Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 27 juin 2011 à 15h00
Développement de l'alternance et sécurisation des parcours professionnels — Article 10 ter nouveau

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

L’article 10 ter, introduit par Mme le rapporteur, porte sur le prêt de main-d’œuvre.

Actuellement, l’article L. 8241-1 du code du travail dispose que « toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre est interdite ».

L’article L. 8241-2 précise, lui, que les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont autorisées.

Le prêt de main-d’œuvre n’est donc en principe licite que s’il est exercé par les entreprises de travail temporaire et de travail à temps partagé ou s’il revêt un caractère non lucratif. L’enjeu réside dans l’interprétation du caractère non lucratif de la pratique.

Sur cette question, la proposition de loi du député UMP Jean-Frédéric Poisson, adoptée par l’Assemblée nationale en juin 2009, mais jamais débattue par le Sénat, vise à libéraliser le prêt de main-d’œuvre en considérant qu’il n’y a « pas de but lucratif quand l’entreprise prêteuse ne tire pas de bénéfices ». La notion d’absence de bénéfices est volontairement floue pour faciliter le recours au prêt de salariés.

L’article 10 ter de la présente proposition de loi, qui s’apparente à un cavalier, vise, je cite Mme le rapporteur, « à mieux définir les conditions dans lesquelles peut s’exercer le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif ».

Vous proposez, ainsi, de définir le caractère non lucratif d’une opération de prêt de main-d’œuvre lorsque « l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition ».

Vous arguez de l’utilité de cette pratique qui, vous le reconnaissez, nécessite d’être encadrée « de telle sorte qu’elle ne puisse affecter négativement les droits ou la carrière des salariés ». Ce cadre fort serait demandé, précisez-vous, par « les confédérations FO et la CFDT […] afin d’éviter un excès de libéralisme ». Et pour cause ! Cette pratique, par nature, précarise le salarié en l’éloignant des activités et du lieu de réalisation habituel de son travail.

Nous proposons donc la suppression de cet article.

Certains avocats spécialisés en droit du travail s’en étaient inquiétés en 2009, cette mobilité ouvre grand la porte à la fragilisation des salariés en permettant de les éloigner de leurs collègues et de leurs délégués syndicaux.

De plus, des questions demeurent posées avec ce dispositif. Je pense à celles qui sont relatives à la propriété intellectuelle, notamment les brevets, aux votes aux élections professionnelles, à la responsabilité en cas d’accident du travail, à l’ancienneté, etc. : autant de sujets relatifs à la protection des salariés.

Quant à son utilité en temps de crise, les avis sont extrêmement partagés. En pratique, les entreprises qui ont recouru à ce dispositif n’ont pas évité les licenciements. Et pour cause, les masses salariales engagées sont généralement très faibles.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.

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