Dès lors, l'obligation de demander un certificat de capacité à mariage qui n'est plus seulement de nature juridique, mais qui tend à certifier la réalité de l'intention matrimoniale, se heurte à l'impossibilité d'informer les Français dispersés dans le monde entier de cette nouvelle règle.
Ainsi, en Allemagne, où vivent entre 200 000 et 300 000 Français, il ne reste plus que trois consulats. Imaginez le cas d'un Français qui habiterait à Osnabrück - c'est d'ailleurs le cas de beaucoup d'Angevins, puisqu'il existe un jumelage entre cette ville et la ville d'Angers -, c'est-à-dire à 424 kilomètres du consulat de Berlin. Si cette personne souhaite épouser une Néerlandaise résidant à proximité - Osnabrück se situe près de la frontière avec les Pays-Bas -, comment pourra-t-elle savoir qu'elle doit demander un certificat de capacité à mariage au consulat de Berlin ?
Il faudra des années pour que des Français établis de longue date hors de France et bien insérés dans leur pays d'accueil, qui ne comprendront rien à ce qui leur sera demandé, assimilent cette nouvelle obligation. Dans ces conditions, le parallélisme des pratiques et des formes que tend à instituer la règle du certificat de capacité à mariage ne tient pas du tout compte de la réalité de l'expatriation ni de la dispersion des personnes concernées.
Il est un autre élément dont je suis certaine : dans la ville de Fès, par exemple, où il y a de multiples officines autour du consulat pour aider les personnes dans la demande d'un visa ou d'un document administratif, le certificat de capacité à mariage sera sollicité dans les formes, que l'intention matrimoniale soit réelle ou non !
Ainsi, les Français de bonne foi qui ne seront pas au courant de ce nouveau dispositif rencontreront des problèmes, tandis que des personnes moins honnêtes - le consulat de Fès est celui où l'on constate le plus de cas litigieux - sauront parfaitement se mettre en règle.
J'attire également votre attention sur la multiplication des auditions. Ce ne sont non plus quelques milliers d'auditions, mais des dizaines de milliers, qui devront être réalisées. De ce point de vue, il me semble indispensable d'adopter l'amendement tendant à permettre aux consuls de ne pas systématiquement procéder à une audition quand il n'y a pas eu de certificat de capacité à mariage. Dans le cas contraire, il leur serait impossible de mener à bien leur mission.
Je voudrais également insister sur les délais, qui sont à la fois trop courts pour que la justice puisse enquêter et statuer et trop longs pour les couples auxquels ils interdisent trop longtemps de mener une vie commune.
Permettez-moi de mentionner quelques exemples.
Le parquet dispose de deux mois pour décider si un refus de certificat de capacité à mariage est justifié ou non. Or, lorsqu'un des conjoints réside à des milliers de kilomètres, est-il réellement possible de mener une enquête en deux mois ? Le parquet ne statuera pas dans les délais et les certificats seront délivrés par défaut. Autrement dit, ce certificat de capacité à mariage n'aura fait que retarder le mariage sans y mettre d'obstacles, même si le défaut d'intention matrimoniale est finalement avéré.
Il en est de même du délai de six mois dont dispose le procureur pour se prononcer sur une transcription ou sur une annulation et du délai d'un mois qu'a le TGI pour statuer.
De tels dispositifs sont adaptés pour une justice villageoise, mais pas pour une justice internationale ! Les délais et les procédures sont totalement inadaptés.
Or ces délais cumulés, à la fois trop longs pour les couples et trop courts pour que les procédures soient correctement réalisées, exposent les pouvoirs publics à des recours judiciaires d'époux abusivement séparés pendant plusieurs années. En effet, si la réalité de l'intention matrimoniale est reconnue au bout de toutes ces années, les personnes concernées seront en droit d'attaquer l'État français et de réclamer des dommages et intérêts.