Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons le sujet du régime juridique des majorations de durée d’assurance, les MDA.
Mises en place en 1971 par la loi Boulin, ces MDA propres à la maternité permettent depuis le 1er janvier 2004 aux femmes salariées de bénéficier, pour le calcul de leur retraite, d’une majoration de durée d’assurance calculée sur la base d’un trimestre attribué à la naissance, à l’adoption ou à la prise en charge effective de chaque enfant, puis un trimestre supplémentaire jusqu’au seizième anniversaire de l’enfant, dans la limite de huit trimestres.
Ces MDA sont justifiées par la réalité de l’implication des mères dans la prise en charge des enfants bien avant leur naissance. Elles sont des acquis fondamentaux répondant au manque à gagner que les femmes subissent durant leur carrière professionnelle.
Car malheureusement, mes chers collègues, quarante ans après la mise en place des MDA, les inégalités de pension n’ont guère changé : 38 %, c’est l’écart des pensions entre les hommes et les femmes, du fait des inégalités de salaires et d’emploi ; 21 %, c’est l’écart de salaire moyen entre les femmes et les hommes ; 20, c’est le nombre de trimestres de cotisations en moins que les femmes valident lors de leur départ à la retraite par rapport aux hommes, ce qui contraint la moitié d’entre elles à être au minimum contributif, soit 590 euros par mois ; 90 %, c’est le pourcentage de femmes qui, partant à la retraite, bénéficient actuellement de ces majorations de durée d’assurance.
Au travers de ces quelques données chiffrées, nous mesurons bien toute l’importance de ces MDA !
Mes chers collègues, les MDA sont loin d’être un privilège accordé aux femmes. La remise en cause des droits familiaux en matière de retraite pour les mères de famille aggraverait encore les inégalités qu’elles subissent.
Le rôle correcteur des inégalités que joue le dispositif des MDA est d’autant plus fort qu’il était conçu, dès son origine, pour ne bénéficier qu’aux femmes, contrairement à la plupart des autres avantages familiaux, qui bénéficient aux pères comme aux mères.
Dans sa décision du 14 août 2003, le Conseil constitutionnel confirme le bien-fondé de l’attribution des MDA aux seules mères, en admettant l’attribution aux mères d’avantages sociaux liés à l’éducation des enfants, pour prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusqu’à présent été l’objet. Il souligne même que l’extension demandée de la MDA aux pères « ne ferait, en l’état, qu’accroître les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes ».
Malgré tout, le Gouvernement a décidé de remanier ce dispositif pour suivre une jurisprudence de la Cour de cassation amorcée en 2006, qui considère comme discriminatoires les règles réservant aux seules femmes le bénéfice des MDA au regard des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
Discrimination, voilà un mot trop souvent conjugué au féminin !
Or je crains que l’article 38 n’aggrave une nouvelle fois les discriminations subies par les femmes. Car, dans l’hypothèse de l’attribution des MDA aux pères de famille, ce dispositif porterait un préjudice non négligeable à l’ensemble des femmes mères de famille, qu’elles aient ou non suspendu leur activité professionnelle.
Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse, le montant de la retraite des femmes ne représente en moyenne que 77 % de celle des hommes. Sans les MDA, ce montant serait de 64 % !
En octroyant le bénéfice des MDA aux hommes, nous serions non plus dans la réparation d’une discrimination entre les hommes et les femmes, mais plutôt dans l’aggravation des inégalités déjà existantes.
Nous pouvons d’autant moins accepter ce projet d’extension qu’au regard du droit applicable, notamment constitutionnel et européen, le régime de la MDA peut être maintenu. En effet, comme le rappelle le droit communautaire, en matière d’égalité, appliquer la même règle sans tenir compte de la différence constitue une discrimination.
La MDA doit donc être maintenue dans son intégralité pour les mères salariées qui subissent dans leur vie professionnelle l’incidence des charges liées à l’éducation des enfants. Les tâches éducatives mais aussi quotidiennes liées aux enfants reposent trop souvent encore sur les femmes salariées qui, de ce fait, ne peuvent pas s’investir professionnellement comme les pères.
À elle seule, cette inégalité de fait constitue une justification objective et raisonnable à la différence de traitement entre les hommes et les femmes en matière de MDA.
Il est une autre justification, pratique cette fois, dont, j’en suis certaine, tout le monde ici conviendra du bien-fondé, c’est le rattachement des MDA à la maternité. Malgré les avancées de la science, ce sont toujours les femmes qui portent les enfants pendant neuf mois et leur donnent naissance ! Et cela, monsieur le ministre, aucune réforme, aucune loi ne pourra le modifier !
Vous l’avez compris, avec les sénateurs de mon groupe je réaffirme la nécessité de rattacher les majorations de durée d’assurance à la maternité tant qu’existeront des inégalités réelles et établies entre les hommes et les femmes.
Or de nombreux rapports, comme celui du Secours catholique, publié le 5 novembre dernier, prouvent que la pauvreté se féminise « lentement mais sûrement », notamment parce que l’emploi des femmes reste marqué par « des bas salaires, des emplois à temps partiel, des horaires décalés peu compatibles avec la gestion d’une famille et des propositions de formation ne leur permettant que rarement de faire évoluer leur situation professionnelle ».