Intervention de Ronan Kerdraon

Réunion du 27 juin 2011 à 10h30
Développement de l'alternance et sécurisation des parcours professionnels — Demande de renvoi à la commission

Photo de Ronan KerdraonRonan Kerdraon :

Où trouver le reste ? Sans doute dans les « poches » des régions, lesquelles sont les grandes absentes de ce texte. Comment ces dernières pourront-elles mobiliser de telles sommes alors que leurs ressources sont gelées ?

Renforcer l’attractivité de la formation par alternance suppose de la revaloriser. C’est à cette tâche que se sont attachées les régions, qui – faut-il le rappeler ? – se sont vu transférer la compétence de la formation dès les premières lois de décentralisation. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’engagement irréprochable des régions socialistes dans ce domaine. Il s’agit en effet de leur premier poste budgétaire puisqu’il représente au moins 30 % des dépenses.

Les régions valorisent les filières de l’enseignement professionnel, rendant leurs accès plus lisibles. Elles développent l’alternance dans le secteur public – ce que vous avez négligé de faire –, notamment dans les collectivités territoriales. Elles mettent l’accent sur la qualité des formations et sur l’amélioration des conditions matérielles dans lesquelles s’exerce l’apprentissage grâce à la modernisation de l’appareil de formation, à de meilleures conditions d’hébergement ou, encore, à l’aide à la mobilité des jeunes. Elles ont également largement rénové les CFA et développé des partenariats fructueux avec l’ensemble des organisations professionnelles ou consulaires gérant ces équipements.

En annonçant vouloir porter le nombre d’alternants de 600 000 à 1 million, l’État s’engage sur une compétence qu’il ne maîtrise pas et place les régions en situation de faire des choix difficiles, qui se traduiront nécessairement par une restriction des moyens consacrés aux autres voies de formation des jeunes. Bref, vous prévoyez de déshabiller Pierre pour habiller Paul, selon l’expression consacrée.

Faudra-t-il que les régions diminuent les moyens accordés aux lycées ? Devront-elles revoir à la baisse les efforts mis en œuvre pour les formations sanitaires et sociales ? Seront-elles obligées de « rogner » sur d’autres formes d’accompagnement des demandeurs d’emploi ?

Mes chers collègues, il est éminemment paradoxal de demander toujours plus d’efforts aux régions alors même que l’État diminue les moyens pour l’apprentissage, en prévoyant de ne pas renouveler les aides mises en place au plus fort de la crise. Je pense notamment à la fin de l’aide à l’embauche d’apprenti à hauteur de 1 800 euros pour les entreprises de moins de cinquante salariés et à l’arrêt des exonérations de cotisations sur les apprentis.

Comment croire dans les intentions du Gouvernement quand l’État pratique une politique de vases communicants particulièrement pernicieuse ? D’un côté, on supprime des sections en lycées professionnels ; de l’autre, on prévoit d’augmenter corrélativement les effectifs en sections d’apprentissage. Au final, c’est un transfert de charges de plus que doivent assumer les conseils régionaux.

Plus généralement, c’est la question du modèle financier global de l’alternance et de l’apprentissage qui est posée.

Pour ce qui concerne l’apprentissage, l’activité économique morose a provoqué une baisse de la taxe d’apprentissage ces deux dernières années.

De plus, les secteurs professionnels qui avaient « fongibilisé » leurs fonds de l’alternance vers l’apprentissage tendent à revenir sur leurs positions du fait de la mise en œuvre du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Enfin, les charges de fonctionnement des CFA, pour l’essentiel composées de frais de personnels, sont en augmentation constante.

Tous ces facteurs engendrent un effet ciseau très délicat pour le plus grand nombre des centres de formation et entraînent de très grandes disparités d’un CFA à l’autre.

Il est inacceptable que les moyens des CFA soient si fluctuants, variant au gré de la politique d’attribution de la taxe par les collecteurs.

Pour garantir la pérennité du dispositif de formation et répondre aux enjeux de son développement, il est indispensable que le financement des CFA fasse l’objet d’une véritable réforme, qui passe par une refonte du fonctionnement de la taxe d’apprentissage.

Le dispositif actuel de collecte favorise l’opacité et les inégalités et aboutit à ce que 40 % du produit de la taxe d’apprentissage soient affectés à d’autres formations, au premier rang desquelles les grandes écoles de commerce !

À ces questions, votre texte n’apporte pas de réponse crédible, et les seules propositions concrètes visent à diminuer les contraintes des employeurs en allégeant la réglementation.

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