La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
La liste des candidats établie par la commission des finances a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Charles Guené, André Ferrand, François Marc, Mme Nicole Bricq et M. Thierry Foucaud ;
Suppléants : Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Pierre Fourcade, Roland du Luart, Philippe Adnot, Marc Massion, Michel Sergent et François Fortassin.
J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion des projets de loi suivants : projet de loi organique relatif aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ; projet de loi relatif aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ; projet de loi organique relatif au fonctionnement des institutions de la Polynésie française ; projet de loi organique modifiant l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ; projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.
Ces listes ont été affichées et les nominations des membres de ces commissions mixtes paritaires auront lieu ultérieurement lorsque le Gouvernement formulera effectivement ses demandes.
M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, a transmis au Sénat, en application de l’article L. 221-9 du code monétaire et financier, le rapport annuel 2010 de l’Observatoire de l’épargne réglementée.
Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des finances.
Il sera disponible au bureau de la distribution.
M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 24 juin 2011, des décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2011-133 QPC, n° 2011-139 QPC et n° 2011-141 QPC).
Acte est donné de ces communications.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels (proposition n° 651, texte de la commission n° 660, rapport n° 659).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord rendre hommage à l’engagement historique du Sénat, sous l’impulsion de son président, Gérard Larcher, en vue de la promotion de l’apprentissage. Le Sénat se mobilise depuis longtemps, avec force et conviction, pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes et pour changer le regard des Français sur ces formations.
En mai 2010, les Rencontres sénatoriales de l’apprentissage ont par exemple permis d’ouvrir les portes du Sénat à 160 jeunes apprentis français et allemands. Je pense aussi à l’organisation de la cérémonie de remise des médailles d’or du concours national « Un des meilleurs apprentis de France » et du trophée de l’apprentissage, cérémonie à laquelle j’ai participé le 23 février dernier.
Je tiens bien évidemment à remercier le rapporteur de cette proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels, Mme Sylvie Desmarescaux.
Avec ce texte, notre pays va se doter du cadre législatif nécessaire au développement des formations par alternance. Il témoigne de la mobilisation des parlementaires et démontre une nouvelle fois que l’emploi des jeunes est la priorité de la majorité.
Je veux aussi saluer les membres de la commission des affaires sociales, en particulier sa présidente, Mme Muguette Dini, qui, malgré des délais particulièrement courts, ont effectué un travail important et ont procédé à des auditions de qualité sur ce texte.
Le Gouvernement, vous le savez, est très attaché au respect du travail parlementaire. Votre expertise et les idées qui émanent directement de votre expérience du terrain sont indispensables dans le combat que nous menons en faveur de l’emploi.
L’emploi des jeunes doit être un objectif national partagé. Nous avons le devoir d’être à la hauteur des attentes de la jeunesse pour lui permettre de s’intégrer pleinement à notre société en ayant la possibilité d’accéder à un travail qui assure une réelle autonomie matérielle et financière. En 2007, le Président de la République a placé la réhabilitation de la valeur travail au cœur de son projet politique. Depuis cette date, et malgré la crise financière, cet objectif a toujours guidé l’action du Gouvernement.
Je me réjouis de voir que nous allons transcrire dans notre droit, au travers de cette proposition de loi, à la fois les engagements du Président de la République, énoncés dans son discours du 1er mars dernier à Bobigny, certaines propositions de l’accord national interprofessionnel des partenaires sociaux sur l’emploi des jeunes du 7 juin 2011, ainsi que les conclusions du groupe de travail sur l’emploi constitué par Christian Jacob et auquel Jean-Claude Carle, Philippe Dominati et Alain Gournac ont participé.
La feuille de route qui nous a été confiée par le Président de la République est très claire : développer les formations en alternance pour atteindre l’objectif de 800 000 alternants d’ici à 2015.
Monsieur le sénateur, ces formations sont un véritable « prêt à l’emploi ». Elles offrent, vous le savez, une garantie d’insertion professionnelle rapide et durable avec de véritables perspectives de progression sociale. Je le rappelle, 80 % des jeunes apprentis ont un emploi à l’issue de leur diplôme.
Je souhaite d’abord rétablir la vérité sur ce texte concernant l’âge d’entrée en apprentissage. Affirmer que le Gouvernement et la majorité parlementaire veulent autoriser l’apprentissage à quatorze ans est à la fois démagogique et faux.
Tenir un tel discours ne peut venir que d’une intention manifeste de déformer la réalité.
En matière d’âge d’entrée en apprentissage, il faut rappeler les faits : notre droit prévoit déjà l’entrée des jeunes en apprentissage avant seize ans. Mais, pour protéger les jeunes, deux conditions doivent être remplies : avoir achevé le premier cycle de l’enseignement secondaire – le collège – et avoir au moins 15 ans au moment de la signature du contrat. Ces conditions ont été fixées par une circulaire du 30 mai 1997 et n’ont jamais été supprimées par la gauche lorsqu’elle était au pouvoir.
Le problème est que cette règle est source de difficultés lourdes et inutiles pour de nombreux jeunes qui ont suivi une scolarité sans accroc, mais qui, étant nés entre septembre et décembre, n’auront quinze ans qu’après la rentrée scolaire. Que doit-on conseiller à ces jeunes ? Redoubler ? Perdre un an ? Renoncer à un emploi futur grâce à l’apprentissage ?
Modifier une législation qui n’est plus adaptée, c’est faire preuve de pragmatisme, d’ambition pour la jeunesse et, surtout, de courage politique. C’est tout le sens de cette proposition de loi. Concrètement, avec ce texte, dès lors qu’un jeune aura fini sa classe de troisième, il pourra s’inscrire en apprentissage, même s’il est né après le mois de septembre.
La règle sera la même sur l’ensemble du territoire. Un jeune qui sera à moins de trois mois de son quinzième anniversaire n’aura pas à attendre un an après sa classe de troisième pour devenir apprenti.
Je souhaite maintenant détailler les principaux apports de ce texte.
Pour inciter les jeunes à s’engager vers l’apprentissage, il faut revaloriser le statut de l’apprenti. Une carte d’étudiant des métiers sera donc délivrée par le centre de formation d’apprentis, le CFA, et permettra à l’apprenti d’accéder aux mêmes réductions tarifaires que les étudiants de l’enseignement supérieur. Je sais combien Catherine Procaccia est attachée à cette mesure, à l’élaboration de laquelle elle a d’ailleurs été associée.
Parce qu’il faut également faciliter les relations entre les employeurs et les alternants ainsi que la vie des entreprises, ce texte tend à prévoir la création d’un service dématérialisé de l’alternance.
Parmi les apports de ce texte, je veux aussi citer la possibilité nouvelle, et indispensable, pour deux employeurs saisonniers d’embaucher un apprenti en signant une convention tripartite avec lui ou encore l’ouverture de l’apprentissage aux entreprises intérimaires. Avec de telles mesures, nous faisons preuve de pragmatisme, tout en répondant aux attentes qui s’expriment sur le terrain.
De même, un employeur et un salarié pourront désormais renouveler un contrat de professionnalisation dès lors que la qualification préparée permet d’améliorer celle qui est détenue par le salarié.
Par ailleurs, l’instauration d’un cadre légal pour les stages de découverte en entreprise proposés par certaines chambres consulaires pendant les vacances scolaires est une avancée importante pour mettre les jeunes en relation avec le monde professionnel.
Grâce au travail de la commission des affaires sociales et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, de nouvelles avancées ont été apportées à ce texte depuis son vote par l’Assemblée nationale mardi dernier.
Grâce à un amendement de Mme la présidente Muguette Dini, les particuliers employeurs vont pouvoir recourir aux contrats de professionnalisation, sous réserve qu’ils bénéficient d’un accompagnement adapté aux besoins de leur statut. C’est une avancée importante pour ce secteur porteur d’emplois et d’activités non délocalisables, et cela permet aussi d’assurer l’avenir.
S’agissant de l’accès des apprentis au baccalauréat professionnel, le travail du Sénat permet d’instaurer un véritable système dit du « 1 + 2 » afin d’adapter l’apprentissage au baccalauréat professionnel en trois ans. Jusqu’à maintenant, alors que les lycéens pouvaient effectuer une classe de seconde professionnelle générale et se déterminer ensuite pour un certificat d’aptitude professionnelle ou un baccalauréat professionnel, les apprentis devaient arrêter leur choix dès la signature du contrat d’apprentissage. L’article 6, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, permet aux apprentis de bénéficier de la même souplesse que les lycéens.
Mais l’amendement présenté par M. le président Jacques Legendre, M. Jean-Claude Carle, Mmes Catherine Procaccia et Colette Mélot permet d’aller encore plus loin. Désormais, les apprentis, tout en étant en contrat d’apprentissage, pourront suivre une année de préparation générale à l’issue de laquelle ils s’engageront soit vers un certificat d’aptitudes professionnelles, soit vers un baccalauréat professionnel.
Cette proposition de loi s’inscrit aussi dans la révolution culturelle que Xavier Bertrand et moi-même sommes en train de mener pour valoriser l’apprentissage. Afin de conduire cette révolution, des mesures concrètes ont été prises.
Pour les entreprises de moins de 250 salariés, deux dispositifs sont effectifs depuis le 1er mars : la compensation « zéro charge » pendant un an pour toute embauche supplémentaire d’un jeune en apprentissage ou en contrat de professionnalisation et la prime de 2 000 euros pour inciter les entreprises à conclure des contrats de professionnalisation pour des personnes de plus de 45 ans.
De même, la hausse de 3 % à 4 % du quota d’alternants pour les entreprises de plus de 250 salariés a été actée. Vous le savez, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2011, nous avons décidé de prendre en compte la piste proposée par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel des jeunes afin de mieux accompagner et de valoriser les branches professionnelles qui s’engagent et qui ont des résultats.
Parce que je sais que l’action de l’État a aussi besoin de relais, j’ai organisé le 27 avril dernier une grande journée de mobilisation avec plus de 60 représentants des branches professionnelles. Des engagements ambitieux ont été pris : le secteur du paysage prévoit d’atteindre 10 % d’alternants par an, soit 7 000 apprentis ; les secteurs du commerce de gros et de détail visent respectivement une augmentation de 10 % et de 8 % des contrats de professionnalisation.
Pour aller encore plus loin dans la mobilisation des entreprises, j’organise demain une réunion d’échange et de travail avec les entreprises du CAC 40, qui signeront une charte en faveur du développement de l’alternance avec des engagements précis.
Parce qu’il est temps de changer le regard que notre pays porte sur l’apprentissage, j’ai aussi créé, le 7 avril dernier, le club de l’apprentissage dans le but de sensibiliser les jeunes et leurs familles. Ce club est animé par d’anciens apprentis devenus des références dans leur métier, comme le coiffeur Franck Provost ou le grand chef cuisinier Guy Savoy.
Par ailleurs, j’ai lancé une « communauté d’apprentissage » sur le site Viadeo pour mettre en relation les apprentis, les entreprises et leurs centres de formation.
Xavier Bertrand et moi-même avons lancé, le 5 mai dernier, une grande campagne nationale radiodiffusée de promotion de l’apprentissage, intitulée « Un métier, un diplôme, un revenu, c’est ça l’apprentissage ». Avec cette campagne, nous avons voulu faire comprendre aux jeunes que l’apprentissage était une voie royale vers l’emploi et un moteur de promotion sociale accessible à tous les niveaux de formation et dans tous les secteurs.
En trois semaines de campagne, près de 200 000 connexions au site Internet du ministère du travail, de l’emploi et de la santé – emploi.gouv.fr – ont été enregistrées, preuve, s’il en était besoin, que les familles et les jeunes se sont sentis intéressés et interpellés par cette campagne.
S’agissant des contrats d’objectifs et de moyens, ou COM, pour l’apprentissage portant sur la période 2011-2015, Xavier Bertrand et moi-même veillons à ce que toutes les régions prennent leurs responsabilités…
… et s’engagent à parité avec l’État. Le 1er juin dernier, j’ai ainsi signé avec le président de la région Languedoc-Roussillon le premier COM 2011-2015, financé à part égale par l’État et la région, à hauteur de 70 millions d’euros pour chacun. L’objectif de contrat est d’atteindre un nombre de 22 500 apprentis, soit une augmentation de 47 %.
Lundi dernier, j’ai signé avec la Bourgogne, présidée par le sénateur François Patriat, l’accord-cadre en faveur du développement de l’apprentissage. J’ai fait de même vendredi en Alsace, et je serai jeudi en Lorraine pour signer un nouvel accord-cadre. Ces accords prouvent que tous les acteurs peuvent s’unir, dans une démarche républicaine, au-delà des clivages politiques, dès lors que l’intérêt des jeunes prévaut.
Au total, l’État consacrera 1, 7 milliard d’euros, soit 350 millions d’euros supplémentaires par rapport à la première génération de contrats, au financement des COM 2011-2015 pour permettre aux jeunes de bénéficier d’un appareil de formation performant et d’avoir accès à des solutions d’hébergement.
L’appel à projets, doté de 500 millions d’euros, qui est conduit dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, poursuit le même objectif. Son déploiement avance de manière très satisfaisante, le Premier ministre ayant annoncé le 23 mai dernier les quatre premiers projets retenus qui bénéficieront d’une enveloppe de 19 millions d’euros.
Je rappelle que, dans le cadre du grand emprunt, cinquante appels à projets seront consacrés d’ici à 2014 à la rénovation ou à la création de centres de formation d’apprentis innovants ainsi qu’à la création de 15 000 places d’hébergement supplémentaires.
Dans notre pays, de trop nombreux jeunes, dont certains ont d’ailleurs suivi des formations exigeantes dans le système scolaire et universitaire classique, n’arrivent pas à accéder à un emploi durable. Face à ces situations, parfois très difficiles à vivre sur les plans humain et familial, nous ne devions pas baisser les bras.
C’est la raison pour laquelle nous affirmons aujourd’hui, avec cette proposition de loi, notre ambition pour la jeunesse et nous donnons les moyens de développer des solutions mieux adaptées aux réalités actuelles et aux acteurs économiques.
L’avenir de notre pays et celui de nos jeunes se construisent avec vous sur les travées de cet hémicycle. Nous devons en être pleinement conscients, et surtout fiers, parce que nous donnons ainsi des perspectives à notre jeunesse.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, madame le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi examinée aujourd’hui par le Sénat permet d’apporter des réponses concrètes pour développer l’emploi des jeunes.
L’emploi des jeunes, vous le savez, est la priorité du Gouvernement, et le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé. En effet, au-delà des discours, un pays qui n’offre pas d’avenir à ses jeunes est un pays qui n’a tout simplement pas d’avenir. Je crois que nous en sommes ici toutes et tous convaincus.
Je remercie Mme le rapporteur pour le travail de grande qualité effectué en commission, travail qui a permis d’enrichir le texte. J’associe bien sûr à ces remerciements Mme la présidente Muguette Dini.
