L’article 10 bis apporte des modifications substantielles à l’obligation d’embauche en faveur des personnes en situation de handicap.
Sans doute les auteurs de l’amendement adopté à l’Assemblée nationale voulaient-ils favoriser l’emploi de ces personnes. Pour notre part, nous considérons que ce ne sera absolument pas le cas, notre analyse divergeant en cela de celle qu’a formulée notre collègue Sylvie Desmarescaux dans son rapport. Au contraire, cette disposition aura pour conséquence soit de dispenser les employeurs de leurs obligations légales, soit de comptabiliser deux fois les salariés handicapés : une fois dans l’entreprise où le salarié est mis à disposition et une fois dans le groupement.
Si cette mesure diminue artificiellement le nombre d’entreprises ne satisfaisant pas à cette obligation et diminue tout aussi artificiellement le taux de chômage – très élevé – des personnes handicapées, elle n’apporte aucune amélioration réelle à la situation de celles-ci.
En effet, la présence d’une personne en situation de handicap nécessite souvent, de la part de l’entreprise qui l’embauche, un effort considérable pour aménager le poste de travail du salarié en situation de handicap. Les entreprises qui s’inscrivent dans cette démarche savent qu’il s’agit d’un parcours réfléchi, mais aussi de long terme.
Or, par définition, les salariés mis à disposition d’une entreprise par un regroupement n’ont qu’une présence temporaire dans l’entreprise puisqu’ils sont appelés à y intervenir de manière ponctuelle.
Dès lors, on voit mal comment l’entreprise pourrait s’engager dans une démarche d’adaptation de poste, parfois longue et coûteuse, pour un salarié qui ne serait présent que de manière temporaire.
En outre, l’article 10 bis présente un risque de précarisation accrue des salariés en situation de handicap alors que, dans le même temps, il ferait le bonheur des employeurs qui sont à la recherche de toujours plus de flexibilité.
En effet, ces derniers pourront satisfaire à leur obligation d’embauche sans pour autant être l’employeur du salarié. Cela signifie, outre le fait que le groupement pourra également comptabiliser le salarié pour sa propre obligation, que l’entreprise d’accueil pourra le déduire de la sienne tout en évitant qu’il soit réellement considéré comme un salarié à part entière. À titre d’exemple, le salarié ne bénéficiera pas des conventions collectives. Ainsi, l’employeur pourra utilement décompter la présence du salarié en situation de handicap dans le cadre de son obligation, sans en assumer complètement la responsabilité.
Enfin, mes chers collègues, cet article opère une distinction maladroite et malvenue entre les salariés en situation de handicap et les autres. Si les derniers ne sont jamais intégrés dans l’entreprise d’accueil, notamment pour le calcul des effectifs, les salariés en situation de handicap sont quant à eux considérés, pour le calcul de l’obligation d’embauche et seulement pour cette obligation, comme des salariés de l’entreprise elle-même. Au final, les employeurs sont susceptibles de survaloriser la présence d’un collaborateur en situation de handicap dès lors que celui-ci serait amené à cumuler deux postes de travail. Il pourrait ainsi être comptabilisé deux fois au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, l’OETH.
Pour tous ces motifs, le maintien de l’article 10 bis nous semble préjudiciable aux personnes en situation de handicap, raison pour laquelle nous en proposons la suppression.