Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans une période propice à l’évocation des politiques européennes, ce débat a au moins le mérite de montrer à ceux qui auraient pu l’oublier combien les problèmes agricoles et alimentaires sont de nouveau au cœur de toutes les préoccupations : celles de nos concitoyens, tout d’abord ; celles du monde politique, ensuite ; celles du microcosme gouvernemental, enfin, puisque votre portefeuille semble faire l’objet de nombreuses convoitises, monsieur le ministre…
Si je me réjouis très sincèrement de cette importance nouvelle accordée à un secteur cher à nombre de membres de cette assemblée, je dois avouer, monsieur le ministre, que je souhaite beaucoup de courage à votre successeur, la situation n’étant vraiment pas facile, notamment dans l’élevage, où tous les indicateurs sont au rouge.
Bien que je ne partage pas tous vos choix – j’aurai l’occasion de détailler mon argumentation tout à l’heure –, je tenais à vous dire, monsieur le ministre, que mes collègues et moi-même avons apprécié votre volonté d’écoute ainsi que la réactivité des réponses et des informations que vous nous avez communiquées. Cette démarche nous a permis de suivre, presque en temps réel, les négociations auxquelles vous avez participé, notamment sur la PAC.
Revenons à notre débat : quarante-cinq ans après sa création, et alors qu’elle reste l’un des succès majeurs de l’Union européenne, la PAC doit encore justifier sa raison d’être, malgré les nombreuses réformes dont elle a fait l’objet et qui ont été diversement appréciées, à juste titre d’ailleurs.
Cette politique agricole commune – chacun de ces trois mots a son importance –, tant décriée, a pourtant permis à l’Europe, et plus particulièrement à la France, de devenir l’une des grandes puissances agricoles et alimentaires du monde. Certains ont alors cru à tort que le but poursuivi à l’origine – l’indépendance et la sécurité alimentaire – était devenu obsolète et ne justifiait plus une intervention publique forte. Les fluctuations des marchés l’année dernière et la crise actuelle battent en brèche ces certitudes et redonnent au contraire à cet objectif toute son importance.
Face à l’incertitude de ces marchés comme aux importantes variations quantitatives et qualitatives liées aux aléas environnementaux, climatiques, sanitaires, voire politiques, seule l’intervention de la puissance publique pourra atténuer ces variations à la hausse, pour protéger producteurs et consommateurs, mais surtout à la baisse, pour sauver nos producteurs.
Nous refusons toujours les objectifs affichés par la commissaire, Mme Fischer Boel, qui souhaitait « permettre avant tout à nos agriculteurs de s’adapter rapidement aux signaux du marché ». Voilà quelques jours, elle a elle-même reconnu que l’État où le revenu des agriculteurs avait connu la plus forte baisse, de l’ordre de 25 %, était le Danemark. Même si je ne suis pas certaine que Mme la commissaire ait sciemment déduit de ce constat une démonstration éclatante de l’échec de cette orientation politique, je crois que le modèle agricole prôné par les pays anglo-saxons et du nord de l’Europe ne saurait être ni le meilleur ni encore moins le seul vers lequel nous devons tendre.
Bien au contraire, il est de plus en plus pertinent de maintenir tant la diversité des structures et des produits que la régulation des productions agricoles, qui ne peuvent en aucun cas être assimilées à des marchandises comme les autres.
C’est ce que disent aussi les organisations agricoles européennes et nationales, qui ont regretté que l’accord obtenu dans le cadre du bilan de santé de la PAC « détricote méthodiquement tous les outils de régulation ». Certains de ces outils ont été conservés, mais cet accord se traduit surtout par le découplage quasi total des aides, la suppression programmée des prix d’intervention et l’abandon des quotas laitiers.
Quelles en seront les conséquences sur la survie des petites productions, les volumes produits, les modes de production et, finalement, l’emploi ?