Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 4 octobre 2006 à 15h00
Contrôle de la validité des mariages — Vote sur l'ensemble

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de notre point de vue, le projet de loi a un objet légitime : il faut en effet empêcher les mariages d'intérêt, en l'occurrence ceux qui sont strictement dictés par des motifs d'émigration. Mais cet objectif ne peut être atteint avec les moyens dont dispose aujourd'hui l'administration consulaire, et ce n'est pas le recours à un arsenal judiciaire lourd et totalement inadapté aux conditions d'une procédure qui se déroule à un niveau international qui améliorera quoi que ce soit à cet égard.

Ainsi, la signification d'un jugement prononcé à l'étranger oblige à mettre en oeuvre des techniques qui dépendent des conventions internationales d'entraide judiciaire et des accords bilatéraux. Les conditions sont donc très variables d'un pays à l'autre. Or, si la signification du jugement d'annulation d'un mariage célébré à l'étranger ou d'un jugement portant le refus de transcrire n'intervient pas dans les six mois, le jugement est frappé de caducité. C'est ce qui, dans un très grand nombre de pays, conduira à l'échec de la procédure judiciaire, alors même que le parquet et le tribunal de grande instance de Nantes auront réalisé un travail important pour aboutir à ce jugement ; tout leur travail sera réduit à néant et le jugement sera caduc.

Oui, il faut lutter contre les mariages d'intérêt, contre les mariages à visée migratoire ; mais les moyens mis en oeuvre ne sont pas proportionnés à l'objectif visé.

Ce texte engendrera des dysfonctionnements gravissimes dans les consulats et des contentieux que le parquet de Nantes et le tribunal de grande instance ne seront pas en mesure de traiter. Nous serons confrontés à des recours auprès de la cour d'appel, auprès de la Cour de cassation, auprès de la Cour européenne de Luxembourg.

Il faut se rendre à l'évidence : il n'est pas possible de faire régner l'ordre social absolument dans tous les cas, il n'est pas possible de faire prévaloir la raison auprès de conjoints français manifestement abusés. Je m'y suis essayée ; je me suis heurtée à la force d'illusion de l'amour. Quand des femmes de mon âge croient qu'un garçon de vingt-cinq ans est amoureux d'elles - mais ce peut aussi être l'inverse -, franchement, c'est qu'elles sont complètement folles, et vous ne pouvez leur faire entendre raison !

Cette volonté d'ordre à tout prix, de contrôle étroit du fonctionnement de la société, me paraît décidément tout à fait chimérique. De plus, elle est susceptible d'engendrer de tels dénis des droits de la personne que l'on ne peut pas accepter le texte qui nous est proposé. Celui-ci est donc à la fois irréaliste et dangereux.

Telle est la raison fondamentale pour laquelle mon groupe votera contre ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion