps ? Cela me suffira-t-il pour faire face aux dépenses supplémentaires liées à la reprise d'un emploi ? On peut effectivement espérer que ce nouvel intéressement fixe et connu d'entrée de jeu sera beaucoup plus utilisé que le mécanisme actuel, qui n'a pas rencontré un grand succès.
Je me réjouis également que l'amendement que j'avais présenté en mai 2003 et qui visait à supprimer le délai de latence de six mois avant de pouvoir bénéficier d'un CI-RMA ait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. À l'époque, je m'étais interrogée sur le bien-fondé de la distinction entre plusieurs degrés d'urgence pour accorder ces contrats, ayant toujours constaté que plus les personnes étaient encore proches de l'emploi, plus vite elles pouvaient y retourner. Je constate que, bien qu'avec un peu de retard, le bon sens a prévalu.
Parmi les motifs de satisfaction que je relève à l'examen de ce dispositif, je voudrais citer les améliorations tout à fait notables qui ont été proposées par le rapporteur de la commission des affaires sociales, mon collègue et ami Bernard Seillier. Je les énumérerai brièvement, car, bien qu'elles vous aient déjà été présentées, je voudrais insister sur le fait qu'elles prennent en compte la réalité des personnes visées par l'intéressement.
Mettre la prime de 1 000 euros au premier mois et non au quatrième permet réellement de faire face aux frais occasionnés par un retour à l'emploi ; majorer le dernier versement de la prime forfaitaire permet d'esquisser un lissage, nécessaire pour éviter une rupture brusque de ressources. Perdre 150 euros par mois alors que l'on s'est habitué à les avoir peut paraître peu ; mais ramené à un budget de quelques centaines d'euros par mois, cela constitue un différentiel considérable.
Pour ma part, j'eusse préféré que l'on crée un dernier palier prolongeant le versement de la prime de trois mois avec un montant minoré, 75 euros par exemple, ce qui aurait eu deux avantages.
Le premier aurait été de calquer la durée du nouveau dispositif sur celui qui existait antérieurement puisque, en fonction de la date de début du contrat, l'intéressement pouvait aller jusqu'à quinze mois et que, en général, la date était choisie en vue de permettre le bénéfice de la prolongation.
Le second avantage était d'éviter une baisse trop brutale des ressources, dont j'ai mentionné précédemment les risques sur des budgets très serrés. Mais la fixation du nombre de mois de versement de la prime comme du montant de cette dernière relève du décret !
Rien n'empêche d'espérer, madame la ministre, qu'après quelques mois de fonctionnement du nouvel intéressement vous revoyiez ces modalités, comme cela vient d'être fait pour diverses mesures dans le titre V du projet de loi. Il n'est jamais interdit de changer d'avis.
Ensuite, je rejoins également le rapporteur sur la clarification qu'il introduit en supprimant la possibilité de fixer un salaire maximum au-delà duquel les primes d'intéressement ne seront pas versées, un tel dispositif présentant le risque réel que les employeurs ajustent les rémunérations proposées en fonction du versement de ces primes. Mieux vaut éviter d'emblée cet effet d'aubaine.
Enfin, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir défendu le périmètre de ce texte, afin de laisser au groupe de travail sur les minima sociaux, qui rendra ses conclusions le mois prochain, l'initiative des propositions d'évolution des droits connexes. Il en va d'ailleurs de même pour la partie sur laquelle portent les conclusions de la mission confiée à MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.
Aborder la question des droits connexes m'amène tout naturellement à vous faire part de mes regrets quant à l'examen aujourd'hui de ce texte.
Tout d'abord, mon premier regret porte bien évidemment sur le calendrier. Vu la date à laquelle la Haute Assemblée est saisie du projet de loi, je déplore que, à quelques semaines d'intervalle, nous n'ayons pu examiner un texte global, comportant tous les volets ayant trait à l'environnement des minima sociaux : intéressement, accompagnement et droits connexes.