La proposition de loi vise à développer l’alternance, à encadrer les stages, à développer l’emploi dans les groupements d’employeurs et à sécuriser les parcours professionnels grâce au dispositif unique d’insertion des salariés licenciés pour motif économique.
Je ne reviendrai pas longuement sur les dispositions relatives à l’alternance, Nadine Morano, que je remercie tout particulièrement pour son implication dans ce dossier essentiel pour nos jeunes, les ayant développées dans le détail.
Concernant l’alternance, il faut, pour obtenir des résultats en matière d’emploi des jeunes, rapprocher ces derniers de l’entreprise. En effet, un jeune qui apprend son métier en même temps en entreprise et à l’école a ensuite beaucoup plus de chances de trouver un emploi. J’en veux pour preuve que plus de huit jeunes sur dix formés en alternance trouvent un emploi dans l’année. Ce n’est pas Jean-Claude Carle, spécialiste de cette question depuis bien longtemps, qui me démentira !
Le Président de la République nous a fixé pour objectif d’atteindre d’ici à 2015 le nombre de 800 000 alternants, dont 600 000 apprentis, contre 420 000 emplois aujourd'hui.
Pour atteindre cet objectif, nous avons déjà pris des mesures importantes. Nadine Morano les a rappelées : aides aux PME, relèvement du quota de jeunes alternants…
Les partenaires sociaux veulent eux aussi s’engager, notamment à travers les branches, pour développer l’alternance. On ne peut que soutenir cette dynamique, en veillant bien sûr à ce qu’elle permette à tous de progresser vers l’objectif de 800 000 alternants en 2015. Un amendement gouvernemental a d’ailleurs été adopté en ce sens la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative.
Les modifications apportées par l’Assemblée nationale ont par exemple permis de trouver des réponses permettant d’adapter l’apprentissage au bac professionnel en trois ans, via des mesures pragmatiques et efficaces qui seront opérationnelles dès la rentrée 2011. La commission des affaires sociales du Sénat a voulu aller encore plus loin ; je soutiens ce volontarisme.
Nous voulons aussi ramener à leurs justes proportions les interrogations exprimées sur l’âge d’entrée en apprentissage. Le texte permet simplement de légaliser une pratique existante en prenant en compte les jeunes dont la date anniversaire des quinze ans tombe après le début de l’année scolaire. Il s’agit ainsi d’éviter qu’un jeune qui fêterait ses quinze ans le 2 novembre n’attende dix mois sans rien faire de constructif tout simplement parce que son anniversaire est postérieur au début de l’année scolaire ! Il s’agit également d’élargir le préapprentissage sous statut scolaire pour les jeunes ayant achevé leur troisième. Il ne s’agit que de cela : rien de plus, rien de moins !
Nous n’avons pas voulu poser un principe général dans la mesure où, je le rappelle, il existe déjà des dispositions sur l’apprentissage junior dans le code de l’éducation. Nous avons au contraire cherché à apporter quelques assouplissements, de façon pragmatique. Ceux qui, sur ce dossier, s’inscriraient dans un débat idéologique en seront pour leurs frais.
J’en viens aux dispositions de la proposition de loi qui visent à mieux encadrer les stages en entreprises pour empêcher les abus.
L’Assemblée nationale a repris les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 7 juin dernier qui encadre la pratique des stages. Je salue l’action conjuguée des partenaires sociaux et du Parlement pour atteindre cet objectif. Si l’action du Gouvernement en la matière a d’ores et déjà permis d’enregistrer des progrès, une nouvelle étape est ouverte par ces dispositions que sont le délai de carence, le plafonnement à six mois, l’interdiction de pourvoir un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise...
Les stages permettent aux jeunes de préciser leur orientation, de mettre en œuvre des connaissances théoriques dans un cadre professionnel, d’acquérir une expérience du monde de l’entreprise et de ses métiers : c’est un moyen efficace d’insertion sur le marché du travail.
Il faut bien veiller à ce que l’entreprise donne la meilleure image d’elle-même à ces jeunes ; les nouvelles modalités de réalisation des stages permettront de le garantir.
Ce texte comporte également des dispositions visant à faire franchir un cap aux groupements d’employeurs.
Ces derniers sont un atout pour l’entreprise, parce qu’ils permettent des embauches qui n’auraient pas été possibles si chaque entreprise avait dû assumer seule la charge administrative ou le coût de l’embauche d’un salarié supplémentaire.
Les groupements d’employeurs sont aussi un avantage pour le salarié, qui peut ainsi exercer son métier dans différentes entreprises et enrichir son expérience.
Les entrepreneurs utilisant ce système, notamment dans les zones touristiques où il a été expérimenté en priorité, ont fait part de leur satisfaction à l’égard de ce dispositif empirique.
Mais nous pouvons et nous voulons aujourd'hui aller plus loin. Jean-Charles Taugourdeau, député spécialiste de cette question depuis longtemps, nous a également permis d’inscrire dans la loi des modalités qui devaient y être consacrées.
Aujourd’hui, seuls 30 000 salariés sont employés dans des groupements d’employeurs. La présente proposition de loi initiée par Gérard Cherpion permettra de faciliter le développement de ce dispositif en levant les restrictions et les obstacles inutiles, tout en apportant des garanties aux salariés. Nous y tenons !
Madame le rapporteur, vous avez eu le souci de prendre en considération les discussions entre les partenaires sociaux encore en cours et de le faire de manière souple, en tenant compte du fait que la majorité des groupements d’employeurs appartiennent au secteur agricole et ne sont pas visées par les discussions en cours.
Dans un tout autre domaine, vous avez également, à la suite de contacts avec des organisations syndicales, pris l’initiative de transposer les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009 sur le prêt de main-d’œuvre, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités pour l’emploi et offrant ainsi aux salariés des garanties pragmatiques et concrètes.
Enfin, ce texte donne une base légale au contrat de sécurisation professionnelle pour les licenciés économiques, le CSP, auquel ont abouti les partenaires sociaux au terme de leurs discussions relatives à la fusion du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé.
Voulu et annoncé par le Président de la République, le contrat de sécurisation professionnelle renforcera les garanties apportées aux salariés licenciés pour motif économique : il améliore leur accompagnement dans la recherche d’emploi et permet un pilotage territorial au plus près des besoins des territoires. C’est un outil efficace de retour à l’emploi.
C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’adoption, dans cette proposition de loi, de dispositions permettant de rendre applicable dans les prochaines semaines un nouveau contrat de sécurisation professionnelle.
Monsieur le président, madame le rapporteur, madame la présidente, madame le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi déposée par M. Cherpion est à la fois ambitieuse et pragmatique.
Je sais que vous aurez à cœur d’enrichir ce texte de manière constructive. Le Gouvernement sera ouvert à vos propositions, sous réserve bien évidemment de leur compatibilité avec l’esprit du texte et avec les accords signés par les partenaires sociaux. C’est, je pense, le cas d’un certain nombre de dispositions.
La présente proposition de loi nous donne des outils afin d’aider les jeunes à accéder à un emploi durable, à l’autonomie et à l’insertion dans la société par la voie du marché du travail. C’est plus que jamais une priorité au sortir de la crise. Nous comptons sur la mobilisation de tous les acteurs concernés, les élus locaux, les entreprises et les partenaires sociaux, ainsi que sur celle des parlementaires, pour soutenir notre mobilisation sur ce sujet. Pour faire reculer le chômage, nous avons besoin, certes, de la conjoncture économique, mais également d’outils supplémentaires.
Cette année, nous verrons le chômage diminuer. Même si un trou d’air passager lié à une conjoncture plus difficile n’est pas exclure, nous réussirons en effet à faire repasser le chômage en dessous de la barre des 9 %, du moins dans un premier temps. Ce sera notamment grâce à ce texte.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, développer l’alternance et sécuriser les parcours professionnels : tels sont les objectifs, éminemment importants pour une partie de la jeunesse et des salariés de notre pays, de cette proposition de loi.
En effet, est-il acceptable de se résigner à un taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans qui atteint 23, 3 % ? Un tel taux est en effet dramatique pour leur avenir !
Est-il davantage acceptable de tenir la dégradation de la stabilité de l’emploi et l’impuissance des salariés face aux changements économiques pour des situations acquises et sans remède ? Je ne le crois pas.
C’est pour répondre à ces problèmes qui mettent gravement en péril la cohésion sociale que la présente proposition de loi a vu le jour, sur l’initiative de notre collègue député Gérard Cherpion.
Cette proposition de loi vise à offrir des réponses simples et efficaces aux difficultés que peuvent rencontrer certains jeunes pour accéder à l’emploi et certains employeurs pour recruter de la main-d’œuvre. Elle n’a pas la prétention de constituer la réforme d’ensemble qui réglera le problème du taux d’emploi des populations les plus fragiles. Mais elle présente de nombreuses mesures pragmatiques, faciles à mettre en œuvre sans délai et susceptibles d’amorcer une dynamique de croissance de l’emploi.
C’est en effet en actionnant différents leviers encore sous-exploités des champs de la formation initiale, de l’accompagnement des mutations économiques et de la gestion de la main-d’œuvre que l’on pourra donner l’impulsion permettant de consolider la reprise de l’activité économique que la France, comme l’a souligné M. le ministre, connaît depuis le début de l’année 2010.
Depuis son dépôt à l’Assemblée nationale au mois d’avril dernier, la proposition de loi a connu plusieurs évolutions importantes.
Son article 6, qui instaurait un système de bonus-malus sur la contribution supplémentaire à l’apprentissage, a été intégré au projet de loi de finances rectificative pour 2011 actuellement en cours d’examen.
Son article 13, consacré au partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, figure désormais dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2011 que nous examinerons prochainement.
Saisis en application du protocole de consultation sur les propositions de loi touchant au droit du travail, les partenaires sociaux ont conclu deux accords nationaux interprofessionnels qui sont encore venus enrichir le texte initial.
Enfin – surtout, dirai-je –, le dispositif d’ensemble a pris de l’ampleur, avec l’ajout de vingt-huit articles lors de l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale.
Les dispositions du texte s’organisent désormais autour de quatre grandes thématiques qui se révèlent complémentaires. Elles partagent un objectif commun : améliorer concrètement les conditions d’emploi et de formation des jeunes et de certains salariés ainsi que les possibilités de développement économique des entreprises.
La première thématique porte sur le développement de l’alternance. Elle constitue la traduction des engagements du Président de la République, dans son discours du 1er mars 2011, en faveur des jeunes suivant une formation en alternance. La proposition de loi contient donc un ensemble de mesures en faveur des 600 000 jeunes qui suivent aujourd’hui l’un de ces cursus et qui, espérons-le, seront demain encore plus nombreux à le faire.
Mes chers collègues, vous tous qui êtes élus locaux comme moi, vous avez sans doute été appelés à l’aide par des jeunes de votre département qui ne parvenaient pas à trouver de place en apprentissage. La proposition de loi leur apportera des solutions concrètes, comme de nouvelles possibilités de formation en CFA, pendant qu’ils continuent leur recherche. Grâce aux initiatives heureuses de notre collègue Jean-Claude Carle, la commission des affaires sociales a renforcé les passerelles destinées à ceux qui souhaiteraient changer de formation en cours de route et se réorienter, en passant de la préparation d’un baccalauréat professionnel à celle d’un certificat d’aptitude professionnelle.
Nous savons bien que l’alternance constitue une vraie réponse à la précarité grandissante qui touche certains jeunes, bien plus exposés aux effets des crises que nous ne l’étions à leur âge. Mais les mentalités sont longues à changer et il est malheureusement toujours nécessaire de rappeler que l’apprentissage est une voie d’excellence, comme l’a dit Mme la ministre. En effet, deux tiers des apprentis trouvent un emploi à la sortie de leur formation et 86 % d’entre eux ont un emploi trois ans après la fin du contrat d’apprentissage ; les chiffres parlent d’eux-mêmes ! L’apprentissage représente également le meilleur moyen de devenir chef d’entreprise : plus de la moitié des patrons d’entreprise artisanale sont eux-mêmes issus de l’apprentissage !
Voila pourquoi la proposition de loi s’attache à rendre l’apprentissage plus attractif et à mieux le valoriser. Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, elle ne prévoit pas d’ouvrir l’apprentissage à partir de quatorze ans. Nous avons déjà débattu de cette question dans le passé, mais j’insiste et j’insisterai encore sur ce point : les promoteurs de la proposition de loi n’envisagent aucunement de permettre aux jeunes d’entrer en apprentissage dès quatorze ans !
En revanche, elle propose la revalorisation du statut de l’apprenti, notamment en créant une carte d’étudiant des métiers qui accordera les mêmes avantages économiques, sociaux et culturels que la carte d’étudiant. Les travaux de la commission des affaires sociales ont permis de garantir que les CFA délivreront effectivement cette carte.
Cela étant, l’apprentissage ne se développera pas sans la coopération complète des entreprises. Pour y parvenir, la proposition de loi tend à permettre à deux nouveaux secteurs économiques, qui en ont fait activement la demande, de recourir à l’apprentissage : le secteur du travail temporaire et celui des activités saisonnières. Nous avons d’ailleurs accompagné ce mouvement en ouvrant aux particuliers employeurs, sur la proposition de notre présidente Muguette Dini, la possibilité de recourir aux contrats de professionnalisation afin de favoriser la formation des personnels et de mieux répondre aux besoins des familles.
L’apprentissage ne se développera pas non plus sans les personnes dévouées, passionnées et prêtes à transmettre leur savoir-faire que sont les maîtres d’apprentissage. La proposition de loi prévoit que les branches professionnelles devront négocier sur les moyens de valoriser leur engagement.
Nous avons également été sensibilisés à la question des ruptures de contrats d’apprentissage en « cours de route », qui constituent autant d’échecs navrants. La commission des affaires sociales a donc souhaité élargir temporairement les missions des médiateurs de l’apprentissage à la prévention de ces ruptures, en se fondant sur l’expérience particulièrement efficace de l’Alsace-Moselle ; dans ces trois départements, le taux de rupture des contrats d’apprentissage n’est que de 8 %, contre 24 % à l’échelle nationale.
La deuxième thématique porte sur l’encadrement des stages.
Les mesures que nous avions déjà adoptées dans le cadre de la loi pour l’égalité des chances, notamment sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, sont ici renforcées. Ces améliorations reprennent les conclusions de l’accord national interprofessionnel du 7 juin 2011 sur l’accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise.
On sait que les stages restent, pour les jeunes, un excellent moyen de parfaire une formation et sont une étape clé pour leur insertion dans le monde du travail. Ils seront désormais mieux reconnus : les stagiaires accéderont, au même titre que les salariés, aux activités sociales et culturelles de l’entreprise et la durée du stage sera mieux prise en compte dans la période d’essai, en cas d’embauche.
La commission des affaires sociales a également tenu à réaffirmer les droits des jeunes qui souhaitent développer leur engagement citoyen. Sur proposition d’Isabelle Debré, elle a autorisé les jeunes de seize ans révolus à constituer une association et, avec l’accord de leur représentant légal, à l’administrer.
