Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 15 novembre 2009 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Article 53

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Personne ne conteste que certains arrêts maladie peuvent être de complaisance, et donc injustifiés. Il n’en demeure pas moins que, malgré l’augmentation considérable des contrôles, le nombre des arrêts maladie a doublé depuis quelques années.

À moins de considérer que ce doublement est exclusivement dû à des actes frauduleux, nous devons nous interroger sur la cause d’une telle augmentation.

Tel qu’il est conçu et rédigé, cet article apparaît surtout comme une mesure de rétorsion à l’égard des personnes qui ont été placées en arrêt maladie par leur médecin et comme un geste de défiance à l’égard des praticiens eux-mêmes.

Il tend à placer les services de l’assurance maladie dans la dépendance d’officines privées où des médecins salariés seraient appointés en fonction du nombre de fraudes qu’ils auraient détectées.

Surtout, il ne répond pas à la véritable question que nous devons nous poser : d’où vient que le nombre des arrêts maladie augmente ?

Pour notre part, nous suggérons à cet égard deux pistes auxquelles il serait préférable de réfléchir avant de perdre totalement la maîtrise de la situation, quels que soient les moyens que l’on affecte au contrôle des malades et des médecins.

Le premier problème est celui de l’incapacité d’un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens à soigner des pathologies bénignes pour des raisons pécuniaires.

Le déremboursement de médicaments censés rendre un service insuffisant, le forfait d’un euro, l’absence de mutuelle pour beaucoup et l’effet de cliquet pour tous ceux qui se situent juste au-dessus du plafond de la CMU figurent au nombre des motifs qui amènent nos concitoyens à reculer devant des soins pourtant nécessaires.

Au final, le problème de santé s’aggrave et le malade a besoin d’un arrêt maladie qui aurait pu se voir évité, ou être de plus courte durée que celui qu’il faut désormais prescrire. Nous sommes en présence d’une fausse économie, qui suscite finalement une plus grande dépense.

L’autre piste que nous pouvons évoquer brièvement est l’aggravation des rythmes et des conditions de travail, pour les salariés comme pour les travailleurs indépendants de tout statut.

De nombreuses personnes sont victimes de cette aggravation, que ce soit par accident, parce qu’elles déclarent des pathologies de type péri-articulaire, parce qu’elles sont exposées à des produits dangereux ou aux intempéries, ou encore parce qu’elles sont victimes de méthodes de gestion du personnel qui constituent en elles-mêmes une violence délibérée, destinée à augmenter la productivité et le profit.

Il en résulte des affections dues à la somatisation ou des dépressions graves, sur lesquelles, mes chers collègues, il n’est pas utile d’insister, tant chacun garde en mémoire les drames auxquels certaines situations paroxystiques ont récemment abouti.

La généralisation des contrôles n’est pas la réponse appropriée au doublement du nombre des arrêts maladie, à la fois parce qu’elle n’est pas proportionnée et parce qu’elle passe à côté des causes de cette évolution.

Ce ne sont pas seulement les salariés qui sont malades, c’est le monde du travail, et c’est un problème que nous devrons traiter au fond, sauf à laisser les travailleurs désespérer et la situation dégénérer !

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