Cet article nous propose une réforme de la taxe professionnelle résumée à un plafonnement « absolu » à 3, 5 % de la valeur ajoutée. Cette réforme aura un coût de 1, 3 milliard d'euros pour l'État et d'environ 260 millions d'euros pour les collectivités locales, dès sa mise en oeuvre.
Monsieur le ministre, quelles que soient les « corrections proposées » au cours du présent débat, nous ne pourrons vous suivre dans cette réforme pour trois raisons principales.
Première raison, l'autonomie financière des collectivités est une nouvelle fois bafouée.
En compensant le plafonnement à la valeur ajoutée sur les taux de 2004, même majorés, cette réforme prive les collectivités d'un levier important d'augmentation du produit de la fiscalité directe locale.
Cette contrainte sur les recettes de taxe professionnelle pèsera fortement sur les groupements intercommunaux. En effet, près de la moitié d'entre eux est aujourd'hui financée par le biais d'une taxe professionnelle unique, qui couvre la moitié de la population française et les trois quarts de la population « intercommunalisée » De nombreux groupements décident d'ailleurs d'anticiper les effets désastreux de cette réforme en adoptant un système de fiscalité mixte.
D'une façon générale, ce dispositif pose un problème de fond sur les rapports entre l'État et les collectivités.
Vous voulez en effet imposer votre tutelle sur les collectivités locales. En retenant les taux de 2004, même majorés, le Gouvernement prend sa revanche sur les collectivités qui ont fait le choix d'augmenter leur pression fiscale en 2005 en dépit de ses appels à la « modération des taux ». Cette restriction est d'autant plus inacceptable et inopportune que des besoins nouveaux apparaissent face à votre logique de « décentralisation des déficits », qui est à l'oeuvre depuis trois ans, et à la compensation inéquitable des transferts de compétences.
Deuxième raison, cette réforme rend inévitable, on peut le craindre, une augmentation de la pression fiscale locale au détriment des contribuables.
On constate une très forte inégalité de situation des collectivités devant le mécanisme de plafonnement. Si 52 % des bases fiscales de taxe professionnelle sont plafonnées à l'échelon national, on constate une amplitude très élevée des inégalités de situation entre les régions et les départements, qui s'accroît logiquement à l'échelle des territoires intercommunaux et des communes.
Pour combler le manque à gagner lié au plafonnement, la seule marge de manoeuvre pour les collectivités sera d'augmenter la pression fiscale : impôts sur les ménages et taxe professionnelle non plafonnée.
Or chacun sait que les impôts sur les ménages s'appuient sur des bases obsolètes et souvent injustes. Les augmentations pèseront donc avant tout sur les ménages les plus modestes. Quant aux entreprises non plafonnées, ce sont principalement des PME. Ce sont donc elles qui feront les frais de cette réforme.
Troisième raison, la réforme de la taxe professionnelle aura des conséquences inacceptables pour certaines collectivités.
Elle renforcera les inégalités de richesse fiscale entre les territoires dès lors que le plafonnement, fondé sur la valeur ajoutée, frappera prioritairement les entreprises du secteur industriel - zones rurales comme zones industrielles - et touchera à un moindre niveau les entreprises de services.
Ainsi, les zones où l'activité tertiaire est prédominante, qui sont le plus souvent des zones économiques dynamiques, pourraient bénéficier de marges de manoeuvre à la hausse de leur fiscalité sur les entreprises, alors que les zones qui peuvent déjà accuser un moindre dynamisme économique, et par conséquent fiscal, seraient pénalisées par le plafonnement de leur produit de taxe professionnelle.
L'analyse des données permet de constater que ce sont les collectivités les plus modestes, notamment celles qui disposent d'établissements industriels importants - dans le nord et l'est de la France, par exemple -, qui seront les plus handicapées par la réforme.
Les effets de cette réforme seront désastreux, et celle-ci sous-tend une philosophie pour le moins primaire à laquelle nous ne pouvons adhérer : toute hausse de taux sera à l'avenir sanctionnée, que les taux appliqués soient élevés ou bas, que l'on ait ou non bien géré sa collectivité. Le Gouvernement se garde bien de s'interroger sur ce qui a conduit les collectivités, et sur ce qui les conduira dans l'avenir, à augmenter leur taux. Je parle des transferts croissants de charges vers les collectivités, mais aussi de la multiplication des mesures d'allégements de la fiscalité à défaut d'une vraie réforme de la fiscalité locale.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, notre groupe vous propose de supprimer cet article.