La troisième thématique est fondamentale, car elle concerne l’aide aux personnes victimes d’un licenciement économique.
La proposition de loi crée un nouveau contrat, à savoir le contrat de sécurisation professionnelle, destiné à encadrer leur parcours de retour à l’emploi et à leur permettre, par une formation longue et des périodes de travail, de se reconvertir professionnellement. Ce contrat réalise la fusion de deux dispositifs actuels : le contrat de transition professionnelle, le CTP, et la convention de reclassement personnalisé, la CRP, qui, jusqu’ici, coexistaient difficilement.
Du fait de querelles internes, les méthodes employées dans ces deux dispositifs et leur pilotage n’ont jamais pu être harmonisés. Les conseillers de Pôle emploi, chargés principalement de la mise en œuvre de la CRP, n’ont bénéficié ni de la formation nécessaire ni de l’incitation suffisante pour exploiter le potentiel qu’offre un accompagnement de long terme centré sur l’orientation et la formation.
Pour répondre aux critiques, je tiens à préciser que la fusion des deux dispositifs dans le CSP s’opère sur la base de mesures qui ont fait leurs preuves : l’accent est mis sur le pilotage territorial du futur dispositif, qui explique le succès du CTP lorsqu’il repose sur des acteurs locaux inventifs et compétents, comme j’ai pu en auditionner. Le lien avec le tissu économique local sera donc essentiel pour identifier les métiers vers lesquels il faut orienter la reconversion des bénéficiaires du CSP.
Dans un accord signé le 31 mai 2011, les partenaires sociaux ont défini les modalités de mise en œuvre du CSP. Si cet accord, en lui-même, n’est pas l’objet de notre texte, on peut néanmoins signaler que le CSP sera ouvert aux salariés à partir d’un an d’ancienneté, contre deux ans dans le cadre de la CRP, qu’il donnera droit au versement d’une allocation équivalente à 80 % du salaire brut et, surtout, qu’il sera expérimenté pour l’accompagnement des publics précaires, ceux qui ne bénéficient d’aucune sécurité sur le marché du travail, qu’ils soient en fin de contrat à durée déterminée ou en intérim.
Enfin, la quatrième thématique porte sur les groupements d’employeurs.
Créés en 1985, ces groupements, dont l’objet est de permettre aux entreprises adhérentes d’organiser entre elles la mise à disposition non lucrative de salariés travaillant à temps partagé, représentent aujourd’hui 23 000 emplois. Cette formule a pour intérêt d’offrir des emplois stables, tout en répondant à un besoin temporaire de main-d’œuvre des employeurs : les petites entreprises peuvent notamment partager de cette manière les services de techniciens qualifiés et les grandes entreprises peuvent également y trouver leur intérêt, en développant par ce biais une coopération avec les autres acteurs économiques locaux.
La proposition de loi simplifie les modalités d’adhésion et les règles de responsabilité financière applicables. Cet aménagement devrait encourager les entreprises à considérer le groupement comme le moyen de s’adapter aux variations de l’activité tout en protégeant leurs travailleurs et non pas, comme le craignent certains, être un facteur de précarisation des salariés.
La commission des affaires sociales a veillé à organiser les relations entre groupements d’employeurs et collectivités territoriales, car celles-ci ne sont pas des acteurs économiques comme les autres : elles peuvent être amenées à satisfaire leurs besoins temporaires de main-d’œuvre, pour des travaux d’entretien par exemple, en faisant appel à des entreprises d’insertion. Nous nous sommes aussi préoccupés des conséquences qui pourraient résulter de l’existence de ces groupements d’employeurs pour l’emploi des travailleurs handicapés ; je souhaiterais, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous nous donniez l’assurance que cette formule ne conduira pas à exonérer certaines entreprises de l’obligation, qui leur est imposée par la loi, d’employer des travailleurs handicapés à hauteur de 6 % de leur effectif. Vous savez que je tiens au respect de cette obligation !
Pour finir sur les groupements d’employeurs, je rappelle que les partenaires sociaux ont ouvert, la semaine dernière, une négociation interprofessionnelle sur ce thème. C’est pour cette raison, et pour respecter les règles du dialogue social, que la commission des affaires sociales a proposé de reporter l’entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition de loi relatives à ce sujet au 1er novembre 2011, pour laisser du temps à la négociation. Si les partenaires sociaux parviennent à un accord d’ici là, la loi en tiendra compte, mais il ne faudrait pas que l’intervention du législateur soit entravée par des négociations qui pourraient ne jamais aboutir. Depuis plus de deux ans déjà, la réforme des groupements d’employeurs est attendue : il est grand temps d’agir !
J’ajouterai un dernier mot sur le prêt de main-d’œuvre. Cette pratique a été plébiscitée durant la crise et la commission des affaires sociales a souhaité lui donner un cadre juridique protecteur des droits des salariés.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons considéré que la proposition de loi met en lumière certains obstacles au développement de l’emploi, liés aussi bien à la formation en alternance qu’au reclassement des licenciés économiques, et qu’elle y apporte de vraies réponses, en développant la flexibilité, au bénéfice des jeunes en formation, des salariés et des employeurs, et en garantissant une plus grande sécurité dans le déroulement des parcours professionnels.
Bien évidemment, je ne peux achever mon propos sans préciser que nous regrettons néanmoins que le recours à la procédure accélérée et le calendrier très contraint qui nous a été imposé nous conduisent à examiner ce texte dans des conditions peu satisfaisantes.
Nous en avons encore eu la démonstration ce matin, lors de l’examen des amendements en commission.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je serai donc conduite, tout à l’heure, à émettre, au nom de la commission des affaires sociales, des avis qui ne correspondent pas au texte qu’elle a adopté.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous abordons l’examen aujourd’hui ne pèche pas par ses intentions. Nous partageons le constat de l’insuffisante sécurité des parcours professionnels, livrés à la précarité, et de la nécessité d’œuvrer pour l’emploi des jeunes. Toutefois, nous pensons que la majorité porte une lourde responsabilité en la matière et que la proposition de loi ne contribuera pas à enrayer ce phénomène.
Concernant les jeunes, le constat est accablant : le chômage touche un quart des moins de vingt-cinq ans, 21 % d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté et le recours aux emplois précaires explose dans cette classe d’âge.
Que l’on se rassure, le Gouvernement a trouvé la solution puisque, à grand renfort de communication, il mise sur l’apprentissage !
Si l’apprentissage peut être une voie à explorer dans certains cas, il ne saurait constituer le remède aux difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail ni à l’orientation d’élèves mis au ban du système scolaire. En effet, plus d’un tiers des apprentis ne trouvent pas d’emploi à l’issue de leur formation ; quant aux ruptures de contrat, elles concernent environ un quart des apprentis chaque année, pour atteindre, dans certaines formations comme celles du secteur de l’hôtellerie ou de la restauration, des taux de 37 % !
Sur la forme, la proposition de loi ne se donne pas d’autre objectif que d’exaucer les vœux présidentiels, ce qui constitue une regrettable distorsion du fonctionnement de nos institutions et un dévoiement des droits des parlementaires.
Se parant d’objectifs ambitieux, la proposition de loi manque pourtant son but : elle alterne entre dispositions insignifiantes et innovations dangereuses, aboutissant à la précarisation des apprentis comme des salariés.
Concernant l’alternance, un certain nombre de dispositions ont été transférées dans le projet de loi de finances rectificative pour 2011. Elles ont cependant un lien avec cette proposition de loi, et j’en dirai donc un mot.
Bien que ces dispositions soient plus favorables aux entreprises qu’aux apprentis, ces dernières n’ont pourtant eu de cesse d’en atténuer la portée. Ainsi, l’exonération de charges d’un an pour toute nouvelle embauche en alternance dans les entreprises de moins de 250 salariés et le nouveau seuil de 4 % d’apprentis dans les entreprises de plus de 250 salariés, au lieu de 3 % antérieurement, accompagné d’un système de bonus-malus gradué, n’ont pas semblé convenir au patronat.
Alors que ces dispositions sont censées rendre l’apprentissage attractif, non seulement rien n’est fait pour revaloriser les salaires dérisoires des apprentis, qui se situent entre 25 % et 78 % du SMIC, mais des pressions ont également été exercées pour amoindrir les malus des entreprises. C’est ainsi qu’a germé l’idée d’une exonération de contribution supplémentaire à l’apprentissage pour les entreprises s’engageant à augmenter de 10 % leur nombre d’apprentis d’ici à l’an prochain.
En outre, l’instauration d’un plafond pour la part de la taxe affectée aux formations professionnelles, le « barème », favorise la part reversée directement à l’apprentissage, alors que la loi lui réserve déjà 52 % du produit de cette taxe.
Cette limitation ne serait pas si problématique si la part « barème », ainsi fortement diminuée, ne permettait pas précisément de financer l’enseignement professionnel que je veux défendre ici. Oublié, négligé, injustement méprisé, il mérite pourtant toute notre attention. On prétend le revaloriser, alors qu’il va voir ses financements amoindris !
La proposition de loi crée par ailleurs la possibilité de signer un contrat d’apprentissage saisonnier avec deux employeurs différents, ce qui favorisera les entreprises, ravies de pouvoir capter cette main-d’œuvre à bas coût dans un secteur par définition précaire. Les difficultés pour les familles et les apprentis en seront décuplées, ces derniers se trouvant contraints de se diviser entre deux postes, deux formations, deux logements, etc. De plus, il n’est pas certain que la complémentarité de ces contrats soit assurée pour l’obtention du ou des diplômes préparés, tant les emplois dits « saisonniers » sont divers.
La proposition de loi prévoit également la possibilité d’effectuer un contrat d’apprentissage dans des entreprises d’intérim. Là encore, l’intérêt est évident pour l’entreprise, mais beaucoup moins pour l’apprenti, qui doit être engagé dans une mission longue et formatrice de un à trois ans, ce qui est n’est pas le cas en intérim.
Quant à la possibilité de renouveler une fois le contrat de professionnalisation, qui peut déjà durer douze mois et, dans certains cas, vingt-quatre mois, elle est inadmissible ! Cela revient à créer des contrats précaires pouvant durer jusqu’à quarante-huit mois, ce qui est même en dehors du cadre légal des contrats à durée déterminée.
Enfin, au mépris de l’âge de l’obligation scolaire fixé à seize ans, des sections « apprentissage » seraient ouvertes en troisième et en quatrième ; dans le même temps, l’âge du contrat d’apprentissage serait encore abaissé pour atteindre quatorze ans.
Concernant la réglementation des stages, la proposition de loi est malheureusement insuffisante. Elle ne dit en effet mot de la revalorisation de la gratification, ni de l’ouverture des droits à cotisation pour la retraite et le chômage.
Le contrat de sécurisation professionnelle, issu de la fusion entre les conventions de reclassement personnalisé et les contrats de transition professionnelle, ne tient pas compte du bilan opéré par la Cour des comptes sur les anciens dispositifs et des insuffisances qu’elle a pointées, en particulier le nombre limité de bénéficiaires et le manque d’efficacité dans le retour à l’emploi. Ainsi, loin de la sécurité sociale professionnelle que les organisations syndicales appellent de leurs vœux, cette disposition est un aménagement du licenciement économique. S’il est légitime de chercher à limiter les effets de ces licenciements, ce n’est évidemment pas suffisant. Il faut aller au-delà, s’engager dans une démarche tournée vers le maintien de l’emploi et pas seulement vers la reconversion des salariés une fois le licenciement intervenu.
Quant aux dispositions sur les groupements d’employeurs, il s’agit là d’une dérégulation totale.
Elles reposent sur l’idée selon laquelle les salariés devraient servir de variable d’ajustement aux entreprises, en permettant la mise à disposition de salariés au profit des employeurs du groupement.
En autorisant l’adhésion à deux groupements, la proposition de loi étend la possibilité à toutes les entreprises, y compris les plus grosses, ainsi qu’aux collectivités.
Les salariés seront placés dans une situation de grande précarité, puisque l’obligation d’embauche en contrat à durée indéterminée est supprimée et que, contrairement aux missions d’intérim, le salarié mis à disposition ne perçoit pas de prime de précarité.
La possibilité d’étendre le principe du groupement aux collectivités sert, elle, le projet de casse du statut de la fonction publique et permet la généralisation de l’externalisation, jusqu’alors très limitée.
Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, nous voterons contre le texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, les jeunes ont été particulièrement touchés durant la crise économique, ce qui n’a fait que mettre en lumière les difficultés d’insertion professionnelle et l’inadéquation de la formation par rapport à l’emploi.
Depuis trente ans, notre pays consacre une part importante de ses dépenses publiques à l’emploi des jeunes. Cependant, l’enjeu aujourd'hui est non pas nécessairement l’accroissement de ces dépenses, mais plutôt la création et l’évaluation de nouveaux dispositifs.
Ainsi, l’apprentissage est une voie d’avenir puisque plus de huit jeunes apprentis sur dix trouvent un emploi dans l’année qui suit l’obtention du diplôme. En outre, pour un même diplôme, un jeune formé par apprentissage a davantage de chances de trouver rapidement un emploi qu’un jeune resté sur la voie scolaire.
Pourtant, à ce jour, seuls 7 % des jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans ont la chance de bénéficier de ce type de formation. Cela n’est pas satisfaisant !
La question de l’insertion des jeunes est d’autant plus préoccupante que leur situation est comparativement moins bonne en France que dans de nombreux pays européens. Regardons ce qui se passe en Allemagne, où trois fois plus de jeunes sont en apprentissage. Autre culture, autres résultats, me direz-vous. Mais pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que nos voisins ?
Pour construire des parcours professionnels valorisants et juguler le nombre de demandeurs d’emploi, l’apprentissage et l’alternance constituent un levier performant ; l’Allemagne l’a bien compris.
La France figure, de manière récurrente, au triste palmarès des nations de l’OCDE où le chômage des jeunes est parmi les plus élevés, oscillant entre 17 % et 23 %. Outre-Rhin, le chômage des jeunes dépasse rarement 10 %, du fait essentiellement de l’essor d’un système de formation dual et d’un fléchage vers les filières d’apprentissage dès le collège.
La formation en alternance est un modèle de réussite en Allemagne mais pas encore en France ; je le regrette, car, chaque année, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ou qualification et 80 000 étudiants quittent l’université au cours de la première année.
Voilà pourquoi le Président de la République a annoncé un plan de mobilisation pour l’emploi le 1er mars dernier, en vue de développer l’alternance, avec 800 000 contrats, dont 600 000 apprentis d’ici à 2015, contre 420 000 à ce jour.
L’emploi des jeunes doit être un objectif national partagé par l’ensemble des acteurs de notre pays, qu’il s’agisse des chefs d’entreprise, des partenaires sociaux, des régions mais aussi de l’État !
