Intervention de Gérard Larcher

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Hommage solennel au président rené monory

Photo de Gérard LarcherGérard Larcher, président :

Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.), il est des disparitions dont la force symbolique marque une assemblée telle que la nôtre. Celle de René Monory, notre ancien président – je le dis devant son épouse et sa famille rassemblée –, est de celles-ci.

René Monory nous a quittés le 11 avril dernier. C’est avec une vive émotion et une grande tristesse que notre assemblée s’incline devant celui qui fut son président durant six années, de 1992 à 1998, et qui a tant apporté au Sénat, dont il fut l’un des membres pendant trois décennies.

Un hommage émouvant lui a été rendu à l’occasion de ses obsèques, le jeudi 16 avril, au milieu de ses concitoyens, dans sa chère ville de Loudun dont il a été le maire tant d’années durant. J’ai eu à cette occasion le douloureux privilège de prononcer, au nom du Sénat de la République auquel il a tant apporté, son éloge funèbre en présence de M. le Président de la République et des plus hautes personnalités de l’État.

J’ai aussi vu les habitants de sa ville se presser en foule dans l’église où avait lieu la cérémonie, ainsi qu’autour, regardant sur de grands écrans ce dernier hommage rendu à leur ancien maire.

En ces moments lourds d’émotion, la nation et la ville se sont unies dans un même recueillement et une même attitude de reconnaissance envers un homme hors du commun.

Il est vrai que la vie de René Monory fut un destin sans guère de précédent dans notre vie politique. Il fut à la fois un élu local visionnaire, un homme d’État remarquable et un président du Sénat qui a contribué à faire entrer la Haute Assemblée dans le XXIe siècle. Il nous laisse le souvenir d’une œuvre exemplaire.

René Monory aura toujours conservé de ses origines et de sa formation un goût inlassable du travail et de l’effort. Il y ajoutera, sa vie durant, une capacité d’initiative, une force d’imagination et un dynamisme hors du commun.

Après avoir développé l’entreprise familiale jusqu’à en faire l’une des plus prospères de la région, il fut conduit par son attention aux autres, sa générosité, son goût pour l’action, à se mettre très tôt au service de ses concitoyens de Loudun. Il entra en politique par la porte municipale. Il exerça ainsi sans discontinuer de 1959 à 1999, avec un enthousiasme toujours renouvelé, les fonctions de maire de Loudun, qui étaient les plus chères à son cœur.

Conseiller général de la Vienne dès 1961, il occupa ces fonctions jusqu’en 2004 au sein de l’assemblée départementale, dont il fut le président incontesté durant un quart de siècle. Il a laissé une empreinte profonde dans ce département de la Vienne : c’était un homme de territoire, un porteur de projets, un fondateur inspiré.

René Monory fut un élu local visionnaire. Il a été un bâtisseur déterminé à changer le cours des choses, comme l’illustre l’exceptionnelle réalisation du Futuroscope. Ce fut en effet une idée de génie que d’avoir osé et réalisé ce pari, envers et contre tous, quand personne ne croyait possible d’ériger cette cité du futur au milieu des champs de la Vienne. Ce site futuriste, associant au parc européen de l’image la formation de haut niveau et les nouvelles technologies, fut le fruit de l’imagination lumineuse et de la détermination à toute épreuve qui caractérisaient le « vulgarisateur d’idées nouvelles » qu’était René Monory.

Les plus hautes autorités de l’État n’avaient pas attendu le succès du Futuroscope pour distinguer les qualités exceptionnelles de René Monory. Si son engagement local l’avait conduit à être élu, dès 1968, sénateur de la Vienne, il vit son mandat de parlementaire interrompu à deux reprises pour lui permettre d’exercer, de 1977 à 1981, puis de 1986 à 1988, des responsabilités ministérielles au sein des gouvernements dirigés respectivement par Raymond Barre, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, et par Jacques Chirac, sous la présidence de François Mitterrand.

