Mme Michèle André, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a exposé mardi dernier les principes qui guident la délégation dans la réforme des majorations de durée d’assurance, telle que celle-ci figure à l’article 38 du présent projet de loi.
Proche de Michèle André, j’ai été relativement sensible aux arguments qu’elle a développés au nom de la délégation.
Nous estimons que c’est seulement quand l’égalité entre les sexes sera effective que le principe d’égalité pourra par lui-même conduire à attribuer les avantages familiaux de retraite dans les mêmes conditions aux femmes et aux hommes. En revanche, tant qu’il y aura des inégalités réelles et statistiquement prouvées entre les hommes et les femmes, des dispositions asymétriques et compensatrices resteront à nos yeux parfaitement légitimes et justifiées.
Pour autant, nous pensons qu’il ne faut pas refuser systématiquement aux hommes toute possibilité de bénéficier d’une majoration de durée d’assurance, car nous rencontrons aussi aujourd'hui, et ce ne sont pas seulement des cas isolés, des pères qui assurent seuls ou à titre principal l’éducation de leurs enfants, au risque d’en pâtir dans leur carrière.
Aussi, monsieur le ministre, quel jugement portons-nous sur le dispositif que vous proposez ? Celui-ci, certes, s’efforce de préserver l’essentiel. Il maintient la durée globale de majoration, y compris pour les parents adoptifs, à huit trimestres, soit deux ans par enfant. Il sanctuarise une année au profit exclusif des mères, au titre de la maternité, et cherche à faire bénéficier celles-ci en priorité de la seconde année, liée à l’éducation de l’enfant.
Notons toutefois que la préservation des droits des femmes repose sur le pari que le choix du couple, implicite ou non, profitera à la mère, car l’ouverture du dispositif aux pères, dès qu’elle se concrétisera, se traduira par une érosion des droits des mères. Celles-ci perdront inévitablement le bénéfice des trimestres qu’auront obtenus les pères, soit avec leur consentement, soit parfois, en cas de conflit arbitré en leur défaveur, à leur corps défendant.
Il ne s’agit donc pas d’un progrès pour les femmes, même si vous nous expliquez, comme sans doute vous vous y apprêtez, monsieur le ministre, qu’il peut difficilement en être autrement si nous voulons obéir au double impératif d’une ouverture du dispositif aux pères et du respect des équilibres financiers.
Ce dispositif pèche aussi, je le répète, par sa complexité – dix-huit alinéas, au lieu d’un seul dans l’actuel article L. 351-4 du code de la sécurité sociale –, ainsi que par une certaine forme d’arbitraire.
Je comprends que c’est précisément le souci de protéger les mères qui a conduit le Gouvernement à retenir pour l’attribution de quatre trimestres de « MDA éducation » les quatre premières années de la vie de l’enfant ou les quatre ans consécutifs à son adoption, ainsi qu’à rendre irrévocable le choix opéré par les parents.
Toutefois, nous savons bien que la charge de l’éducation ne se limite pas aux quatre premières années de la vie de l’enfant, et ce divorce entre la durée réelle de l’éducation et la période prise en compte par la loi risque d’être une source de difficultés, voire d’expertises. C'est pourquoi le groupe socialiste ne souhaite pas la remise en cause d’une disposition qui constitue une juste compensation pour les femmes.
Monsieur le ministre, vous ne m’en voudrez pas de relever ces défauts, qui sont peut-être imputables à l’urgence dans laquelle vous avez dû élaborer ce dispositif. Néanmoins, je crois que nous devons en être conscients, de façon à vous encourager à trouver des solutions meilleures dans la réforme plus générale et plus ambitieuse des retraites que vous envisagez pour 2010.