Bien que l’apprentissage dans la fonction publique connaisse un développement depuis quelques années, les employeurs publics n’ont pas été suffisamment présents sur le terrain de la formation et de l’insertion de notre jeunesse. De nombreux jeunes engagés dans la voie professionnelle, soit sous statut scolaire, soit en apprentissage, peinent à trouver un employeur prêt à les accueillir. Aussi je souhaite que non seulement l’État, mais aussi les collectivités ne se défaussent pas de leurs responsabilités et s’investissent dans la formation professionnelle pour accueillir des stagiaires en lycée professionnel et des apprentis.
L’apprentissage dans le secteur public est extrêmement peu développé. Seuls 8 000 nouveaux contrats d’apprentissage y ont été conclus en 2009, contre près de 300 000 dans le secteur marchand. Les communes ont conclu près de 60 % des nouveaux contrats, contre à peine 7 % pour les services de l’État, soit seulement 600 contrats !
Avec plus de 5 millions d’agents, le secteur public, premier employeur de France, est appelé à jouer un rôle décisif dans le développement de l’emploi et de la formation des jeunes. À l’instar de l’effort consenti par les branches professionnelles, l’État doit se mobiliser pour augmenter son potentiel d’accueil en alternance.
Les freins à l’alternance dans les services de l’État sont bien identifiés. La culture de l’apprentissage dans le secteur public est encore limitée, mais cela doit changer ! Je souhaite, donc que l’État se montre exemplaire. Le Gouvernement a réaffirmé sa volonté de développer la formation en alternance. Force est de constater que cette volonté, largement partagée, a des difficultés à se concrétiser.
La mise en place, en 2009, de la réforme pleinement justifiée du baccalauréat professionnel a provoqué dans le même temps une baisse structurelle des contrats d’apprentissage de niveau V – 26 000 apprentis de moins qu’en 2008, soit une diminution de 16 % en un an – à laquelle s’ajoute une baisse de 12 000 contrats de professionnalisation du même niveau.
Quatre raisons expliquent cette situation.
La première concerne la famille, pour qui l’orientation d’un enfant en CFA est encore vécue comme un échec.
La deuxième raison touche à l’éducation nationale, toujours aussi réticente à voir l’entreprise entrer dans un domaine qu’elle considère comme réservé.
La troisième raison est liée au fait que les conseils régionaux préfèrent souvent remplir, pour la préparation d’un même diplôme, les lycées professionnels que les CFA. Bien sûr, ils ont beaucoup investi dans les premiers, mais les seconds, comme l’a montré une récente étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, présentent des taux d’insertion dans l’emploi de dix points supérieurs. Dans cette affaire, seul l’intérêt des jeunes devrait pourtant compter.
Enfin, la quatrième raison est que les employeurs hésitent à signer un contrat sur trois ans.
Notre proposition de loi apporte plusieurs réponses fortes à ce problème, et je m’en réjouis.
La première est le dispositif d’initiation aux métiers en alternance, le DIMA, qui prévoit que les CFA peuvent accueillir pour un an, sous statut scolaire, les jeunes âgés de quinze ans pour leur faire découvrir l’apprentissage en approchant plusieurs métiers d’une même filière.
La loi du 24 novembre 2009 indiquait explicitement que les élèves de seconde pouvaient bénéficier du DIMA, mais, malheureusement, une circulaire du ministère de l’éducation nationale est venue limiter ce dispositif à la troisième, faisant ainsi obstacle à la volonté du législateur. Que les fonctionnaires se permettent ainsi de détourner la loi n’est pas acceptable !
Il est vrai que, dans ce ministère, certains pédagogues ne montrent que peu d’intérêt pour l’apprentissage. Je voudrais simplement leur dire que, pour moi, un apprenti en marche fait plus avancer la France qu’un pédagogue assis.
C’est une insulte aux pédagogues ! Vous jetez le discrédit sur les enseignants !
La deuxième réponse consiste à donner une certaine souplesse au contrat d’apprentissage préparant au baccalauréat professionnel en trois ans en prévoyant, comme l’a voulu le rapporteur à l’Assemblée nationale, qu’un avenant puisse être signé au terme de la première année du contrat pour réorienter la formation vers l’obtention d’un certificat d’aptitude professionnelle.
Je tiens à remercier la commission d’avoir accepté mon amendement, qui permet d’aller plus loin que le dispositif proposé par Gérard Cherpion, en instaurant un véritable système « 1+2 » ou « 1+1 » permettant d’adapter l’apprentissage au baccalauréat professionnel en trois ans.
Ce système dit « 1+2 » ou « 1+1 » permet aux apprentis, tout en étant sous contrat d’apprentissage, de suivre une année de préparation générale qui sera validée et à l’issue de laquelle ils s’engageront soit vers un CAP, soit vers un baccalauréat professionnel. Cela permet aux jeunes de mûrir leur choix, aux employeurs de tester leur motivation, et ainsi de faire baisser le taux de rupture des contrats, évalué à 20 %.
Enfin, pour les « décrocheurs », la commission a également retenu l’idée d’un dispositif innovant de préparation à l’apprentissage afin de redonner une chance aux jeunes demandeurs d’emploi, qui rencontrent les difficultés les plus importantes.
Cette réforme sera notamment financée par la rationalisation de l’utilisation des périodes de professionnalisation dans les grandes entreprises, ce qui montre que nous avons essayé – et réussi, je l’espère – à conjuguer la justice sociale et la bonne gestion des deniers de la formation professionnelle.
Je tiens également à souligner le travail remarquable de notre rapporteur, Sylvie Desmarescaux, malgré les délais très courts qui lui étaient accordés.
Je formule le vœu, monsieur le ministre, madame la ministre, que les décrets et autres circulaires d’application soient publiés avec la même célérité que celle qui est demandée au Parlement pour examiner les textes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons la même conviction que l’apprentissage ne se développera pas sans la coopération complète des entreprises et que, pour y parvenir, il faut l’ouvrir à de nouveaux secteurs économiques, notamment le travail temporaire ou les activités saisonnières.
Je me réjouis également des propositions innovantes de la présidente de la commission, Mme Dini, comme la possibilité maintenant offerte aux particuliers employeurs de recourir aux contrats de professionnalisation.
Je souhaite également, à travers un amendement que j’ai déposé, aborder le cas des écoles de production et de leur statut juridique. En effet, ces écoles se révèlent être un outil particulièrement performant pour conduire les jeunes qu’elles forment vers l’emploi durable. Ces écoles poursuivent une démarche d’excellence par la force de la pédagogie du « faire pour apprendre », en conditions réelles de production et par la qualité des jeunes professionnels ainsi formés.
Les employeurs ne s’y trompent pas. Pour eux, le jeune ainsi formé est « du métier », ce qui est un atout décisif ; il n’est pas rare que des élèves finissent l’école avec plusieurs propositions d’emploi et le taux de placement en fin de cursus avoisine les 100 %. De plus, ces emplois s’inscrivent dans la durée. Un nombre significatif de ces jeunes se mettent à leur compte, notamment en tant qu’artisan.
Au-delà de ces avantages, il faut encore noter que les écoles de production, de part leur état d’« école-entreprise » ou d’entreprise intégrée dans l’école, permettent d’accueillir des élèves qui rencontreraient des difficultés pour s’insérer directement dans le monde du travail, comme l’exige une démarche d’apprentissage classique. Le travail éducatif, alors indispensable, qui n’est pas du ressort d’une entreprise ordinaire, trouve toute sa place dans le contexte d’une école de production.
Il n’est pas acceptable que ces écoles ne bénéficient pas d’une reconnaissance juridique suffisante de l’État, pour garantir à leurs élèves l’absence de discrimination par rapport à leurs camarades fréquentant les filières traditionnelles de l’apprentissage et de la formation professionnelle. C’est d’ailleurs le système scolaire dit « classique » qui les a exclus ou les a laissés sur le bord du chemin.
Enfin, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur le décret d’application relatif à l’utilisation des machines dangereuses par les apprentis. Plus de deux ans après la promulgation de la loi du 24 novembre 2009, aucun texte réglementaire n’a été pris.
Dans notre pays, nous avons tendance à surprotéger et le principe de précaution est souvent dévoyé, invoqué à tort et à travers pour esquiver les problèmes. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. Comment former des jeunes s’ils ne peuvent utiliser les machines indispensables à l’apprentissage de leur métier ?
La formation en alternance et l’apprentissage sont l’objet d’enjeux économiques et sociaux cruciaux pour notre pays. La proposition de loi revêt donc une importance particulière, dans la mesure où elle permettra aux générations futures de croire encore en l’avenir.
Un dispositif de formation moderne et sécurisé, tel que celui que nous proposons aujourd’hui, est une des conditions pour lutter efficacement contre le chômage. Ce texte constitue une étape importante. Il devra, pour être pleinement efficace, s’accompagner de mesures permettant d’optimiser les moyens dédiés à l’apprentissage, en particulier à la taxe d’apprentissage, à la collecte de cette dernière, à sa répartition et à son affectation.
Le groupe de l’UMP votera avec conviction et enthousiasme ce texte porteur d’avenir pour notre jeunesse.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde où les jeunes rencontrent de plus en plus de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail et où les parcours professionnels sont marqués par une instabilité croissante, la présente proposition de loi constitue un volet important de la bataille pour l’emploi.
Cette proposition de loi, cela a été dit, concrétise le plan annoncé par le Président de la République à Bobigny le 1er mars dernier en faveur des jeunes suivant une formation en alternance.
Nous abordons aujourd'hui l’examen d’un texte pragmatique, dont les mesures les plus emblématiques sont, pour la plupart, relativement consensuelles.
Enfin, la présente proposition de loi met en œuvre l’interaction et la complémentarité entre démocratie sociale et démocratie parlementaire, sur lesquelles repose tout notre modèle social. Ainsi, le texte donne-t-il une base législative à l’accord national interprofessionnel que les partenaires sociaux ont signé le 7 juin dernier sur l’accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise.
En sens inverse, la proposition de loi vise à relancer le dialogue social sur des points aussi fondamentaux que le contrat de sécurisation professionnelle ou le groupement d’employeurs, en fixant un cadre de négociation, ce que nous ne pouvons que saluer. Ce n’est qu’en misant sur la démocratie sociale que nous ferons avancer les choses.
Même si ce processus global de coproduction législative est extrêmement constructif, je ne peux, hélas ! m’empêcher de tempérer mon enthousiasme par deux réflexions.
Première réflexion : une fois de plus, nous sommes confrontés à un phénomène de démembrement législatif puisque l’ensemble du plan concerné par la présente proposition de loi s’étend en réalité sur trois textes. En effet, cette discussion prolonge celle que nous avons eue sur l’article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui instaurait un système de bonus-malus dans le domaine de l’apprentissage.
De même, l’une des parties les plus importantes du texte originel est devenue la mesure phare du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011. Je veux bien sûr parler de la partie consacrée au partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, …
… autrement dit de la fameuse prime de 1 000 euros.
Même s’il nous renvoie au débat actuel sur l’orthodoxie budgétaire et même s’il est évidemment justifié d’un point de vue technique par le principe du monopole fiscal que l’on met en place aujourd'hui, ce démembrement n’est pas de nature à améliorer la lisibilité immédiate de l’ensemble du dispositif.
Seconde réflexion : je ne peux que regretter les conditions d’examen très précipitées du présent texte, que nous avons étudié en commission le lendemain de son vote par l’Assemblée nationale. Dans de telles conditions, le travail remarquable fourni par la commission des affaires sociales, par sa présidente Muguette Dini et par le rapporteur du texte Sylvie Desmarescaux, force le respect.
En première lecture, nos collègues députés ont considérablement enrichi le texte, dont le nombre d’articles a plus que triplé. Malgré les délais tendus que je viens d’évoquer, la commission a su toiletter, clarifier et compléter la proposition de loi pour en conforter l’efficacité et la pertinence.
Nous voici donc saisis d’un texte articulé autour de quatre volets.
Le premier volet est consacré au développement de l’alternance. Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif fixé par le Président de la République de parvenir à franchir le seuil des 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015, soit une hausse de plus de 30 %.
Pour ce faire, la présente proposition de loi aborde la question sous tous les angles, en offrant de nouvelles possibilités de formation en CFA, en créant des passerelles afin de faciliter les réorientations, en ouvrant, surtout, l’apprentissage au secteur du travail temporaire et aux activités saisonnières, enfin, en revalorisant la fonction de maître d’apprentissage.
C’est bien dans l’optique d’aborder tous les aspects du dispositif que s’inscrit l’amendement de notre rapporteur, qui vise à élargir temporairement les missions des médiateurs de l’apprentissage afin de prévenir autant que possible la rupture des contrats d’apprentissage. Nous saluons cette initiative.
De même, nous saluons vivement l’initiative de notre collègue Muguette Dini, qui a fait adopter en commission un amendement tendant à permettre aux particuliers employeurs de recourir aux contrats de professionnalisation. C’est là une mesure très intéressante, parce qu’elle peut contribuer à exploiter un gisement d’emplois qui est aujourd’hui très insuffisamment utilisé. Nous avons la conviction que c’est ainsi que nous gagnerons la bataille de l’emploi, en libérant des énergies réelles, mais inexploitables en raison de la structure même du marché de l’emploi. Dans cette perspective, nous croyons toujours au potentiel des services à la personne.
Le deuxième volet du texte, consacré à l’encadrement des stages, nous tient particulièrement à cœur.
Dès la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le groupe de l’Union centriste s’était mobilisé pour que les stages en entreprise soient encadrés par la loi. Or l’accord national interprofessionnel du 7 juin dernier, auquel le présent texte donne une base légale, reprend et complète les principales mesures de ce cadre en donnant aux stagiaires accès aux activités sociales et culturelles de l’entreprise et, surtout – nous avions réclamé cette mesure dès 2006 –, en prévoyant la prise en compte de la durée du stage dans la période d’essai.
Par ailleurs, le texte fixe à six mois la durée maximale de stage par an. Cette borne de principe salutaire souffrira toutefois des exceptions pour les stages de longue durée intégrés à un cursus de formation de l’enseignement supérieur. C’est par souci de réalisme que la commission a très pertinemment inscrit ces exceptions dans le texte.
Le troisième volet de la proposition de loi, qui porte sur l’accompagnement des personnes victimes d’un licenciement économique, est évidemment fondamental. Nous ne pouvons que saluer les deux principes fondateurs du dispositif proposé : la simplification et la négociation.
Une simplification est en effet nécessaire compte tenu, cela a été rappelé, de la coexistence de deux dispositifs non harmonisés qui arrivent à échéance : le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé. L’unification de ces dispositifs au sein du contrat de sécurisation professionnelle ne peut être qu’une bonne chose pour rendre effectifs l’accompagnement et la reconversion professionnelle des publics intéressés. Par ailleurs, les modalités précises du contrat de sécurisation professionnelle devront être déterminées, d’une part, par les partenaires sociaux entre eux et, d’autre part, par négociation entre les partenaires sociaux et l’État, ce qui est tout à fait conforme à l’idée que nous nous faisons de la démocratie sociale.
