Monsieur le sénateur, comme vous, je suis convaincue que le déploiement des réseaux à très haut débit est un enjeu économique et industriel majeur pour l’ensemble de notre pays, en particulier pour les zones les moins denses. Nous parlons d’investissements dont le montant devrait atteindre plusieurs dizaines de milliards d'euros dans les dix prochaines années.
Les pays qui sortiront renforcés de la crise seront ceux qui auront su, dès aujourd'hui, préparer l’avenir. À ce titre, les investissements dans le très haut débit sont porteurs de croissance, pour le secteur du numérique mais aussi pour l’ensemble des secteurs économiques, tant les gains de compétitivité produits diffusent dans l’ensemble de l’économie.
En France, c’est la loi de modernisation de l’économie qui fixe le cadre juridique du déploiement des réseaux de fibre optique. Ce texte instaure un droit à la fibre optique pour chaque Français, impose le pré-équipement obligatoire de tous les immeubles neufs à partir de 2010. Le plan de relance a retenu cette disposition en rendant obligatoire, dès aujourd'hui, l’équipement des logements bénéficiant d’un financement dans le cadre de ce plan.
Pour stimuler et libérer les investissements dans la fibre optique, j’ai organisé, le 7 avril dernier, avec l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, une réunion sur le développement des réseaux à très haut débit. Il a été pris acte que les investissements réalisés jusqu’à la mise en place d’un cadre réglementaire définitivement stabilisé seraient conservés en l’état.
Par ailleurs, comme m’y a invitée le Conseil économique, social et environnemental dans un rapport publié voilà deux mois, j’étudie les conditions permettant d’accélérer le déploiement de ces nouveaux réseaux au profit de tous les Français, notamment dans les zones que vous avez mentionnées, monsieur le sénateur, où le seul investissement privé ne sera pas suffisant, chacun s’accorde à le reconnaître.
Ainsi, des instances régionales de concertation, regroupant les collectivités locales et l’État, seront mises en place et travailleront à la définition de schémas directeurs pour le déploiement du très haut débit. Une circulaire à destination des services de l’État en régions sera signée prochainement, afin de créer sans délai ces instances de concertation et d’élaborer ces schémas directeurs.
Par ailleurs, nous avons besoin d’un nouvel outil réglementaire, afin de permettre aux collectivités territoriales de devenir des investisseurs minoritaires et d’être en quelque sorte en impulsion dans ce mouvement. Actuellement, c’est le « tout ou rien » qui prévaut : si quelques collectivités territoriales ont choisi d’assumer l’ensemble de leurs responsabilités, beaucoup ont renoncé, considérant que l’aménagement numérique des territoires ne constituait pas le cœur de leur activité.
J’ai lancé une étude avec la Caisse des dépôts et consignations sur ce sujet ainsi que sur le développement des réseaux neutres et de l’investissement public pour le très haut débit. Je communiquerai les conclusions de ce travail d’ici au mois de juin prochain.
Il ne faut pas oublier que le redéploiement des fréquences hertziennes du dividende numérique est l’un des principaux leviers de déploiement du très haut débit dans les zones les plus rurales. Nous travaillons activement, avec l’échelonnement des opérations pilotes d’extinction de la télévision analogique et du basculement vers le « tout numérique ». Ces opérations se feront à grande échelle dès le début de l’année 2010, en vue d’un achèvement au mois de novembre 2011, pour que, à cette date, toutes les émissions analogiques puissent être éteintes et que, sur les fréquences ainsi libérées, nous puissions développer de nouveaux services, notamment dans les zones les moins denses.
Enfin, monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les programmes européens et nationaux.
Si nous sommes favorables à un programme européen sur le développement du numérique, nous pensons que celui-ci ne doit pas être orienté uniquement sur la question des infrastructures, mais qu’il doit prendre également en compte la compétitivité des acteurs, notamment ceux de l’industrie du logiciel. Il faut reconnaître que la préparation des prochaines élections européennes ne rend pas la période faste à cet égard, ne serait-ce que parce que la commissaire chargée du dossier, elle-même candidate, n’est pas très favorable à la stabilisation de ce projet.
En revanche, à l’échelon national, je travaille sans attendre avec Patrick Devedjian à l’élaboration d’un volet numérique du plan de relance, qui est actuellement en cours d’arbitrage. Il devrait notamment intégrer des mesures sur les réseaux, mais pas uniquement. Il convient en effet de rappeler que l’économie numérique repose sur trois piliers : des réseaux de qualité, avec une bande passante la plus large possible, des acteurs dynamiques, mais aussi des services, des usages et des contenus développés en France, au bénéfice de notre économie. En effet, il importe que les réseaux ne soient pas seulement des autoroutes sur lesquelles circulent des voitures produites ailleurs, mais deviennent des vecteurs majeurs de développement pour l’emploi et la croissance en France.