Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, fallait-il réformer la taxe professionnelle ? Certes oui, trois fois oui !
En effet, une telle taxe est devenue un prélèvement complexe, à la fois handicapant pour nos entreprises et déresponsabilisant pour les collectivités locales : certaines d'entre elles ont même acquis une sorte de « droit de tirage » quasiment illimité sur l'État !
Fallait-il pour autant réformer la taxe professionnelle dans les termes qui nous sont aujourd'hui proposés ? Je ne le crois pas.
Je rappelle que, en installant la commission Fouquet, M. Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, lui avait donné une feuille de route précise et indiqué quatre conditions que la réforme de la taxe professionnelle devrait remplir.
La première condition était d'éviter les transferts fiscaux vers les ménages. En l'occurrence, ces transferts seront, selon moi, encouragés par la réforme proposée ; les ménages seront la véritable variable d'ajustement fiscal de la réforme.
La deuxième condition était de préserver le lien entre l'activité et le territoire. Or, avec la réforme proposée, nous nous dirigeons tout droit vers un taux national unique.
La troisième condition était d'encourager l'intercommunalité ; elle n'est pas remplie non plus. En effet, les intercommunalités percevant la TPU seront celles qui sentiront le plus douloureusement les effets d'une telle méthode et elles devront sans doute adopter une fiscalité mixte.
Enfin, la quatrième condition était de préserver l'autonomie fiscale des collectivités locales. Or il sera extrêmement difficile de piloter la fiscalité locale en fonction de l'évolution des valeurs ajoutées, d'autant que nous allons vers un taux national unique. Il ne s'agit donc pas d'une réelle autonomie fiscale. Pour certaines collectivités, le périmètre fiscal sera, de surcroît, réduit de 50 % à 80 % !
Par conséquent, la réforme proposée aura, me semble-t-il, un effet déresponsabilisant. Dans mon département, certaines communes, avec des taux de taxe professionnelle très bas et des entreprises dont l'imposition sur la valeur ajoutée sera plafonnée, vont perdre toute marge de manoeuvre. D'autres, en revanche, qui ont des taux très élevés et ne connaissent pas ce phénomène de plafonnement, profitent, pour leur part, du système antérieur.
Le présent projet de loi de finances démontre que, si la réforme de la Constitution du 28 mars 2003 et la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales étaient sans doute des étapes extrêmement importantes, elles ne sont toutefois pas suffisantes pour empêcher les atteintes successives au principe d'autonomie financière des collectivités, alors que cette autonomie financière est la mesure même de la décentralisation et de la libre administration des collectivités territoriales.
Nous avons malheureusement en France une longue tradition : quelle que soit leur tendance politique, tous les gouvernements ont l'irrésistible tentation d'entamer l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Ces réformes ne sont donc pas suffisantes. Peut-être faudra-t-il un jour, mes chers collègues, réviser la Constitution - encore ! - et envisager d'accorder aux collectivités territoriales un droit de recours, un droit de saisine du Conseil constitutionnel, qui serait peut-être symbolique, mais pourrait néanmoins se révéler efficace.
En attendant cette véritable réforme, j'espère que le Gouvernement acceptera que soient apportées de profondes modifications au texte qui nous est proposé.