En conclusion, je dirai un mot du quatrième grand volet du texte, qui traite des groupements d’employeurs. Si cette formule est ponctuellement intéressante, il faut toutefois en souligner d’emblée les limites.
Ces groupements, je le rappelle, ont été créés en 1985 par l’actuelle opposition, au départ pour une activité bien spécifique : l’activité agricole. Leur création est tout à fait cohérente avec une conception de gauche de l’emploi. En effet, exactement comme celle des 35 heures, la mise en place des groupements d’employeurs correspond à une logique malthusienne de la gestion du travail. Autrement dit, il s’agit de considérer l’emploi comme un gâteau de taille fixe, dont il convient de distribuer les parts.
Par principe et par pragmatisme, nous ne sommes pas hostiles à une libéralisation des groupements d’employeurs s’ils deviennent un moyen de s’adapter aux variations de l’activité tout en offrant un cadre protecteur aux travailleurs, sans précariser leur situation. Le champ des groupements d’employeurs doit toujours être étroitement borné. C’est particulièrement flagrant s’agissant de leur utilisation par les collectivités territoriales.
Afin d’éviter que les groupements d’employeurs ne soient détournés au détriment de la fonction publique territoriale, nous souscrivons au maintien, effectué par la commission, de la règle en vertu de laquelle les activités exercées pour le compte d’une collectivité ne peuvent représenter plus d’un mi-temps pour les salariés d’un groupement.
Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste votera ce texte, qui nous semble particulièrement important.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les formations en alternance au cours desquelles se succèdent des périodes d’enseignement théorique et des stages en entreprise présentent de réels avantages pour l’insertion professionnelle des jeunes. Elles leur ouvrent les portes du monde du travail pendant un temps déterminé, leur permettant ainsi de gagner en autonomie, en maturité professionnelle et d’acquérir de l’expérience, laquelle sera un plus sur leur CV, si leur contrat à durée déterminée n’est pas transformé en contrat à durée indéterminée.
Pourtant, ces formations, efficaces si l’on en juge d’après les chiffres, puisque le taux national d’embauche des élèves en alternance atteignait 70 % en 2010, peinent encore à attirer massivement les jeunes. En outre, de nombreuses entreprises se montrent réticentes. Ainsi, en France, elles ne sont que 33 % à y avoir recours, contre 60 % chez nos voisins allemands.
Pour pallier ce retard, le Président de la République a présenté une série de mesures à Bobigny, le 1er mars dernier, destinées à favoriser la formation en alternance. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui reprend les annonces présidentielles. Elle prévoit le développement de l’alternance, la fusion de la convention de reclassement personnalisé et du contrat de transition professionnelle ainsi que la déréglementation des groupements d’employeurs.
Il s’agit là d’un texte fourre-tout, dans lequel on trouve à la fois quelques bonnes mesures et de nombreuses autres que nous n’approuvons pas.
Nous sommes favorables à la fusion du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé pour les salariés victimes d’un licenciement économique. Nous l’appelions d’ailleurs de nos vœux dès le contre-plan élaboré par le parti socialiste en janvier 2009.
De même, nous approuvons les mesures visant à mieux encadrer les stages, trop souvent synonymes de précarité pour les jeunes.
Beaucoup reste encore à faire, notamment en ce qui concerne la prise en compte des cotisations sociales des stagiaires pour leur retraite et l’obtention d’une rémunération dès le premier mois.
Mais, comme je l’ai dit, le texte contient également beaucoup d’autres mesures auxquelles nous sommes vivement opposés.
Tout d’abord, j’évoquerai la possibilité de souscrire un contrat d’apprentissage avec deux employeurs pour l’exercice d’activités saisonnières. Un tel dispositif ne peut qu’accroître les difficultés de l’apprenti et de sa famille et susciter chez l’employeur la tentation d’exploiter une main-d’œuvre à coût réduit.
Ce dispositif appelle plusieurs questions : comment s’harmoniseront les périodes en entreprise ? Quelles seront les conditions de validation des heures de formation ? Comment résoudre les problèmes d’hébergement et de transport, qui sont souvent un obstacle à la formation ? Pour des raisons pratiques, il semble indispensable que les deux contrats, voire les deux diplômes, soient dans la même branche.
Ensuite, la proposition de loi ouvre l’apprentissage aux entreprises de travail temporaire. Mais comment un tel dispositif peut-il fonctionner ?
Contrairement au contrat de professionnalisation, l’apprentissage, qui est une formation longue, n’est pas adapté à l’intérim. De nombreuses questions se posent ici aussi : comment se réglera la rupture anticipée du contrat d’apprentissage ? À l’issue de son apprentissage, le jeune aura-t-il une chance de demeurer dans l’entreprise utilisatrice avec un CDI ou retournera-t-il en intérim ? On peut se demander si l’objectif de cette mesure n’est pas de permettre aux employeurs de réaliser des économies par rapport à un contrat d’intérim normal.
Par ailleurs, c’est très bien que les apprentis se voient délivrer une carte d’étudiant des métiers, mais s’il doit y avoir une harmonisation entre les avantages des étudiants et ceux des jeunes alternants, il conviendrait de veiller à ce que celle-ci se réalise par le haut. Une telle harmonisation doit aboutir à un véritable statut de l’étudiant, qui intègre l’ensemble des jeunes en formation et prenne en compte tous leurs besoins – en matière de logement, de santé, de restauration –, sans revenir sur la protection que le droit du travail confère à une partie d’entre eux.
Enfin, nous regrettons vivement que l’apprentissage à partir de l’âge de quatorze ans revienne à l’ordre du jour. Nous l’avions dénoncé lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, car il s’agit d’une remise en cause de facto du principe de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. Cette disposition est archaïque et n’a rien à faire dans un texte au XXIe siècle.
J’ai moi-même débuté ma carrière professionnelle en tant qu’apprentie à l’âge de quinze ans, et cela n’a pas été facile.
Et je pense que je serai aussi la dernière !
Je ne veux pas que les jeunes d’aujourd’hui subissent les mêmes épreuves que les jeunes d’hier.
Par ailleurs, comment ne pas s’interroger sur le décalage entre les promesses du Président de la République et les moyens financiers annoncés pour cette nouvelle réforme ?
Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance, dont 418 000 en contrat d’apprentissage. L’objectif annoncé par Nicolas Sarkozy est d’atteindre le chiffre de 800 000 jeunes en alternance. Or cela coûterait 1 milliard d’euros. Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 et ce texte permettent de mobiliser à peine 70 millions d’euros. Qui va payer la différence ? Nous avons notre petite idée à ce sujet. Vous avez simplement oublié de mentionner dans votre texte le rôle des régions, qui sont pourtant les chefs de file de la formation professionnelle.
À ce propos, nous regrettons l’absence d’une concertation approfondie avec les conseils régionaux. Ainsi, il apparaît nettement que l’État veut se donner le beau rôle à peu de frais, tout en organisant le transfert de la formation initiale professionnelle vers les régions.
D’autres mesures auraient pu être proposées dans ce texte. Je pense par exemple à l’amélioration de l’orientation des jeunes, qui passe avant tout par une meilleure information sur les métiers et les filières de l’alternance. Je mentionne aussi la lutte contre les ruptures de contrat et les abandons ainsi que la lutte contre les discriminations dont souffrent les jeunes candidats à l’apprentissage, surtout lorsqu’ils sont issus des quartiers difficiles, ou tout simplement les jeunes filles, qui représentent seulement un tiers du public en apprentissage.
Pour conclure, comment ne pas évoquer la situation des jeunes sur le marché du travail ? Avec un taux de 23, 2 % en 2011 pour la tranche d’âge des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, voire le double dans certains quartiers, la France se situe largement au-dessus de la moyenne européenne, qui est de 20, 6 %, sans compter les différences liées au genre et l’envolée en un an du taux de chômage des jeunes femmes, qui culmine à 25 %, selon l’indice INSEE pour le premier trimestre de 2011. Les jeunes sont 21 % à vivre sous le seuil de pauvreté, contre 11 % pour la moyenne des Français.
La proposition de loi n’est pas de nature à répondre à l’enjeu essentiel que représente l’emploi des jeunes. On peut sérieusement douter de l’efficacité des mesures proposées quand on sait que le Gouvernement promet depuis dix ans de doubler les effectifs et les places d’apprentissage sans jamais y parvenir. Au final, il s’agit donc d’un texte d’affichage qui manque cruellement d’ambition.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le contenu de cette proposition de loi, je souhaiterais dans un premier temps évoquer les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à nous exprimer sur ce texte, conditions que je qualifierai d’inadmissibles. Nous sommes à nouveau en présence d’un texte fourre-tout. Cela dit, nous en avons l’habitude depuis 2007 !
La proposition de loi a été rédigée dans la précipitation, à la hâte, sans méthode, associant désordre et désinvolture à l’égard des partenaires sociaux.
Mme le rapporteur s’exclame.
Il convient de rappeler que les protocoles Larcher et Accoyer prévoient la consultation des partenaires sociaux dans des formes précises, …
… et avant l’examen d’une proposition de loi à caractère social.
Il aurait été plus logique et conforme aux textes régissant la procédure parlementaire de laisser les partenaires sociaux mener la négociation à son terme et de tenir ensuite compte de son résultat.
Tel n’a pas été le cas. Ils n’ont pas disposé de délais de négociation suffisants. Et le choix d’une proposition de loi permet aussi de passer outre l’avis du Conseil d’État !
Début mai, Pierre Méhaignerie, le président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a indiqué aux partenaires sociaux qu’il leur donnait jusqu’au 3 juin pour conclure un accord sur l’emploi des jeunes, ce qui était parfaitement irréalisable.
Un accord national interprofessionnel a finalement été conclu le 7 juin, mais il porte seulement sur l’alternance et les stages. Il convient d’ailleurs de rappeler que cet accord est en deçà du texte du collectif, lui-même téléguidé par l’Élysée sur le sujet.
Par ailleurs, les délais ne sont pas respectés au Sénat. Le texte à l’Assemblée nationale a été voté le 21 juin en fin d’après-midi et nous devions déposer les amendements en commission au Sénat le même jour à dix-sept heures. En pratique, c’est impossible. En effet, il n’est pas possible de déposer des amendements sur un texte qui n’a pas encore été transmis au Sénat. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas déposé d’amendements en commission. Ce n’est pas sérieux. Un peu de respect pour les parlementaires et leurs équipes, s’il vous plaît !
Ce texte concerne l’avenir de la jeunesse, la formation en alternance, l’emploi ou le reclassement des salariés licenciés économiques, autant de sujets importants qui demandent des débats approfondis. Il s’agit de plusieurs millions de salariés et de jeunes en formation.
De plus, on observe que le grand texte sur l’emploi, notamment l’emploi des jeunes, que l’on nous avait tant annoncé a disparu ainsi que les crédits afférents. Avec 23 % de chômage chez les jeunes, votre politique en matière d’emploi est un échec.
La proposition de loi que nous sommes amenés à examiner ne semble pas à la hauteur de ces enjeux, et l’on peut s’interroger sur ses objectifs. En effet, les principales mesures qu’elle comporte ont déjà été prises dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ou par décret.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui propose la possibilité de conclure avec deux employeurs conjointement un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation pour l’exercice d’activités saisonnières, ce qui concerne surtout le tourisme, l’agriculture et l’agroalimentaire. Cette mesure comporte des risques de dérive, dont la plus importante concerne la gestion de la pénurie de main-d’œuvre dans certains métiers. Dans les domaines de l’hôtellerie et de la restauration, plus particulièrement dans les régions touristiques, il est courant d’observer que certains métiers usent d’un grand nombre d’apprentis, dont 11, 6 % dans la restauration, 9 % dans l’agroalimentaire.
Cette disposition appelle plusieurs questions : comment s’harmoniseront les périodes en entreprise ? Quelles seront les conditions de validation des heures de formation ? Comment seront financés les organismes de formation sur ces types de formation ? Comment résoudre les problèmes d’hébergement et de transport, qui sont souvent un obstacle à la formation, surtout s’il y a une grande distance entre les deux activités saisonnières ? Que se passera-t-il en cas de rupture avec l’un des deux employeurs et pas avec l’autre ? Il n’est pas possible d’autoriser ce système avec légèreté ; cela pose beaucoup de questions et apporte peu de réponses. Pour des raisons pratiques, il semble indispensable que les deux contrats, voire les deux diplômes soient dans la même branche.
En moyenne, le taux de rupture des contrats d’apprentissage est de 20 %, et de 40 % dans la restauration. Les premiers motifs restent la mauvaise qualité des conditions de travail, la mésentente avec l’employeur, les rythmes de travail, les horaires excessifs ou inadaptés et la rémunération trop faible. Les ruptures sont beaucoup moins fréquentes dans l’industrie, qui dispose depuis longtemps de structures de formation de qualité. Selon une étude, 13 % des employeurs déclarent accueillir des apprentis comme supplément de personnel, et 6 % pour les avantages financiers.
J’ai bien peur que l’orientation qui nous est présentée aujourd’hui soit de « faire du chiffre », les alternants n’étant pas comptabilisés dans les statistiques du chômage. Et il apparaît que le véritable objectif est de fournir aux employeurs une main-d’œuvre précarisée, donc docile, non comprise dans les seuils d’effectifs sociaux et sous-payée. Aucun engagement d’embauche en contrat à durée indéterminée n’est demandé aux employeurs après l’obtention de titres. Cela ne permettra pas de revaloriser la formation en alternance.
Il est essentiel d’améliorer l’image de l’apprentissage ainsi que sa qualité, tant matérielle que pédagogique.
Par ailleurs, ce texte permet à des élèves ayant accompli la scolarité du premier cycle de l’enseignement secondaire et n’ayant même pas encore atteint l’âge de quinze ans de signer un contrat d’apprentissage, c’est-à-dire un contrat de travail, ce qui constitue de facto une légalisation du travail dès quatorze ans. Il n’est pas acceptable de permettre l’apprentissage à quatorze ans. Une telle mesure remet en cause deux principes : l’obligation scolaire jusqu’à seize ans et le fait qu’un jeune puisse travailler seulement à partir de seize ans. Nous voulons protéger le travail des mineurs et des enfants, car, je le répète, les conditions de travail sont souvent mauvaises, avec des rythmes de travail et des horaires excessifs ou inadaptés.
De plus, la proposition de loi souhaite transformer la nature des groupements d’employeurs, qui deviennent progressivement des formes d’entreprises de travail temporaire.
Issu de la loi du 25 juillet 1985, ce dispositif d’abord réservé aux petites entreprises de moins de dix personnes a été étendu à celles employant jusqu’à 300 salariés avec l’existence d’un accord collectif. Il respecte deux règles majeures : la solidarité entre membres du même groupement et l’impossibilité pour la même entreprise d’être membre de plus de deux groupements à la fois.
