Après ces différentes remarques, je reviendrai maintenant aux dispositions du projet de loi pour formuler deux propositions et poser deux questions ayant trait au mécanisme d'intéressement.
Ma première proposition a peu de chance d'être adoptée, puisqu'elle prévoit en effet de supprimer l'une des mesures phares du projet de loi, à savoir, à l'article 1er, la prime de 1 000 euros versée à tout bénéficiaire du RMI, de l'ASS et de l'API qui reprend une activité au moins à mi-temps.
J'ai dit précédemment que le versement à partir du quatrième mois me paraissait déjà problématique. Mais s'agissant de la prime elle-même, je suis aussi très réservée.
Depuis mon arrivée au Sénat, j'ai toujours essayé de proposer des dispositifs pérennes, surtout lorsqu'ils s'adressent à des personnes en situation de précarité. Mon expérience et les contacts que je conserve avec mes anciennes collègues assistantes sociales m'amènent à considérer que ce sont les seules mesures qui soient efficaces. Pourquoi ? Parce qu'elles permettent au bénéficiaire d'un minimum social de savoir qu'il ne se retrouvera pas avec des ressources fluctuantes au détour de ses périodes d'activité. C'est en effet ce que vivent les personnes au RMI, ballottées entre inactivité et contrats précaires, ce qui les empêche de se projeter durablement dans l'avenir. Au contraire, il faut assurer à ces personnes le maintien de leurs capacités à se loger ou à se soigner lorsqu'elles acceptent de s'engager dans un emploi précaire.
Voilà pourquoi j'ai souhaité déposer un amendement visant à supprimer la prime ponctuelle de 1 000 euros pour la remplacer par un relèvement du plafond en dessous duquel les salariés modestes continuent d'être aidés pour financer leur couverture complémentaire de santé.
C'est, vous vous en doutez, madame la ministre, un amendement d'appel : il vise à signifier notre préférence pour des mesures pérennes d'accompagnement dans le retour à l'activité.
S'agissant du mécanisme d'intéressement forfaitaire de 150 euros, j'ai déjà expliqué nos réticences quant au seuil fixé à 78 heures, et je n'y reviendrai pas.
Sur le dispositif de l'article 6 concernant un accès préférentiel aux modes de garde collective, je suis, comme nombre de mes collègues membres de la commission des affaires sociales, dubitative sur l'application effective de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale.
Personnellement, je préférerais un dispositif prenant d'abord en compte les réalités locales et s'appuyant sur la situation existante.
Les caisses d'allocations familiales ont déjà mis en oeuvre un effort en faveur des enfants de parents chômeurs ou bénéficiaires de minima sociaux, que ce soit par l'entremise de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion pour la période 2005-2008 ou, au niveau local, par la mise en place de la prestation de service unique.
La rédaction actuelle de l'article, en prévoyant le recours à un décret pour fixer le contour de la nouvelle obligation, me gêne. En effet, les situations locales peuvent être extrêmement diverses, en particulier entre les zones urbaines et les zones rurales.
Dans ces conditions, il serait à mon avis préférable de renvoyer aux conventions de financement passées au niveau local le soin de déterminer la manière de garantir l'accès aux modes de garde collectifs, et aussi de déterminer, quand ces derniers n'existent pas ou trop peu, des solutions alternatives.
Enfin, madame la ministre, je souhaiterais vous poser deux questions.
La première me tient particulièrement à coeur, et j'aimerais recevoir de votre part des assurances très précises. Il s'agit de la neutralisation des ressources. En effet, ce point est fondamental. Si l'on veut que le système soit vraiment incitatif, il ne faut pas que le complément de ressources procuré par l'intéressement disparaisse parce qu'une autre prestation serait minorée à due concurrence. Pour cela, il faut s'assurer que les primes d'intéressement prévues par le texte seront bien exclues du montant des ressources prises en compte pour le calcul d'autres prestations sociales, à l'image de ce que prévoit le décret n° 2005-1053 pour la prime de retour à l'emploi instaurée l'été dernier.
Pouvez-vous, madame la ministre, répondre aux questions suivantes ?
Le dispositif de neutralisation sera-t-il le même que celui qui a été instauré par le décret d'août 2005 ? Si oui, ce décret n'ayant pas prévu la neutralisation de la prime pour le calcul des ressources pour le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire et la couverture maladie universelle, ces prestations seront-elles maintenues dans le calcul des ressources du nouveau dispositif, ou le décret à venir les exclura-t-il aussi ? C'est un point important sur lequel il n'a été que partiellement répondu lors du débat à l'Assemblée nationale.
Ma seconde question portera sur les aspects financiers de ce texte. Mon collègue Michel Mercier présentera un amendement visant à clarifier le montant de l'allocation versée à un bénéficiaire du RMI, lorsque celui-ci signe un contrat d'avenir. En outre, madame la ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale, vous vous êtes engagée à ce que, concernant les départements, le nouvel intéressement n'entraîne « aucun surcoût ». « Nous ne faisons que basculer d'un système vers un autre », avez-vous dit.