Ministre de l’industrie, du commerce et de l’artisanat en 1977, il fut dès l’année suivante appelé à occuper les éminentes responsabilités de ministre de l’économie et des finances, avant d’exercer, de 1986 à 1988, les lourdes fonctions de ministre de l’éducation nationale.

Dans ses fonctions gouvernementales successives, René Monory démontra sans cesse son pragmatisme et son efficacité, mis au service de sa personnalité atypique et de son inlassable dynamisme. Rappelons-nous qu’au ministère de l’économie et des finances, dans un contexte économique pourtant difficile, il conduisit avec détermination une politique de libération des prix tout en favorisant les investissements de l’épargne dans l’industrie et en imaginant un système d’épargne populaire auquel son nom reste encore attaché, les SICAV.

En 1988, après l’élection présidentielle, René Monory rejoignit le Palais du Luxembourg. Élu de la famille centriste, européen convaincu, acteur majeur, aussi, de la construction de l’Union pour un mouvement populaire, cet homme de fidélité, tourné vers le futur, fut un sénateur de premier plan. Nous connaissions et apprécions tous son indépendance d’esprit. Sa personnalité et son parcours politique pouvaient impressionner, mais il avait gardé une simplicité souriante et un intérêt pour les autres qui font qu’il a toujours été proche de ses collègues.

Il démontra, au sein de notre assemblée, toutes ses qualités en exerçant notamment les importantes fonctions de rapporteur général du budget. Toujours ouvert aux idées neuves et manifestant une attention scrupuleuse aux évolutions de la dépense publique, il fut aussi l’un des premiers à mesurer l’ampleur des bouleversements induits par la mondialisation, notamment par une prise de conscience aiguë de la nécessité de créer une monnaie unique pour l’Europe.

C’est en octobre 1992 que René Monory fut élu à la présidence du Sénat, succédant ainsi à Alain Poher, qui avait exercé sans discontinuer ces fonctions depuis 1968.

Durant les six années où il exerça les fonctions éminentes de président du Sénat, il n’eut de cesse de donner de notre assemblée l’image d’une institution moderne et ouverte sur le monde. Il développa ses moyens d’action sur le plan international. Il incita à une réflexion constante sur l’avenir.

Ce passionné des nouvelles technologies fit entrer très tôt l’informatique et internet au Sénat. Si le site du Sénat peut aujourd’hui afficher plus de vingt millions de visites par an, c’est en grande partie à l’initiative de précurseur de René Monory que nous le devons.

René Monory fut au Sénat, au début des années 1990 – sachons nous en souvenir –, l’un des grands acteurs de la relance des politiques d’aménagement du territoire. Permettez-moi, de manière personnelle, de dire aussi que ce fut pour moi un honneur et une expérience forte que d’être l’un de ses vice-présidents. Il était un grand politique qui a toujours su rester humain, et je garde en mémoire le souvenir d’échanges passionnants que nous avions eus notamment autour du texte portant sur l’aménagement du territoire.

René Monory a beaucoup apporté à la Haute Assemblée. Il a été, pour le Sénat, un modernisateur. Nous devons, mes chers collègues, une grande reconnaissance à l’homme pragmatique et généreux, avisé et compétent qu’il était.

Le président René Monory, homme de caractère, de décision et d’imagination, était un homme engagé au sens plein du terme. Je ne peux d’ailleurs pas évoquer son souvenir – et je crois que c’est le cas de tous ceux qui, dans cet hémicycle, l’ont connu – sans revoir sa haute et puissante silhouette légèrement courbée se déplacer dans nos travées, saluant les uns et les autres d’une poignée de main ou d’un hochement de tête complice, avec une lueur au fond des yeux.

Je renouvelle à cet instant à Mme Monory, son épouse, à sa fille, à sa famille et à ses proches, à ses anciens collaborateurs, aujourd’hui dans la douleur, les condoléances très sincères et émues de l’ensemble des sénatrices et des sénateurs de la République. Permettez-moi d’y ajouter ma peine personnelle et ma gratitude pour l’œuvre que René Monory a accomplie pour le Sénat de la République et pour la France.

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