Aujourd’hui, vous nous proposez d’adopter un certain nombre de règles qui dénatureront totalement les groupements d’employeurs. Avec ce nouveau cadre juridique, vous permettez la possibilité de détourner le code du travail. En effet, le texte renforce la flexibilité au bénéfice des entreprises et aux dépens de la protection des salariés.
Je tiens à souligner que nous soutenons l’alternance, mais une alternance de qualité, pas celle du chiffre. Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance, dont 418 000 en contrat d’apprentissage. L’État veut porter le chiffre de 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015. Or cela coûterait 1 milliard d’euros. Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 et ce texte permettent de mobiliser à peine 70 millions d’euros. Qui va payer la différence ? Une fois de plus, c’est sur les régions qu’on fera porter le développement de l’apprentissage. Et cela sans concertation !
En outre, nous aurions souhaité un dispositif plus clair sur la carte d’étudiant des métiers, afin de garantir les mêmes droits à tous les étudiants en formation, y compris aux apprentis. L’ensemble des mesures de cette proposition de loi détricotent une fois de plus le code du travail. On surfe toujours sur la même vague, celle de la flexibilité et de la précarité au détriment des conditions de travail et des salariés !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord souligner une nouvelle fois les apports de Mme le rapporteur Sylvie Desmarescaux à ce texte. Je pense notamment à la question du prêt de main-d’œuvre en lien avec les partenaires sociaux – il s’agit, me semble-t-il, d’un véritable gisement d’emplois – et aux groupements d’employeurs. Il me paraît très important de prendre en compte les discussions entre les partenaires sociaux.
Madame Gonthier-Maurin, vous avez abordé le taux d’insertion des apprentis. Sachez que 82 % des publics concernés ont moins d’un an d’ancienneté. Comparez ces chiffres avec le taux de 60 % en vigueur du temps des emplois-jeunes de Mme Aubry : il n’y a vraiment pas photo !
Nous voyons clairement lequel de ces deux systèmes sert le mieux les intérêts des jeunes !
Permettez-moi d’évoquer un débat qui tarde à débuter du fait de l’attitude du parti socialiste et de la gauche, qui parlent très peu des solutions possibles : il me paraît peu responsable de proposer aux jeunes des emplois publics qui ne dureront que quelques mois avec de l’argent public que l’on n’a pas !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Vous avez aussi abordé la question de la taxe d’apprentissage ; il est d’ailleurs curieux de vous entendre défendre les grandes écoles. Pour notre part, nous avons levé le quota au profit des centres de formation d'apprentis et des lycées professionnels qui font de l’apprentissage. Nous restons ouverts sur la question des grandes écoles, mais il faut tout de même savoir ce que l’on veut. À cet égard, j’ai trouvé vos propositions pour le moins surprenantes.
Quant à vos critiques sur le contrat de sécurisation professionnelle, elles m’ont paru tellement excessives que je me suis demandé s’il ne s’agissait pas en d’une pique adressée aux partenaires sociaux. Je vous laisse donc la responsabilité de vos propos. Pour notre part, nous pensons qu’il faut être réaliste, raisonnable et responsable, ce qui n’empêche nullement d’être ambitieux !
Monsieur Carle, comme vous le savez, avec Nadine Morano, nous sommes en train de réformer la taxe d’apprentissage par voie réglementaire. Mais, rassurez-vous, nous associerons évidemment les parlementaires les plus impliqués dans cette démarche. Vous êtes d’ailleurs bien placé pour savoir qu’il s’agit d’un sujet sensible. À terme, notre réforme permettra de réorienter 400 millions d’euros par an de taxe d’apprentissage vers l’apprentissage. Cela faisait longtemps que vous nous interpelliez en ce sens ; vos vœux sont à présent exaucés !
Je vous remercie également de votre amendement sur les contrats de professionnalisation. Le dispositif que vous proposez permettra de mettre de l’ordre dans les périodes de professionnalisation et de réorienter rien de moins que 300 millions d’euros sur les contrats de professionnalisation. Discrètement, c’est donc une réforme fondamentale que vous enclenchez !
Madame Férat, vous avez souligné à juste titre l’apport que constitue l’ouverture aux particuliers employeurs des contrats de professionnalisation. Je sais que des négociations auront lieu sur le sujet. Je sais aussi que vous avez à cœur d’enrichir ce texte, notamment en améliorant la transposition de l’accord conclu par les partenaires sociaux avec la prise en compte de l’ancienneté des stagiaires pour leurs droits. Nous saluons cette initiative.
En ce qui concerne l’apprentissage dans la fonction publique, sujet évoqué par Jean-Claude Carle, certes l’État peut faire des progrès. Cependant, nous sommes confrontés à un problème, celui de l’égalité d’accès à l’emploi public. Cet accès, qui se fait par concours, doit être articulé à l’apprentissage. La piste du « gagnant-gagnant » est peut-être à explorer. Pourquoi ne pas envisager l’apprentissage dans la fonction publique comme une formule d’études payées en échange d’une obligation de servir, comme cela se pratique déjà pour les infirmières ? Certains ont même pensé à aller plus loin, mais il ne faudrait pas non plus que cela conduise à transférer une charge supplémentaire sur les collectivités en raison du pacte que l’État a souhaité conclure avec elles.
Comme vous, je pense que les écoles de production offrent une excellente solution pour l’insertion des jeunes. Il conviendrait d’annualiser juridiquement la meilleure réponse à apporter pour en étendre la formule, Nadine Morano et moi-même sommes prêts à en discuter avec vous.
Madame Schillinger, je ne peux pas vous laisser dire que l’avis des partenaires sociaux n’a pas été pris en compte. Deux accords nationaux interprofessionnels ont été conclus sur le sujet. Au reste, six accords sont intervenus depuis le début de l’année. Quant à tous ceux qui pronostiquaient que le dialogue social serait en panne dans notre pays après la réforme des retraites, ils en sont pour leurs frais !
En réponse à Mme Printz, je rappelle que l’État a mis 350 millions d’euros par an sur la table en faveur des contrats d’objectifs et de moyens. La proposition que nous faisons avec Nadine Morano est simple : pour tout euro de la région, l’État donnera également un euro.
Cela n’a pas toujours été le cas par le passé ! Bien souvent, quand l’État versait 1 euro, la région versait 20 centimes d’euro. Quoi qu’il en soit, laissons les réflexes partisans de côté…
L’intention du Gouvernement est bien de faire profiter les jeunes de ces mesures, car tout le monde y gagnerait. Je ne doute pas que celles et ceux qui bénéficieront d’un contrat d’apprentissage et auront un débouché vers l’emploi nous en seront reconnaissants !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Je suis saisi, par M. Kerdraon, Mmes Printz, Schillinger, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels (n° 660, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Ronan Kerdraon, auteur de la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien des raisons justifient le renvoi en commission de la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Ces raisons portent tant sur le fond que sur la forme de nos travaux. Mes collègues Gisèle Printz et Patricia Schillinger ont d’ailleurs exposé certaines d’entre elles au cours de la discussion générale.
La précipitation avec laquelle il nous a été demandé d’examiner ce texte n’est pas conforme aux exigences de sérieux et d’expertise qui doivent présider au travail du législateur. Nous en avons encore eu la preuve ce matin en commission, puisque l’opposition y était majoritaire, ce qui me conduit à douter du soutien de la majorité à ce texte.
Il n’y avait personne de la majorité en commission ce matin, sauf Mme la présidente de la commission !
À l’Assemblée nationale, cela a été rappelé par Patricia Schillinger, le vote final a eu lieu mardi 21 juin vers seize heures cinquante. Au Sénat, le délai limite pour le dépôt des amendements en commission avait été fixé par la conférence des présidents à dix-sept heures le même jour. Il était donc très difficile de déposer des amendements sur une proposition de loi qui ne nous avait pas encore été transmise, sauf à le faire hors délai, ce qui a d’ailleurs été accepté.
À trois cents jours de l’élection présidentielle, on voit que les grandes manœuvres ont commencé autour de l’alternance et de l’apprentissage, à grand renfort de plans de communication. Mme la ministre en a cités quelques-uns.
Le texte qui nous est proposé fait écho aux propos du Président de la République, qui, le 1er mars dernier, à Bobigny, annonçait : « L’alternance c’est une formule gagnante pour tout le monde. Nous allons donc nous fixer des objectifs ambitieux et prendre des décisions. » Nous sommes d’accord avec lui, mais nous ne sommes pas dupes de ce discours, relayé avec beaucoup de zèle par les membres du Gouvernement et de la majorité. Vous donnez le sentiment d’avoir trouvé avec l’apprentissage l’antidote susceptible de guérir le « cancer » du chômage des jeunes !
Malheureusement, le nombre d’apprentis ne se décrète pas. Il relève des entreprises, de l’évolution de leur carnet de commandes et non de la volonté d’un homme, quand bien même celui-ci serait chef de l’État.
En déposant cette motion de renvoi en commission, je nous invite à réfléchir à ce que devrait être un véritable plan pour l’alternance et l’apprentissage.
A priori, il s’agit là d’un thème consensuel. Quelle que soit notre place dans cet hémicycle, nous souhaitons tous encourager l’apprentissage et faire en sorte qu’il débouche sur un emploi pour les jeunes, comme nous avons pu le constater lors des rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui se sont tenues il y a quelques semaines.
Nous mesurons tous combien l’apprentissage est un outil formidable pour insérer les jeunes, en particulier ceux des banlieues, qui sont touchés par le chômage pour près de 40 % d’entre eux.
Les chiffres sont cruels et ne mentent pas. Dans la catégorie des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, le taux de chômage atteint 23, 2 % en 2011, soit un taux plus de deux fois supérieur à celui des adultes et de trois points au-dessus de la moyenne européenne, qui se situe à 20, 6 %.
Pendant ce temps, Pôle emploi, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, va perdre 1 800 agents. Par ailleurs, les missions locales sont en train de se séparer des quelque 1 000 conseillers que le plan de relance avait permis de recruter pour faire face à une augmentation de 30 % du chômage des jeunes.
Pourtant, le chômage des jeunes n’a baissé que de 6 %. Faut-il également rappeler que les financements, effectivement bien perçus par les régions, ne sont pas répercutés au niveau des missions locales ? J’en sais quelque chose pour en présider une !
Les objectifs affichés de la proposition de loi sont triples : améliorer la situation et l’insertion des jeunes sur le marché du travail par le développement de l’alternance, sécuriser les parcours professionnels tout au long de la vie, ouvrir le débat sur le partage de la valeur ajoutée. Il s’agit d’intentions louables, mais encore faudrait-il se donner les moyens de les concrétiser !
J’observe déjà que le texte dont nous débattons aujourd’hui est amputé des deux mesures phare qui avaient pourtant été annoncées : l’obligation d’embauche en alternance et la répartition de la valeur ajoutée.
Certes, tout n’est pas à rejeter dans cette proposition de loi, comme l’a souligné ma collègue Gisèle Printz. Nous saluons d’ailleurs la qualité du travail de notre rapporteur, qui a œuvré avec sérieux et conviction sur ce texte. Cet exercice était quelque peu malaisé compte tenu des conditions que j’ai décrites en débutant mon propos.
Cela étant posé, entrons dans le vif du sujet.
Nous reprochons à ce texte son caractère fourre-tout ainsi que la faiblesse des priorités affichées et des moyens financiers alloués. Il est fourre-tout, parce que les deux mesures phare ont été supprimées. Un tel manque d’ambition laisse une impression de bricolage.
En outre, ce texte comporte de fausses bonnes idées dont l’application pourrait entraîner des difficultés. Il en va ainsi de l’article 1er, qui a pour objet de créer une carte d’étudiant des métiers. En 2005, la loi dite « Borloo » l’avait déjà instituée sans grand succès. L’intérêt d’une telle mesure serait de contribuer à l’accès à la culture, aux transports, au logement et à l’ensemble des services nécessaires à l’apprenti. Nous formons le vœu qu’il en soit ainsi.
L’article 2 vise à mettre en place un service dématérialisé. Avait-on besoin d’une loi pour cela ? Le futur portail internet permettra-t-il réellement aux jeunes qui le souhaitent de trouver une première information sur les métiers, les conditions de travail, les parcours professionnels possibles ou les salaires pratiqués ?
Je crains également fortement que ce texte ne soit l’occasion pour le Gouvernement de mettre en application la vieille idée d’abaisser l’âge légal de l’apprentissage à quatorze ans.
Pour notre part, nous sommes totalement opposés à la remise en cause de l’obligation scolaire jusqu’à seize ans et nous souhaitons voir réaffirmer le fait que le contrat d’apprentissage est un contrat de travail. Il est nécessaire que les apprentis acquièrent, avant de quitter le collège, un socle commun de compétences. Qu’en est-il de l’instauration d’un véritable service public de l’orientation et de la formation des professeurs principaux ?
Nous sommes dubitatifs devant la possibilité offerte à deux employeurs saisonniers d’embaucher une même personne.
Une fois de plus, nous avons le sentiment que bon nombre de mesures visent à répondre aux attentes d’une partie du MEDEF. Il en va ainsi des groupements d’employeurs.
On pouvait – pourquoi pas ? – envisager d’introduire plus de souplesse dans le dispositif existant. Mais le texte prévoit de supprimer toutes les règles relatives au nombre de groupements auxquels une entreprise peut adhérer. De plus, la coexistence dans une même entreprise de salariés issus de plusieurs groupements d’employeurs, appliquant des conventions collectives différentes, est loin d’être un élément de sécurisation. Le risque est grand que les droits des salariés soient nivelés par le bas ! C’est non pas un principe de souplesse qui prévaudra, mais une absence totale de règles, ce qui permettra tous les abus.
Madame la ministre, vous affichez l’objectif d’atteindre 600 000 apprentis en 2015. Nous pourrions partager cette ambition quantitative si les moyens financiers étaient au rendez-vous ! Cette ambition a un coût : 1 milliard d’euros. Or le projet de loi de finances rectificative permet tout au plus de mobiliser 70 millions d’euros.
Où trouver le reste ? Sans doute dans les « poches » des régions, lesquelles sont les grandes absentes de ce texte. Comment ces dernières pourront-elles mobiliser de telles sommes alors que leurs ressources sont gelées ?
Renforcer l’attractivité de la formation par alternance suppose de la revaloriser. C’est à cette tâche que se sont attachées les régions, qui – faut-il le rappeler ? – se sont vu transférer la compétence de la formation dès les premières lois de décentralisation. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’engagement irréprochable des régions socialistes dans ce domaine. Il s’agit en effet de leur premier poste budgétaire puisqu’il représente au moins 30 % des dépenses.
Les régions valorisent les filières de l’enseignement professionnel, rendant leurs accès plus lisibles. Elles développent l’alternance dans le secteur public – ce que vous avez négligé de faire –, notamment dans les collectivités territoriales. Elles mettent l’accent sur la qualité des formations et sur l’amélioration des conditions matérielles dans lesquelles s’exerce l’apprentissage grâce à la modernisation de l’appareil de formation, à de meilleures conditions d’hébergement ou, encore, à l’aide à la mobilité des jeunes. Elles ont également largement rénové les CFA et développé des partenariats fructueux avec l’ensemble des organisations professionnelles ou consulaires gérant ces équipements.
