Intervention de Odette Herviaux

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Débat sur la politique agricole commune

Photo de Odette HerviauxOdette Herviaux :

Ainsi, dans mon département, un certain nombre d’éleveurs, peut-être mieux informés ou plus malins que les autres, ont anticipé cette approche en transformant des prairies en champs de maïs, dès 2000, pour « gonfler » les « rentes » à venir en 2003. C’est difficile à comprendre dans une région qui se bat pour reconquérir la qualité de ses eaux de surface…

Le refus systématique de recourir à l’article 69 pour favoriser l’agriculture plus durable, notamment le « bio », a également constitué un choix regrettable qui nous contraint aujourd’hui à tenter de combler notre retard dans le cadre du Grenelle.

Que penser de cette mise en œuvre nationale du bilan de santé de la PAC ? Sans refaire tout l’historique – certains de mes collègues s’en sont déjà chargés –, je voudrais tout d’abord revenir sur ce nouvel article 68, qui permet de prélever jusqu’à 10 % des aides directes pour les orienter vers des territoires et des filières en difficulté. Le Parlement européen avait même proposé de porter ce taux à 15 % des plafonds nationaux des États membres. Vous avez décidé, monsieur le ministre, de le limiter à 5 % : s’agit-il d’une première étape, qui vous conduira, dans un second temps, à instaurer un taux plus élevé pour 2011 ou allez-vous, au contraire, laisser ce taux inchangé jusqu’en 2013 ?

Vous avez plusieurs fois affirmé, monsieur le ministre, vouloir une PAC « plus légitime, plus transparente, plus juste ». Nous sommes donc amenés, nous aussi, à nous poser un certain nombre de questions.

Peut-on parler d’une PAC plus légitime ? Le découplage des aides est-il vraiment compatible avec la poursuite des réformes de 2003 et le versement d’aides sans lien avec l’acte de production et sans obligation de continuer à produire ? Comment justifier ces aides auprès de nos concitoyens ?

Peut-on parler d’une PAC plus transparente, alors que l’on inclut des mesures de gestion de crise dans le deuxième pilier et des mesures de développement rural et d’aménagement du territoire dans le premier pilier, via l’article 68 ?

La cohérence de la structure de la PAC en deux piliers existe-t-elle encore vraiment ? Est-elle viable à long terme, surtout si l’on vide de sa substance, par une volonté de réduire globalement le budget de la PAC, un premier pilier qui devrait plus que jamais permettre la régulation des marchés et des filières ?

Quant au deuxième pilier, qui reste beaucoup plus faible, pourra-t-il à lui tout seul résoudre les nombreux problèmes liés à la lutte contre le changement climatique, à l’assurance récolte, au développement rural, lequel mériterait à lui seul une véritable politique commune ?

Je n’évoquerai pas ici la production d’énergie grâce aux productions agricoles, alors même que le problème numéro un que nous devons affronter est le défi alimentaire pour les années à venir.

Il vaudrait peut-être mieux chercher à valoriser au maximum les déchets sous toutes leurs formes, notamment les sous-produits du bois, surtout compte tenu des dégâts causés par la tempête Klaus, dont les conséquences sont catastrophiques pour toute la filière, même en dehors des zones touchées.

Enfin, peut-on parler d’une PAC plus juste ? Monsieur le ministre, vous n’abordez même pas la question du plafonnement des aides dans votre présentation des options nationales ! Les institutions européennes se sont pourtant mises d’accord sur une mesure a minima de plafonnement via un taux de modulation plus élevé de quatre points sur les montants dépassant 300 000 euros. Le Parlement européen, quant à lui, avait introduit une pondération de ce plafonnement en fonction du nombre d’actifs afin de ne pas pénaliser les exploitations des nouveaux pays entrants, dont certains emploient beaucoup de main-d’œuvre.

Peut-être cela est-il fondu dans le cadre de l’augmentation globale de la modulation ? Si tel est le cas, monsieur le ministre, quels montants sont concernés, surtout quand on sait que les prélèvements pour modulation se font au premier euro ? N’aurait-on pas pu prévoir aussi un plancher lié aux plus petits revenus ou aux plus petites surfaces ?

Enfin, et ce n’est pas le point le moins important, que dire de la décision d’attribuer une enveloppe supplémentaire aux grandes cultures ? Ce n’était pas votre décision originelle, monsieur le ministre, mais force est de reconnaître que quelques centaines de producteurs de céréales sont mieux entendus par M. le Président de la République que des centaines de milliers de salariés manifestant pour leur emploi et leurs droits sociaux !

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