L'article 67, comme cela vient d'être dit, est en effet particulièrement significatif des rapports que l'État entretient avec les collectivités locales.
Du reste, le débat qu'il suscite est symbolique du combat que nous menons, et pas seulement à gauche, pour promouvoir les collectivités locales. Souvenons-nous des dispositions que notre assemblée a prises pour parer à cette propension de l'État à intervenir directement dans les affaires des collectivités, alors que nous estimons qu'il nous revient de lever l'impôt, un impôt qui soit juste.
Cet article est également un repère dans l'avancée de la décentralisation et, surtout, de l'intercommunalité. La France est aujourd'hui couverte par des structures intercommunales. Or il est tout de même singulier que, au moment où les maires doivent faire beaucoup d'efforts pour fortifier l'intercommunalité, plus de vingt ans après le début de la décentralisation, et alors qu'ils ont déjà eu beaucoup de difficultés à faire vivre et prospérer ce mouvement, le Gouvernement décide, précisément à ce moment-là, de frapper l'intercommunalité, notamment les communautés urbaines. En effet, monsieur le ministre, les dispositions que vous nous proposez risquent d'emporter, pour ces dernières, des conséquences redoutables, voire dramatiques.
Nous avions lancé un mouvement profond, en liaison avec les entreprises, installé des conseils de développement. Nous disposions, avec la taxe professionnelle, d'un impôt très actif, même si certaines dispositions avaient déjà commencé à la vider de sa substance. Et voilà, monsieur le ministre, que vous voulez en faire un impôt poussif ! Inévitablement, le développement économique impulsé par les collectivités territoriales s'en ressentira.
Depuis que le Président de la République a pris la décision, en 2004, de s'attaquer à la taxe professionnelle, beaucoup d'inquiétudes se sont fait jour. Après bien des hésitations, a été mise en place la commission Fouquet, dont les objectifs, je dois le dire, étaient vertueux.
Il s'agissait en effet de respecter l'autonomie financière des collectivités locales - ce que vous ne faites pas -, de maintenir le lien entre les entreprises et leur territoire d'implantation - ce que vous n'assurez pas -, d'éviter tout transfert de charges sur les ménages - à cet égard, vos propositions auront les conséquences les plus redoutables -et, enfin, de favoriser le développement de l'intercommunalité - vous lui portez un coup sévère.
La remise en cause de l'autonomie financière des groupements à TPU est parfaitement évidente. Je sais bien que la suppression progressive de la part salaires, à partir de 1999, avait déjà porté un coup aux finances des collectivités locales, en particulier des groupements de communes. Mais, là, le coup porté est considérablement plus fort, et les conséquences en seront autrement graves.
Ainsi, les augmentations de taux, déjà très encadrées, ne reposeront plus que sur les entreprises non plafonnées, les plus fragiles fiscalement et les plus volatiles. Or la proportion des bases plafonnées est de l'ordre de 50 % au niveau national, de 70 % au niveau de ma région, le Nord-Pas-de-Calais, et de près de 57 % sur le territoire de la métropole que je préside.
Cela représente un manque à gagner pour les collectivités d'environ 200 millions d'euros. Le pouvoir décisionnel des collectivités est donc, de fait, en grande partie neutralisé, tant sur les bases des entreprises plafonnées que sur les taux.
Cette première conséquence en entraîne une deuxième, qui a déjà été signalée : le renforcement des inégalités de richesse fiscale entre les territoires.
Les bases de la taxe d'habitation sont déjà sources d'inégalités formidables, d'injustices fantastiques. On a été incapable de maîtriser cette évolution et de mettre en place une réforme qui soit juste. Et voici que cette nouvelle réforme va encore accroître ces inégalités !
A partir de 2006, les inégalités de richesse fiscale entre les territoires seront plus marquées, car les effets du plafonnement varient fortement suivant les collectivités. Le pourcentage de bases plafonnées se situe entre 3 % et 99 % selon les communes, entre 30 % et 72 % selon les départements et entre 38 % et 71 % selon les régions.
Par ailleurs, les collectivités dont la majorité des bases provient d'établissements plafonnés à la valeur ajoutée perdront l'effet de levier d'une éventuelle augmentation de taux.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, 70 % des bases d'imposition reposent sur des établissements plafonnés. Cette proportion s'explique par la forte présence du secteur industriel.
Ainsi, cette réforme pénalisera des industries qui sont souvent anciennes, qui ont des difficultés, ainsi que des industries qui sont beaucoup plus modernes, c'est-à-dire celles qui sont le plus imposées par la taxe professionnelle depuis la suppression de la part salaires intervenue entre 1999 et 2003. La réforme se traduit donc par une double pénalisation pour des territoires souvent affectés par les délocalisations et les fermetures d'entreprises.
La troisième conséquence, sur laquelle je veux insister, est une hausse prévisible de la fiscalité locale des ménages ou de celle des petites entreprises.
Face à cette réforme, que feront les responsables locaux qui ont la volonté de poursuivre le développement économique d'une ville, d'une métropole, d'un département ou d'une région ?
Ils pourront décider de pénaliser les petits contribuables, les PME et PMI non plafonnées et par ailleurs créatrices d'emplois, en augmentant le taux de taxe professionnelle. Encore seront-ils d'avance découragés d'augmenter ce taux puisque le produit de l'augmentation sera divisé par deux et que celle-ci frappera surtout les petites et moyennes entreprises.
La politique menée est donc toujours la même : tandis que les plus grosses entreprises ne seront pas affectées par la réforme, les autres seront touchées de plein fouet. La réforme de la taxe professionnelle aura pour conséquence terrible de faire peser les coûts à venir de cette compétence sur les seules PME-PMI et autres petits contribuables non plafonnés.
Les élus locaux pourront également choisir de recourir à la fiscalité mixte pour les communautés en TPU, c'est-à-dire faire payer aux ménages les allégements consentis aux entreprises par la réforme.
La réforme va instaurer un déséquilibre fiscal entre les ménages et les entreprises, au profit de ces dernières.
En 2004, ma métropole avait augmenté le taux de la taxe professionnelle, notamment pour réduire cette iniquité en termes de contribution. Un certain nombre d'EPCI, dont plusieurs communautés urbaines, ont conservé un régime de fiscalité mixte pour faire face à l'augmentation de leurs dépenses liée à la prise de nouvelles compétences. La communauté urbaine de Marseille et l'agglomération de Rennes viennent de passer du régime de la TPU à celui de la fiscalité mixte.
Ce mouvement va se généraliser. Qui gagnera à cette généralisation ? Quel progrès en résultera ?
Les menaces que fait peser la réforme de la taxe professionnelle concernent tout particulièrement les groupements à TPU : c'est bien la dynamique intercommunale qui est remise en cause. Or la TPU est un levier essentiel à l'aménagement cohérent du territoire et à la solidarité entre communes grâce à un taux unique et une mutualisation des risques économiques.
Cette ressource permet de financer les compétences structurantes pour un territoire et les services indispensables pour les habitants, dans les domaines de l'aménagement, du transport, des résidus urbains et de l'assainissement.