Le principe de précaution n'est pas une seule fois mentionné dans le projet de loi. Cette omission est particulièrement révélatrice de l'esprit de ce texte, dont le principal dessein est de permettre la culture de parcelles OGM en plein champ, sans tenir compte des conséquences environnementales et économiques liées à l'utilisation de ces produits.
Il s'agit tout d'abord de conséquences économiques, car le développement de ce type de culture permet de garantir un monopole des semenciers et place, de fait, les paysans dans une situation de dépendance.
Il s'agit ensuite de conséquences environnementales, parce que l'utilisation d'OGM comporte le risque irréversible d'une réduction de la biodiversité.
En fait, le présent article entérine la possibilité de faire coexister des cultures génétiquement modifiées et des cultures biologiques.
Je pense, pour ma part, au vu de l'ensemble des questions posées par la culture des OGM, notamment au regard des conséquences irréversibles qu'elle peut avoir sur l'environnement, qu'il est tout à fait prématuré de permettre une telle coexistence.
C'est pourquoi nous estimons qu'un moratoire doit être décidé afin de permettre un approfondissement du sujet et une consultation des citoyens avant toute nouvelle législation.
Un rapport récent du secrétariat de la commission de coopération environnementale qui comprend le Canada, le Mexique et les États-Unis a constaté l'impossibilité de la coexistence des cultures OGM et non-OGM.
En France, une récente étude de l'association Nature et Progrès a montré que 250 produits issus de l'agriculture biologique contenaient des traces d'OGM.
Ainsi, permettre la coexistence entre les cultures OGM et les cultures biologiques revient en fait à organiser la disparition des cultures non-OGM et de la filière bio. Il s'agit, par conséquent, de ne plus laisser au consommateur le choix de son alimentation.
Ces études et rapports devraient nous inciter à plus de prudence et renforcer nos exigences de traçabilité afin de garantir la transparence en matière d'OGM et l'information des consommateurs.
Dans ce sens, nous regrettons également que ce projet de loi ne permette pas la création d'un registre des parcelles OGM. En effet, seule la publicité sur les localisations exactes des parcelles OGM peut permettre aux producteurs biologiques de prendre des mesures afin de se protéger de toute contamination.
Dans un contexte dominé par l'incertitude sur les risques à long terme et en l'absence de réels avantages pour les agriculteurs et les consommateurs, il aurait été souhaitable que les ministres mettent en place les systèmes de contrôle nécessaires de l'amont à l'aval de la filière agricole.
En effet, dans l'état actuel du droit, le règlement n° 1830/2003 de l'Union européenne stipule qu'une contamination fortuite est tolérée jusqu'au seuil de 0, 9 % - 0, 5 % si l'OGM est en cours d'autorisation - et surtout que les produits, lait, viande, oeufs, fromages, issus d'animaux ayant consommé des OGM, ne sont ni tracés, ni étiquetés. Cette lacune du règlement est très grave car 80 % des OGM entrent dans la chaîne alimentaire par le biais de l'alimentation animale.
Ces mesures ne permettent donc pas de garantir une véritable traçabilité tout au long de la chaîne et interdisent toute veille sanitaire et environnementale complète.
Au regard de la mondialisation des marchés, il est indispensable que l'ensemble des produits commercialisés sur le territoire national soit soumis à cette règle d'étiquetage, quel que soit le lieu de production.
Dans ce texte, la seule mention concernant l'étiquetage est relative à l'évaluation du préjudice économique qui résulterait d'une contamination, ce préjudice étant entendu comme la seule différence de valeur entre la récolte polluée nécessitant un étiquetage et une récolte contenant moins de 0, 9 % d'OGM. Cette nouvelle disposition revient à accepter un seuil de contamination de 0, 9 %.
Pourtant, dans l'état actuel des connaissances, la capacité de détection de présence d'OGM est de 0, 1 % et elle ne cesse de s'améliorer.
C'est la raison d'être de cet amendement de repli, dans lequel nous proposons que le seuil de l'étiquetage soit au minimum abaissé à 0, 5 % de façon à améliorer la traçabilité des filières agricoles.
Un tel seuil apparaît en effet indispensable pour faciliter la traçabilité et l'étiquetage des OGM tout au long de la chaîne de production, même s'il ne permet pas de garantir l'existence de filières non-OGM.