Monsieur le président, monsieur le ministre, le 3 décembre dernier, lors de l’examen des crédits affectés à l’agriculture dans le cadre du projet de loi de finances pour 2009, j’ai déjà exprimé des interrogations quant à la future politique agricole commune, qui sera mise en place dès 2013.
Les questions que je me posais alors, et que je continue à me poser, prennent toute leur dimension au regard de la part qu’occupe l’agriculture dans le budget européen, c’est-à-dire environ 40 % de ce budget. Cela fait de l’agriculture la seule politique devenue totalement européenne, les budgets nationaux étant en réalité subsidiaires ou complémentaires.
Quel soutien pourrait être apporté, dès 2013, à nos filières ovines et bovines qui, comme l’ont indiqué mes collègues, sont particulièrement sinistrées par la fièvre catarrhale et les prix de marché ?
Devrons-nous nous résoudre, dans quelques années, à acheter notre bétail au Commonwealth ? La compensation que la Grande-Bretagne a obtenue il y a quelques années – vous vous en souvenez – ne sert-elle pas pour partie à subventionner les cheptels australiens et néo-zélandais et à venir casser les prix des produits de nos éleveurs ?
Faudra-t-il pour entretenir nos zones d’élevage embaucher des jardiniers de l’espace ? À quel prix ? Que deviendront nos éleveurs qui sont attachés à leur cheptel et qui méritent notre respect et notre appui ?
Aujourd’hui, l’organisation d’un débat sur la PAC me donne l’occasion d’évoquer plus particulièrement les inquiétudes qu’ont suscitées en Haute-Garonne les décisions présentées le 23 février dernier et mettant en œuvre le bilan de santé de la PAC depuis la conclusion de l’accord du 20 novembre 2008.
En Midi-Pyrénées, où l’activité agricole agroalimentaire reste le premier secteur économique avec environ 100 000 emplois, soit le double du tourisme ou de l’aéronautique, les aides de la PAC représentent un apport extrêmement important.
Des nouvelles règles édictées par Bruxelles, il résulte une réorientation, en 2010, de 1, 4 milliard d’euros – soit 18 % des aides directes reçues par les agriculteurs – afin de mettre en place un soutien à l’herbe, de consolider celui qui est accordé à certaines productions fragiles, comme les productions ovines, et d’accompagner les systèmes de production durable, notamment la performance énergétique des exploitations agricoles, le développement de l’agriculture biologique et la production des protéines végétales.
À ce sujet, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur l’intérêt que présente le soja, protéine noble dont il faudra pérenniser l’essor.
En effet, il s’agit d’une culture bonne pour l’environnement – on ne le répétera jamais assez –, qui est désormais bien ancrée dans le Sud-Ouest : ainsi, au cœur du Lauragais, pays dans lequel je vis, la valorisation de cette culture permet de fournir aujourd’hui environ 3 500 tonnes de soja non génétiquement modifié dans un rayon de quatre-vingts kilomètres.
Monsieur le ministre, cette culture doit être poursuivie et encouragée.
J’en reviens aux nouvelles mesures prises par Bruxelles : elles suscitent des inquiétudes en Haute-Garonne, où il apparaît, après simulation, qu’une perte d’environ 20 millions d’euros est à envisager, en raison, notamment, du traitement des aides allouées aux exploitations en grande culture et aux exploitations mixtes de polyculture-élevage.
Il faut savoir que les conditions pédologiques et climatiques de la Haute-Garonne ne permettent qu’un rendement moyen, en grande culture, de 5, 2 tonnes par hectare, alors que la moyenne nationale est d’environ 6 tonnes à l’hectare. Jusqu’à présent, les aides, s’agissant des grandes cultures, assuraient aux exploitants un minimum de revenus, même si la Haute-Garonne ne se situe qu’au quatre-vingt-troisième rang national.
Il me semble nécessaire, monsieur le ministre, de prendre un certain nombre de mesures : tout d’abord, le classement de notre département défavorisé en zone intermédiaire, ensuite, la redistribution du solde des aides aux grandes cultures à destination des zones intermédiaires, compte tenu de la contribution de la Haute-Garonne à la réorientation des aides prévues, puis, la mise en place des mesures agro-environnementales spécifiques, d’application souple et simple, qui conforteront le revenu des agriculteurs tout en ayant un effet positif sur les territoires, enfin, l’application du supplément de vingt euros par tonne de lait sur l’intégralité du massif pyrénéen tel que défini par la loi de 1985, c’est-à-dire au-delà de la zone montagne.
J’aborderai un ultime point en matière de politique agricole européenne : la politique du flux tendu a conduit à l’effacement des stocks agricoles, pourtant indispensables pour mieux réguler les prix des denrées alimentaires. L’Europe doit de nouveau assurer le financement de ces stocks, ce qu’elle ne fait plus, malheureusement – c’est bien regrettable ! – depuis un certain nombre d’années.
Je rappellerai également que, 58 000 hectares de terres agricoles disparaissant chaque année, il serait peut-être bon, nous inspirant de l’exemple de l’Allemagne, de nous demander s’il ne conviendrait pas, par une loi, de modérer l’avancée des grandes métropoles, qui dévorent petit à petit ces terres.
Ainsi, l’agglomération toulousaine consomme chaque année 1 350 hectares de terres agricoles.
Je tiens à saluer l’engagement que vous avez pris, s’agissant du développement des pôles de compétitivité. Les dix orientations qui ont été retenues permettront – j’en suis sûr – de donner un nouveau dynamisme à nos entreprises agroalimentaires et de favoriser ainsi ce travail en filières indispensable entre l’agriculture, le monde de la transformation et, bien sûr, celui de la distribution, et de faire en sorte que nos éleveurs et nos agriculteurs puissent être directement intéressés au prix final du produit.
Je ne saurais conclure sans vous rendre hommage, monsieur le ministre : votre action a été déterminante, notamment au sein du conseil des ministres européens de l’agriculture. Vous avez œuvré en faveur des intérêts de la France : nous ne pouvons que vous en remercier et vous inciter à continuer dans cette voie, au poste que vous occuperez désormais.