Intervention de Aymeri de Montesquiou

Réunion du 28 avril 2009 à 15h00
Débat sur la politique agricole commune

Photo de Aymeri de MontesquiouAymeri de Montesquiou :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de quarante ans, la politique agricole commune façonne l’environnement quotidien de millions d’agriculteurs et de consommateurs européens.

En dépit des crises et des critiques, elle a permis à l’agriculture européenne de se maintenir, y compris dans les régions difficiles, de se développer, de produire dans la durée et de mettre à disposition de tous des produits de qualité.

Au fil des ans, la PAC s’est profondément réformée pour s’adapter aux marchés, au contexte international et aux attentes des consommateurs. On a assisté à un alignement progressif des prix de soutien sur les prix mondiaux, compensé par des aides directes de la production finalement découplées.

La réforme de 2003 a sans doute apporté les inflexions les plus marquantes, en contrepartie d’une stabilité budgétaire jusqu’en 2013. Elle avait prévu un bilan de santé à mi-parcours, qui s’est conclu par un accord en novembre dernier, lors de la présidence française de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, nous connaissons votre volonté de préserver les fondamentaux de la PAC et vos efforts pour aboutir à un accord. Ce dernier est moins libéral que l’option initialement proposée par la Commission et prend davantage en compte les composantes sociales et l’aménagement du territoire.

Certes, il s’agit d’un compromis. Bien que deux rendez-vous soient prévus, en 2010 et en 2012, pour ajuster les quotas laitiers à l’évolution des marchés, la suppression programmée de ces quotas suscite des inquiétudes. L’imposition d’un découplage quasi total des aides peut également avoir des conséquences potentiellement destructrices dans certaines régions où les possibilités de diversification sont rares.

Toutefois, reconnaissons que le bilan de santé comporte beaucoup d’éléments positifs. Il préserve d’abord les mécanismes d’intervention pour les céréales et les produits laitiers. Il permet ensuite de participer au financement par la PAC des outils de couverture des risques climatiques et sanitaires. C’est un enjeu majeur pour garantir les revenus : les agriculteurs du Gers en savent quelque chose après la fièvre catarrhale ovine et la tempête de janvier dernier qui les ont durement touchés. Enfin, il dégage un potentiel d’intervention dans des secteurs rencontrant des problèmes spécifiques. Pour la France, il s’agit de réorienter environ 1, 4 milliard d’euros.

Monsieur le ministre, vous nous avez présenté les décisions qui ont été prises, et que j’approuve, notamment le rééquilibrage des aides au profit de certaines filières : il en est ainsi de la filière ovine et plus généralement de l’élevage à l’herbe, secteurs auparavant délaissés.

Cependant, cela ne doit pas se faire au détriment des zones intermédiaires. Ainsi, dans le Gers, certaines exploitations devraient bénéficier de la réorientation des aides ; d’autres, de petite ou moyenne dimension, pourraient se trouver confrontées à des transformations auxquelles elles ne pourraient faire face. Quelles mesures d’accompagnement entendez-vous mettre en œuvre en faveur des zones intermédiaires ?

Au-delà de ce bilan de santé, c’est déjà la PAC de l’après-2013 qui nous préoccupe aujourd’hui. Les réformes successives n’ont été trop souvent que le fruit d’arbitrages budgétaires ou ont été guidées par les seules contraintes internationales. Il faut aujourd’hui se poser les vraies questions. Quelle PAC voulons-nous ? Comment préserver notre agriculture, à la fois compétitive, multifonctionnelle, durable et répartie sur tout le territoire européen ? Comment répondre à l’impératif alimentaire européen et international ?

Il serait peu cohérent d’entamer les discussions sur les perspectives budgétaires de l’Union avant d’évoquer les questions de fond. C’est l’ambition politique qui doit orienter le débat budgétaire, et non l’inverse !

Monsieur le ministre, vous avez tenté d’ouvrir le débat politique sur l’avenir de la PAC en septembre dernier, à Annecy, mais votre initiative a malheureusement été limitée par les réticences de certains de nos partenaires. La France doit néanmoins continuer de porter ce débat, d’autant qu’elle ne peut plus être accusée d’avoir une position intéressée puisqu’elle sera, en 2013, contributrice nette.

La PAC doit retrouver une nouvelle légitimité reposant sur des objectifs cohérents et sur des moyens d’action renouvelés. Les égoïsmes nationaux doivent passer après les grands projets européens. L’agriculture est un projet majeur, structurel, social et économique.

L’impératif de sécurité alimentaire est stratégique. En effet, la demande mondiale doit doubler d’ici à vingt ans, et l’ONU évalue à 1, 2 milliard le nombre d’êtres humains qui auraient chroniquement faim en 2025.

L’agriculture peut aussi répondre au défi de la performance énergétique avec les biocarburants. Elle assume enfin une fonction primordiale de vitalisation rurale et d’entretien de l’espace.

D’aucuns s’interrogent sur le bien-fondé du maintien d’une politique agricole européenne ambitieuse. Pour moi, la réponse relève de l’évidence.

Certains pays plaident pour une renationalisation partielle de la PAC. Il n’est pas concevable que l’Europe tourne le dos à son agriculture alors que les États-Unis, par le biais du farm bill, soutiennent massivement leurs producteurs.

Il n’est pas concevable non plus, alors que l’Europe a déjà fait de nombreuses concessions, que l’Organisation mondiale du commerce continue de militer en faveur d’un dumping général en matière agricole.

La loi du marché ne peut seule gouverner l’agriculture. Il faut maintenir des outils de régulation et de gestion de l’offre, seuls à même de répondre à la volatilité des prix.

Ces outils peuvent se révéler des amortisseurs plus efficaces et surtout moins coûteux que les compensations en cas de crise.

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