En annonçant vouloir porter le nombre d’alternants de 600 000 à 1 million, l’État s’engage sur une compétence qu’il ne maîtrise pas et place les régions en situation de faire des choix difficiles, qui se traduiront nécessairement par une restriction des moyens consacrés aux autres voies de formation des jeunes. Bref, vous prévoyez de déshabiller Pierre pour habiller Paul, selon l’expression consacrée.
Faudra-t-il que les régions diminuent les moyens accordés aux lycées ? Devront-elles revoir à la baisse les efforts mis en œuvre pour les formations sanitaires et sociales ? Seront-elles obligées de « rogner » sur d’autres formes d’accompagnement des demandeurs d’emploi ?
Mes chers collègues, il est éminemment paradoxal de demander toujours plus d’efforts aux régions alors même que l’État diminue les moyens pour l’apprentissage, en prévoyant de ne pas renouveler les aides mises en place au plus fort de la crise. Je pense notamment à la fin de l’aide à l’embauche d’apprenti à hauteur de 1 800 euros pour les entreprises de moins de cinquante salariés et à l’arrêt des exonérations de cotisations sur les apprentis.
Comment croire dans les intentions du Gouvernement quand l’État pratique une politique de vases communicants particulièrement pernicieuse ? D’un côté, on supprime des sections en lycées professionnels ; de l’autre, on prévoit d’augmenter corrélativement les effectifs en sections d’apprentissage. Au final, c’est un transfert de charges de plus que doivent assumer les conseils régionaux.
Plus généralement, c’est la question du modèle financier global de l’alternance et de l’apprentissage qui est posée.
Pour ce qui concerne l’apprentissage, l’activité économique morose a provoqué une baisse de la taxe d’apprentissage ces deux dernières années.
De plus, les secteurs professionnels qui avaient « fongibilisé » leurs fonds de l’alternance vers l’apprentissage tendent à revenir sur leurs positions du fait de la mise en œuvre du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Enfin, les charges de fonctionnement des CFA, pour l’essentiel composées de frais de personnels, sont en augmentation constante.
Tous ces facteurs engendrent un effet ciseau très délicat pour le plus grand nombre des centres de formation et entraînent de très grandes disparités d’un CFA à l’autre.
Il est inacceptable que les moyens des CFA soient si fluctuants, variant au gré de la politique d’attribution de la taxe par les collecteurs.
Pour garantir la pérennité du dispositif de formation et répondre aux enjeux de son développement, il est indispensable que le financement des CFA fasse l’objet d’une véritable réforme, qui passe par une refonte du fonctionnement de la taxe d’apprentissage.
Le dispositif actuel de collecte favorise l’opacité et les inégalités et aboutit à ce que 40 % du produit de la taxe d’apprentissage soient affectés à d’autres formations, au premier rang desquelles les grandes écoles de commerce !
À ces questions, votre texte n’apporte pas de réponse crédible, et les seules propositions concrètes visent à diminuer les contraintes des employeurs en allégeant la réglementation.
Permettre l’apprentissage en emploi saisonnier fait courir un réel risque d’exploiter une main-d’œuvre à coût réduit, notamment dans des secteurs déjà très sensibles tels que l’hôtellerie-restauration, où la baisse de la TVA n’a d’ailleurs pas eu beaucoup d’effets.
Autoriser l’entrée en apprentissage à quinze ans remet évidemment en cause le principe de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. Le souhaite-t-on vraiment ?
La possibilité offerte par le texte d’enchaîner les contrats de professionnalisation ouvre grand la porte à des pratiques de sous-emploi et de précarisation. Est-ce bien votre objectif ?
La suppression du contrôle de la validation des contrats d’apprentissage par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ou DIRECCTE, empêchera l’administration d’exercer son rôle de garde-fou. À l’heure où vous proposez par le biais de ce texte plusieurs mesures visant à déréguler le secteur de l’alternance, est-ce bien raisonnable ?
Comme cela a été souligné à de nombreuses reprises lors des débats à l’Assemblée nationale, votre précipitation à légiférer répond essentiellement à une logique d’affichage ainsi qu’à quelques préoccupations catégorielles qui nous privent d’une vision cohérente sur les objectifs réels qui vous poussent à développer l’alternance.
En parallèle, la proposition de loi ouvre un champ d’une grande complexité qui exige que nous ayons le temps et la possibilité d’en apprécier toutes les répercussions.
La logique de la proposition de loi est comptable et électoraliste : permettre à court terme de dégonfler les chiffres du chômage sans pour autant créer de nouveaux emplois !
Majax le magicien n’aurait pas fait mieux !
Force est de constater que le grand texte annoncé sur l’emploi, et plus particulièrement sur l’emploi des jeunes, n’est pas au rendez-vous, bien au contraire ! Nous voici face à un texte rassemblant plusieurs mesures hétéroclites, dont on perçoit bien qu’il a été écrit à la va-vite, et sur lequel vous nous demandez de nous positionner dans l’urgence, à quelques jours de la fin de la session parlementaire.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de voter la motion tendant au renvoi à la commission.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je tiens à remercier mes collègues du groupe socialiste de leurs propos fort aimables à mon égard. Je leur sais gré de se soucier de mon bien-être et de mes conditions de travail.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Quelle solidarité dans cette commission des affaires sociales !
Sourires
Soyez sans crainte : je vais bien ! Voilà plusieurs semaines que je travaille sur le sujet. Le rapport que j’ai remis est donc le fruit d’une réelle réflexion.
Il est tout à fait normal que l’Assemblée nationale ait enrichi la proposition de loi au cours de son examen. En réalité, les députés ont apporté des modifications importantes, je dirais même nécessaires, en matière d’encadrement de l’apprentissage et des stages.
Quant aux partenaires sociaux, ne me dites pas que les principes du dialogue social ont été bafoués ! Au contraire, ils sont désormais pleinement pris en compte. Il y a encore deux ans, les syndicats n’auraient pas eu leur mot à dire sur l’élaboration d’une telle proposition de loi.
Désormais, grâce au protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi à caractère social, initié en 2009 par le président du Sénat, Gérard Larcher, et repris en 2010 par l’Assemblée nationale, toutes les organisations représentatives des salariés et des employeurs ont été consultées. Comme cela a été dit par Mme la ministre, par M. le ministre et par plusieurs intervenants, elles ont conclu deux accords nationaux interprofessionnels que la proposition de loi reprend. Je les ai moi-même auditionnées au Sénat pour préparer mon rapport.
Il n’y a donc pas lieu de donner suite à cette motion de renvoi à la commission.
Je reconnais toutefois, ainsi que je l’ai déjà dit, que nous avons été quelque peu brusqués, …
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … voire bafoués, mais tels sont les aléas du travail parlementaire !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cela n’a pas empêché la commission des affaires sociales d’adopter mercredi dernier un texte équilibré et de qualité.
Néanmoins, contre l’avis du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de cette motion.
Je tiens tout d’abord à rappeler à ceux qui ont l’air de l’oublier que nous examinons une proposition de loi et non un projet de loi. Nous agissons donc bien dans le cadre de l’initiative parlementaire. En l’occurrence, ce texte est l’initiative du député Gérard Cherpion.
De plus, la proposition de loi vise à transcrire la volonté des parlementaires, que le Gouvernement partage, de favoriser l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi. Après avoir entendu s’exprimer l’ensemble des orateurs, il convient surtout de retenir que le Sénat reconnaît l’apprentissage comme un facteur important et un levier utile dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également été nombreux à rappeler que la France est en train de sortir d’une crise économique et financière qui a fortement touché les jeunes.
Vous le savez, il y a urgence à agir. C’est pourquoi nous devons faire preuve de rapidité.
Vous avez souligné que les principales mesures seraient éclatées entre plusieurs textes. Mais l’essentiel est qu’elles soient adoptées par le Parlement. Qu’elles figurent dans un texte ou dans un autre, ce qui compte, c’est qu’elles soient au service des jeunes !
J’en appelle au respect du travail des parlementaires. D’ailleurs, Mme le rapporteur vient de dire qu’elle avait longuement réfléchi sur le sujet, et vous reconnaissez vous-mêmes la précision et la qualité de son travail.
J’en appelle également au respect du dialogue social, puisque ce texte transcrit des propositions qui émanent d’un accord national interprofessionnel.
J’en appelle surtout au respect des jeunes, qui attendent notre action. Tel est notre devoir !
Cette motion de renvoi à la commission semble donc inutile au Gouvernement. Il y a urgence à agir pour les jeunes !
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 254 :
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DÉVELOPPEMENT DE L’ALTERNANCE
L'amendement n° 52, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6222-27 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 6222 -27. - Sous réserve de dispositions contractuelles ou conventionnelles plus favorables, l’apprenti perçoit un salaire déterminé en pourcentage du salaire minimum interprofessionnel de croissance qui augmente chaque semestre de formation de l’apprenti. Le premier salaire ne peut être inférieur à 50 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Si développement de l’alternance il doit y avoir, l’attractivité de ce dispositif ne doit pas bénéficier uniquement aux entreprises. Il doit aussi et surtout prendre en compte l’intérêt des futurs apprentis.
Le Gouvernement a bien renforcé les dispositifs favorables aux entreprises, mais il a oublié les apprentis !
Alors que des primes seront versées aux entreprises de moins de 250 salariés qui embaucheront un apprenti dans l’année et que des bonus seront accordés aux entreprises de plus de 250 salariés pour les inciter à accueillir des apprentis, que fait le Gouvernement pour inciter les jeunes à devenir apprentis ? La réponse est simple : rien ! L’État considère en effet que leur maigre salaire est suffisant.
Les difficultés des apprentis sont pourtant connues : partagés entre le lieu de leur formation et celui de leur apprentissage, ils sont souvent contraints d’avoir deux logements alors qu’ils sont rémunérés entre 25 % et 78 % du SMIC.
On voit ici la limite de la réflexion qui tend à considérer l’apprentissage comme une voie d’autonomisation financière des jeunes. Les apprentis sont et restent des étudiants en formation. Ils n’ont guère plus de moyens que les autres, alors même qu’ils ont signé un contrat de travail.
C’est donc pour améliorer les conditions de vie de ces jeunes travailleurs que nous proposons de porter leur rémunération au minimum à 50 % du SMIC, qui augmenterait à mesure que leur formation avance.
Cet amendement vise à fixer le salaire des apprentis au taux minimal de 50 % du SMIC.
L’intention est certes louable !
Je suis toujours franche et transparente, monsieur Fischer. Cela fait dix ans que l’on se connaît et que l’on tient les mêmes propos !
Si l’intention est louable, disais-je, les conventions ou accords collectifs de branche ou d’entreprise peuvent néanmoins être plus généreux, l’employeur également.
Il ne faut pas oublier non plus que les apprentis sont encore jeunes. Ce sont souvent des mineurs, qui suivent une formation initiale. Ils ne sont en entreprise qu’en alternance, pour compléter une formation théorique qui est dispensée en CFA. Il ne faut pas prévoir de dispositions trop contraignantes, sous peine de décourager les employeurs d’embaucher des apprentis.
C'est la raison pour laquelle je me suis prononcée contre cet amendement, mais la commission a, quant à elle, émis un avis favorable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 52.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 255 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 53, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 6243-2 du code du travail est ainsi rédigée :
« L'assiette des cotisations sociales dues sur le salaire versé aux apprentis est égale à la rémunération fixée à l'article L. 6222-27. »
II. - La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Avec cet amendement, nous nous situons dans la même optique que précédemment : il s’agit d’améliorer non seulement l’attractivité de l’apprentissage pour les jeunes, mais surtout les conditions de travail des apprentis.
Certes, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail particulier, mais il est avant tout un contrat de travail ! Il a pour spécificité d’être partie prenante d’une formation : à ce titre, ne l’oublions pas, la rémunération perçue est plus faible. Il ne faudrait pas que cette particularité serve surtout à diminuer les droits des apprentis.
C’est pourquoi nous proposons de revaloriser le droit à la retraite des apprentis. Actuellement, l’assiette de leurs cotisations est égale à la rémunération touchée, minorée de 11 points. Or la rémunération qu’ils perçoivent est déjà très faible !
Cet amendement tend donc à supprimer cette minoration qui n’a pas lieu d’être. Le calcul de la retraite des apprentis doit être fonction de la somme gagnée, laquelle est largement méritée.
Faire disparaître l’abattement aujourd'hui consenti aux employeurs d’apprentis reviendrait à mettre un frein au développement de l’apprentissage et non, comme l’estiment mes collègues du groupe CRC-SPG, à le favoriser.
Toutefois, contre l’avis du rapporteur, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
Après la section 3 du chapitre II du titre II du livre II de la sixième partie du code du travail, est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :
« Section 3 bis
« Carte d’étudiant des métiers
« Art. L. 6222 -36 -1. – Une carte portant la mention : “Étudiant des métiers” est délivrée à l’apprenti par l’organisme qui assure sa formation. Cette carte permet à l’apprenti de faire valoir sur l’ensemble du territoire national la spécificité de son statut auprès des tiers, notamment en vue d’accéder à des réductions tarifaires identiques à celles dont bénéficient les étudiants de l’enseignement supérieur.
« La carte d’étudiant des métiers est établie conformément à un modèle déterminé par voie réglementaire. »
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Printz et Schillinger, M. Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La délivrance de la carte d’étudiant des métiers ne porte en aucun cas atteinte au statut salarié de l’apprenti.
La parole est à M. Ronan Kerdraon.
La création de la carte d’étudiant des métiers tend à donner une réalité à la carte d’apprenti dont Jean-Louis Borloo a été à l’initiative et qui n’a jamais vu le jour, ainsi que je l’ai rappelé au cours de la discussion générale. Elle vise à permettre aux apprentis de bénéficier des mêmes avantages tarifaires que les étudiants dans les transports, des mêmes conditions d’accès à la culture et au sport, ainsi qu’aux restaurants universitaires et aux logements étudiants.
Il s’agit donc d’une proposition intéressante, même si elle apparaît comme un gadget aux yeux de certains. Elle participe à notre sens à la revalorisation de l’apprentissage, non seulement sur le plan symbolique, mais aussi sur le plan pratique. Le salaire des apprentis, surtout les plus jeunes, n’est pas si élevé que ceux-ci puissent dédaigner les avantages possibles que leur conférerait cette carte.
Toutefois, il convient de veiller à ne pas lâcher la proie pour l’ombre. Le statut de salarié qui s’attache à l’apprentissage est lié à un contrat de travail avec un employeur et implique le paiement d’un salaire. Ce salaire évolutif peut être très supérieur à celui d’un étudiant stagiaire, même de haut niveau, bloqué à 417 euros
L’apprenti bénéficie non seulement d’une protection sociale mais de la validation forfaitaire de trimestres pour la retraite. Tel n’est pas non plus le cas de l’étudiant, y compris lorsqu’il effectue un stage dans une entreprise.
Il est donc important de préciser que la délivrance de cette carte d’étudiant des métiers n’est pas la première brèche dans le statut salarié de l’apprenti. Cette carte ne doit pas ouvrir la porte à un nivellement par le bas de la condition des étudiants, quel que soit leur statut.
C’est pourquoi nous souhaitons l’insertion de cette précision à l'article 2.
Mme Gisèle Printz applaudit.
La précision que tend à apporter cet amendement est tout à fait inutile. En effet, l'article L. 6221-1 du code du travail dispose clairement que le contrat d’apprenti est un contrat de travail, ce que cette proposition de loi ne remet aucunement en cause.
Contre l’avis du rapporteur, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
Après l’article L. 6231-5 du même code, il est inséré un article L. 6231-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 6231-6. – Les centres de formation d’apprentis délivrent aux apprentis qui y sont inscrits la carte portant la mention : “Étudiant des métiers” prévue à l’article L. 6222-36-1. » –
Adopté.
(Supprimé)
(Non modifié)
Il est créé un service dématérialisé gratuit favorisant le développement de la formation en alternance. Ce service vise notamment à faciliter la prise de contact entre les employeurs et les personnes recherchant un contrat en alternance, en complémentarité avec le service prévu à l’article L. 6111-4 du code du travail, à les aider à la décision grâce à des outils de simulation et à développer la dématérialisation des formalités liées à l’emploi et à la rémunération des personnes en alternance.
Les chambres consulaires et les organismes collecteurs paritaires agréés pour recevoir les contributions des entreprises au financement des contrats ou des périodes de professionnalisation et du droit individuel à la formation participent, dans l’exercice de leurs compétences, à l’organisation et au développement de ce service.
L'amendement n° 54, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Après le mot :
service
insérer le mot :
public
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
En l’absence de mention dans le texte, il nous semble opportun de préciser que la plateforme d’interface entre jeunes apprentis et employeurs est assurée par le service public. Le financement et l’organisation de l’apprentissage doivent relever de la responsabilité de l’État. Il nous paraît normal et nécessaire qu’il en soit de même pour le développement de ces interfaces.
Qui d’autre qu’un organisme public pourrait mettre en œuvre ce portail de l’alternance et remplir les missions administratives qui lui sont confiées, par exemple favoriser l’enregistrement des contrats en ligne ?
Là encore, contre l’avis du rapporteur, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est satisfait.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 2241-6 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le mot : « tuteur », sont insérés les mots : « ou de maître d’apprentissage » ;
2° Après le mot : « particulier », sont insérés les mots : « les actions aidant à l’exercer et ». –
Adopté.
(Supprimé)
I. – Après l’article L. 6222-5 du code du travail, il est inséré un article L. 6222-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6222 -5 -1. – Par dérogation à l’article L. 6221-1 et au second alinéa de l’article L. 6222-4 et pour l’exercice d’activités saisonnières au sens du 3° de l’article L. 1242-2, deux employeurs peuvent conclure conjointement un contrat d’apprentissage avec toute personne éligible à ce contrat en application des articles L. 6222-1 et L. 6222-2. Par dérogation à l’article L. 6211-1, ce contrat peut avoir pour finalité l’obtention de deux qualifications professionnelles sanctionnées par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles.
« Une convention tripartite signée par les deux employeurs et l’apprenti est annexée au contrat d’apprentissage. Elle détermine :
« – l’affectation de l’apprenti entre les deux entreprises au cours du contrat selon un calendrier prédéfini, ainsi que le nombre d’heures effectuées dans chaque entreprise ;
« – les conditions de mise en place du tutorat entre les deux entreprises ;
« – la désignation de l’employeur tenu de verser la rémunération due au titre de chaque période consacrée par l’apprenti à la formation dispensée dans les centres de formation d’apprentis et les sections d’apprentissage.
« Le premier alinéa de l’article L. 6222-18 est applicable, à l’initiative de l’apprenti ou de l’un des employeurs, pendant deux mois à compter du début de la première période de travail effectif chez cet employeur.
« L’apprenti bénéficie d’un maître d’apprentissage, au sens de l’article L. 6223-5, dans chacune des entreprises.
« Le contrat peut être rompu, dans les conditions prévues à l’article L. 6222-18, à l’initiative des deux employeurs ou de l’un d’entre eux, lequel prend en charge les conséquences financières d’une rupture à ses torts. »
II. – La section 1 du chapitre V du titre II du livre III de la sixième partie du même code est complétée par un article L. 6325-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6325 -4 -1. – Pour l’exercice d’activités saisonnières au sens du 3° de l’article L. 1242-2, deux employeurs peuvent conclure conjointement un contrat de professionnalisation à durée déterminée avec toute personne mentionnée au 1° de l’article L. 6325-1, en vue de l’acquisition d’une ou, par dérogation à l’article L. 6325-1, de deux qualifications mentionnées à l’article L. 6314-1.
« Une convention tripartite signée par les deux employeurs et le titulaire du contrat est annexée au contrat de professionnalisation. Elle détermine :
« – l’affectation du titulaire entre les deux entreprises au cours du contrat selon un calendrier prédéfini ;
« – la désignation de l’employeur tenu de verser la rémunération due au titre de chaque période consacrée par le titulaire aux actions et aux enseignements mentionnés à l’article L. 6325-13 ;
« – les conditions de mise en place du tutorat.
« La période d’essai prévue à l’article L. 1242-10 est applicable au début de la première période de travail effectif chez chacun des employeurs.
« Ce contrat peut être rompu, dans les conditions applicables aux contrats à durée déterminée, à l’initiative de chacune des parties, laquelle prend en charge les conséquences financières éventuelles de cette rupture. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par Mmes Printz et Schillinger, M. Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 55 est présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Fischer et Autain, Mmes David, Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 5.
La possibilité pour un apprenti ou une personne en contrat de professionnalisation de conclure un contrat de travail avec deux employeurs pour des activités saisonnières comporte des risques de dérive. La plus importante est la gestion de la pénurie de main-d’œuvre dans certains métiers en tension, notamment dans le secteur de l’hôtellerie-restauration dans les régions touristiques.
De plus, plusieurs questions pratiques n’ont pas reçu de début de réponse. Comment s’harmoniseront les périodes en CFA et en entreprise ? Comment seront financés les organismes de formation sur ces types de formation ? Quelles seront les conditions de validation des heures de formation ? Comment seront localisés les CFA et les entreprises ? Comment seront résolus les problèmes de transport, de places d’hébergement et de coût, qui sont déjà trop souvent un obstacle au suivi des formations en alternance ? Que se passera-t-il en cas de rupture avec l’un des deux employeurs et pas avec l’autre ?
Il n’est pas possible d’autoriser ce système avec une telle légèreté, simplement parce que des représentants patronaux d’une branche l’ont proposé et y trouvent leur compte. Il faut avant toute chose que les partenaires – organismes de formation, représentants des employeurs, régions – soient saisis de cette proposition et étudient sa faisabilité dans l’intérêt non pas de quelques-uns mais de tous.
Cet article instaure dans un dispositif déjà précaire une nouvelle dose – je serais tenté de dire une surdose – de précarité.
La possibilité de conclure un contrat d’apprentissage dans le cadre d’un emploi saisonnier, qui plus est avec deux employeurs, pour obtenir éventuellement deux qualifications est tout simplement une aberration.
Pour les employeurs, c’est évidemment une opportunité. Mais, en examinant les choses du point de vue des apprentis, on s’aperçoit que la situation n’est guère tenable.
Tout d’abord, la notion de contrat saisonnier ne renvoie à aucune qualification de métier, mais simplement à un type de contrat qui a la particularité de ne s’exercer qu’à certaines périodes dans l’année – la précarité relève d’ailleurs de cette spécificité –, sans qu’y soit associé un métier ou une compétence en particulier.
Ensuite, et nous l’avons déjà mentionné, les conditions matérielles et financières de réalisation de l’apprentissage sont déjà complexes pour l’apprenti, qui doit naviguer entre centre de formation d’apprentis et entreprise, lesquels ne sont pas nécessairement sur un même lieu ni dans une même ville.
Voilà donc que l’on s’apprête à décupler ces difficultés en cumulant la précarité de l’emploi saisonnier, dont on peut douter qu’il ait une valeur qualifiante, avec la possibilité d’avoir deux employeurs et deux formations simultanément.
Aussi, ce dispositif n’est favorable ni aux apprentis ni à leurs familles ; il ne l’est que pour les entreprises de travail saisonnier, friandes de main-d’œuvre à bas coût et disponible sur une courte durée. Par ailleurs, il aura pour conséquence de mettre en concurrence des populations venant de l’étranger sur un certain nombre d’emplois.
Si l’apprentissage doit se développer, ce n’est clairement pas par ces voies-là. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet article.
Je répondrai bien évidemment à mes deux collègues qui ont présenté ces amendements de suppression que je ne peux souscrire à leurs propos.
L’introduction de l’apprentissage pour les activités saisonnières est une des innovations majeures de cette proposition de loi.
Elle va permettre, vous le savez très bien, à de nouveaux secteurs d’activité, qui aujourd’hui embauchent peu d’apprentis, ou même à de nouveaux territoires, de profiter des possibilités économiques qui sont offertes par l’apprentissage.
J’ai donc donné un avis défavorable à titre personnel, la commission ayant émis un avis favorable.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement
Monsieur Fischer, est-ce que l’emploi saisonnier existe aujourd’hui ? La réponse est oui.
Est-ce qu’il correspond au choix de nombreux salariés, de nombreux jeunes ? La réponse est oui également.
L’emploi saisonnier est aujourd’hui très planifié. Pour ne prendre qu’un exemple parmi de nombreux autres, je rappellerai que certaines personnes travaillent pendant l’hiver à la montagne et pendant l’été sur le littoral en s’organisant, notamment, grâce aux liens qui existent entre les agences Pôle emploi et les employeurs concernés.
Comme le travail saisonnier existe, pourquoi ne pas profiter de ce cadre pour permettre le recrutement de saisonniers en apprentissage ?
L’idée ne m’est pas venue toute seule, je le confesse ! Ce sont des professionnels qui m’ont demandé pourquoi ils ne pouvaient pas, eux, recruter des apprentis. La réponse est toute simple : parce que, dans les textes, la possibilité pour un apprenti d’avoir deux employeurs est exclue.
Or ces professionnels sont persuadés que, dans la mesure où le cadre existe aujourd’hui, compte tenu des liens qui se sont noués entre eux, que ce soit sur le littoral ou dans les régions de montagne, la mise en place d’un tel dispositif d’apprentissage serait possible. Il permettrait à la fois à des jeunes d’apprendre un métier, d’avoir des perspectives d’avenir et aux entreprises de fidéliser ces jeunes. Rien de plus, rien de moins.
Nous proposons donc d’aller dans cette voie, et je suis persuadé qu’ainsi pourront être créés quelques milliers d’emplois supplémentaires, ce qui sera une bonne chose pour les jeunes.
M. Guy Fischer. Je suis en désaccord avec M. le ministre même si je me réjouis qu’il ne se borne pas à proposer ses idées personnelles !
Sourires
Cela dit, je me rappelle que, dans une autre vie, j’ai été maître d’internat dans un centre d’apprentissage, comme on les appelait à l’époque. Il existait alors tout un cursus vers la professionnalisation.
Aujourd’hui, ce qui suscite nos craintes, c’est la rémunération. Si les jeunes peuvent trouver suffisamment de maîtres d’apprentissage – artisans, petites entreprises, voire grandes entreprises, même si ces dernières utilisent peu l’apprentissage –, nous constatons qu’ils subissent, de manière directe ou indirecte, une pression sur les salaires.
Nous craignons que ce dispositif ne renforce cette pression sur les salaires et que la rémunération de l’apprenti ne soit pas à la hauteur de l’effort qu’il aura fourni. En d’autres termes, ce sera tout bénéfice pour l’entreprise ou l’artisan et régression pour l’apprenti.
Je suis absolument favorable à cet article.
À la montagne, et ce n’est pas M. Jean-Claude Carle qui me contredira, point n’est besoin de changer de lieu pour changer de métier. En effet, en montagne, bien des résidents ont un métier pendant l’hiver et un autre durant l’été. Bien entendu, ces personnes travaillent chez des artisans ou dans de toutes petites entreprises.
Jusqu’à maintenant, les jeunes dans cette situation ne pouvaient accomplir d’apprentissage que dans un de leurs métiers. Or il s’agit parfois d’activités très différentes : le bâtiment d’un côté ; des métiers liés aux sports d’hiver de l’autre. Je pense donc que ce dispositif leur sera très favorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 6, présenté par Mmes Printz et Schillinger, M. Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Remplacer les mots :
d’une rupture à ses torts
par les mots :
de cette rupture
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
La rédaction de cet alinéa témoigne soit d’une certaine précipitation, soit d’intentions pour le moins ambiguës. La rupture d’un contrat d’apprentissage à l’initiative de l’employeur peut être, ainsi que le prévoit le texte, à ses torts ou pour des causes qui ne sont pas fautives de sa part.
II est évident que, si l’employeur prend l’initiative d’une rupture, à moins d’être parfaitement masochiste, il n’écrira pas dans l’accord écrit exigé par l’article L. 6222-18 du code du travail que cette rupture se fait à ses torts, ce qui pourrait lui valoir d’avoir à réparer le préjudice subi par l’apprenti.
Il est à craindre que le jeune apprenti, qui ne sera pas forcément conseillé par de fins juristes et qui ne voudra plus avoir affaire à cet employeur, signera l’accord qui lui sera présenté un peu trop vite.
L’employeur sera ainsi, en tout état de cause, exonéré des conséquences financières de la rupture.
Enfin, comment peut-on savoir quelle est la cause exacte de la rupture du contrat avant que le conseil de prud’hommes n’ait statué ? Or cela emporte des conséquences financières pour la partie dont les torts sont alors reconnus.
On peut donc aussi considérer que cet article préjuge, au bénéfice des seuls employeurs, les contentieux dont peuvent être saisis les conseils de prud’hommes.
C’est pourquoi nous demandons que les mots « à ses torts » soient supprimés.
Contrairement à ce que vient de dire notre collègue Patricia Schillinger, la rédaction de cet alinéa ne semble laisser aucune place au doute.
En effet, l’employeur peut bien évidemment être à l’initiative de la rupture ; cela ne signifie pas pour autant qu’il soit fautif. À cet égard, il revient au conseil de prud’hommes de se prononcer sur le caractère fautif de la rupture du contrat, en l’absence d’accord écrit, après les deux premiers mois d’apprentissage.
Mais il est tout à fait normal que l’employeur ne supporte pas systématiquement les conséquences financières de la rupture, s’il n’est pas lui-même en faute. L’apprenti peut tout aussi bien être responsable de la rupture.
J’ai donc donné un avis défavorable à titre personnel, bien que la commission ait émis un avis favorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.